vendredi 10 avril 2009

Eclaire nous de ta vie

.

Je suis simplement passé dans la pièce à côté.
Ce que j’étais pour vous, je le suis toujours.
Donnez-moi le nom que vous m’avez toujours donné.
Parlez-moi comme vous l’avez toujours fait.
N’employez pas un ton différent.
Ne prenez pas un air solennel ou triste, Continuez à rire de ce qui nous faisait rire ensemble.
Priez, souriez, pensez à moi.
Priez pour moi.
Que mon nom soit prononcé à la maison comme il l’a toujours été.
Sans emphase d’aucune sorte, sans une trace d’ombre.
La vie signifie tout ce qu’elle a toujours été.
Le fil n’est pas coupé.
Pourquoi serais-je hors de vos pensées Simplement parce que je suis hors de votre vue ?
Je ne suis pas loin, juste de l’autre côté du chemin.
Vous voyez : tout va bien !


Nous vous invitons à partager vos mots & pensées liés à Clint : souvenirs, impressions, idées, débats , correspondances, photos et histoires drôles .
Tout ce que nous pouvons collecter ensemble et qui réchauffe le coeur car à présent nous sommes sa mémoire vivante . merci
msezalory@gmail.com

De Papa

Bonjour Clint,

Ton dernier sourire pour moi était le 10 janvier, la veille de ton départ, après une bonne pizza. Tu courais partout, il restait mille choses à faire.

Journal de Clint

« 11/01/08 At last, le voyage commence…. Première étape : Barhein …. Nice airport mais drôlement cher (2200BD pr un menu genre Big Mac -> 7 €).
Il est 21 h, et j’ai déjà fait le tour de tout ce qu’il y a à voir ici. Le vol pour Delhi décolle à 23h15 (long way to go).
En ts cas, Gulf air est à la hauteur de sa réputa° : écrans individuels avec nombreux programmes (j’ai regardé ToX avec Kurt Purssel et l’autre qui joue dans American Psycho). food sympas, hotesses agréables. Par contre, que dire de mon voisin, un pakistanais qui a dormi 3 h et m’a donc empêché d’aller p …. G u des envies de meurtres.
Malheureusement, étant arrivé de nuit, je n’ai pu voir grand-chose de Barhein, à part quelques gratte ciel ;
Une chose est clair, les indiens st curieux et viennent vous parler : déjà 3 acostages avec des gars à l’accent terrible.
J’ai finalement pris un traitement contre le paludisme (malarone : 1 comprimé/jour)…. C maman qui l’a payé (env. 40 € pour 12 compri) : il est 4 h00, heure de Delhi, donc seulement 10h30 à Paris. Petit repas indien avec vin français. Suis à côté d’un Sikh (turban et tt …), il est super cool, mais impossible de se comprendre.
L’Inde approche : y a des signes qui ne trompe pas ! du genre mon voisin qui rote tranquil sans que personne ne soit choqué.
Bon arrivée ds moins d’une heure ».



Depuis ton départ, j’aime l’Inde. Non que ce pays m’était étranger ou indifférent avant que tu n’y voyages, mais il m’était inconnu. Comme chacun, Agra m’émerveillait, Calcutta me rappelait mère Thérésa, ou Lapierre/Collins, Delhi évoquait Gandhi, et puis il y avait les tigres du Bengale, le kornak sur son éléphant, les thés de Ceylan, les pentes de l’Himalaya, les charmeurs de serpents, ton cousin Jérôme la parcourant sur le dur il y a 15 ans, racontant la propreté des Indous, au pied des trains en pleine campagne le matin, les mystères du 3ème œil, la ferveur des ablutions au bord du Gange. Tout cela était loin, mêlé à tant d’autres vues de milliers d’endroits vus à la télé, dans des livres ou parcourus ensemble.

Maintenant, je découvre et visite ces curiosités que tu es allé voir. Je me mets dans tes pas, ou suis la narration d’autres voyageurs, ou bien je lis les histoires d’illustres amis de l’Inde. J’avoue ne pas tout comprendre. Il y a toujours une force mystique. Ils décrivent des hommes et des monuments d’un autre monde, et souvent aussi d’un autre âge. C’est très loin de notre réflexion usuelle, baignée de confort et de certitudes.

L’Inde t’a pris et ne t’a pas rendu. Il me semble que tu y avais rencontré de la sérénité, et beaucoup d’amour. Tu y as été heureux, accomplissant chacun de tes jours sur cette terre d’humanité, de grandeurs, de liens avec l’ancestral et l’imaginaire. Accablé de calamités, un peuple offrant néanmoins son sourire éclatant, miroir d’une âme ouverte et gaie. Un monde tellement éloigné du nôtre, mais plus pour longtemps. Au fond, c’était le moment d’y aller, il sera bientôt trop tard. Tu n’as donc pas rapporté ton témoignage, tes souvenirs de vies aperçues ou rencontrées, tu n’auras pas amusé nos oreilles de ces anecdotes de voyages que quelques photos nous laissent deviner. Nous devons nous-mêmes leur donner une légende. L’Inde laisse à mon esprit l’empreinte forte de ses magies, mais aussi par malheur, ses maléfices. C’est cela qu’elle montre à Bénarès au bord du fleuve sacré, là où tu as choisi, en pleine beauté, dans ta meilleure jeunesse d’aller rejoindre pour toujours l’Elysée.

Si Dieu te renvoyait vers nous, je te dirais Bonjour et Bienvenue Clint, comme il y a 26ans.

Celà fait 11 mois bientôt que ta route est montée au ciel. Chaque jour, cent fois, tu te mêles à mes pensées. Comment aurais-je pu imaginer que tu me manquerais tant. Aussi, je vais t’écrire pour rester très près de toi. Je fais le vœu que tu recevras quelques mots.

Avant, la vie courrait, chacun sur notre chemin, trop rarement partagé. Au fil des années, nous retrouvions le contact entre père et fils qui se comprennent sans nous voir ni parler beaucoup. Après l’âge de pensées vagabondes, probablement parce que tes yeux s’ouvraient grands, tu avais trouvé une filière pour ta vie. Ton stage chez Elis t’a plu, et tu t’en amusais aussi, trop simple pour un jeune homme éveillé et déjà mûr.
Je ne sais pas trop comment tu as passé ces années depuis ton retour des Etats-Unis. Je crois qu’elles furent studieuses, sages, sportives, mais aussi actives entre tes nombreux amis, et la famille, chacun te demandant un peu de l’amitié ou de l’affection que tu donnais à tous.


Journal de Clint

« 13/01/08 Les loups

1h22 : bilan de cette première journée ? Super.
……
Arrivée sur Delhi sans problèmes. Mais par contre, le chauffeur a vite annoncé la couleur niveau conduite : clignotants inutiles, conduite à base de cris et de klaxon. J’en viens donc à une conclusion : on va éviter la moto.
….. Finalement, me retrouve à la mosquée Jama Masjid, plus grande d’Inde…. Very impressive. Là, sur qui je tombe ? Alicia, une américaine rencontrée à l’aéroport.
…. Puis à 10h15, Alicia est parti pr prendre son bus pr Jodpur en me laissant un livre, the Namesake. Une rencontre très plaisante : j’ai now un plan au Caire et à DC….. »

« 14/01/08 Smart loups.

Il a fallu batailler pr que le rickshaw utilise son compteur 38 r depuis la gare, on est loin des 150 annoncés….
Arrivé à Connaught, me fait attrapé par un « mettoyeur d’oreilles »… sacré truc, on aurait pu faire une bougie avec ce qui est sorti de mes oreilles, vraiment incroyable : j’entends beaucoup mieux maintenant….
Voila voilou, ce matin ai achété mon billet pour Agra après avoir déjouer les plans de nombreux indiens voulant m’emener vers des arnaques… train à 10h20 demain. Ah en fait, éléphants (vu 3) et singes st bien au rdv à Delhi…
18h30, je suis maintenant à Khari baloi.
Une ambiance folle reigne ici, des personnes portant des épices courrent dans tous les sens, des charettes chargées à block, des vaches vagabondant, et tout ça au milieu des cris, klaxons et autres bruits.
Khari baloi est les marché aux épices, cacahouettes, fruits secs, …les odeurs sont partout, c un regal de renifler un bon coup net de s’imprégner des odeurs.
Je me suis arrêté dans un café où, pr une fois, on essaie pas de m’ arnaquer, le thé (5 r) et le pain épicé (10r) y st exquis ».

«15/01/08 Uttar Pradesh Premier train ….La vue

11h48 pm : Me voici dans la ville qui fait la fierté de tt un pays : Agra, ville du Taj Mahal.
Me suis réveillé ce matin avec une douleur aux talons ; Douleur que ne sens qu’en marchant. Hopefully, ca partira demain.
J’ai donc pris le train ce matin à 10h20 (120 r). Celui-ci n’est parti qu’à 11h…. 4h plus tard, me voici à Agra Cant. Direc° Shanti Lodge, renommé pour sa vue sur le Taj Mahal.
En effet, la vue est à la hauteur de sa reputa°, le restaurant de l’hotel est donc royal., c’est de là que j’ai pu poser la premiere fois sur ce monument/mosolé du 17è, construit pr l amour d’une femme : magique, feerique, fantastique, quel sentiment !
Vers 17h, suis allé me ballader et suis tombé sur deux ricaines à une ATM qui m’ont invitées à aller dîner avec elles : Heather 27 ans qui travaille dans les Rh et Erine 27 ans pédiatre. On a pas pu résister d’aller dinner à Shanti ….. malheureusemt le Taj n’est pas éclarairé la nuit. Ct une rencontre plutôt cool.

Le train ? Niveau disposition ? ^c le transsibérien à ceci près qu’il y a 3 étages.
- niveau confort ? plutôt vétuste …. Sleeper class. Polula° ? ts les touristes (4 japs et 1 germ) ont été placé ds le ^m coach
- vitesse ? env 200 km = 4h …. Le train doit s’arrêter pr laisser passer les express ….
- fun ? +++ portes ouvertes so I can smoke, vendeurs en ts genres passent ttes les 5 min et vendent pas cher (tchai : 5 r), indiens curieux. Une vieille est passée pr nous mettre un point ouge sur le front (…. Rien n’est gratuit).
Bref, bon présage pr la suite.
Demain Taj Mahal : 750 r pr touristes/20 pr indien ».


« 16/01/08 Uttar Pradesh Taj Mahal

8h05 me suis réveillé à 7h pr pouvoir admirer le lever du soleil sur le Taj depuis la térasse de Shanti …. Suppose to see les couleurs varier du doré au rose, rouge puis bleu …. Je dois avoir un blème avec mes yeux…
Ma douleur a presque disparu mais pas sur le pied gauche qui ne l’oublions pas a souffert après notre trip à Deauville (chutte à vélo alors qu’Antoine me tractait en scooter avec JC, Ronan, Val, Antoine, Rouland, Steph, Camille, Virginie et Christelle (à noter que tout le monde a perdu).
17h13 bian c vraiment le bordel là ; il se trouve que today est une fête musulmane (laquelle ?) et que du coup, les hauts parleurs donnent tout … j’ai du mal à m’entendre penser.
Tjrs est il qu’aujourd’hui, j’ai fait le Taj et le red fort …. Les deux valent le coup (^m si 750 r c un peu abusé ….. à ce prix bouteille d’eau et couvres chaussures sont inclus …. Au Taj des koréennes ont tenu à prendre des photos avec moi … ???
Entre elles et les rickshaws qui me disent que je ressemble à une movie star je vais vraiment finir par me la jouer.
Un loup a aussi joué un rôle aujjourd’hui : 3 boutiques, 2 h perdues mais qd ^m un endroit sympa pr boire une bière.
J’ai pas le sentiment d’avoir fait grand-chose aujourd’hui, malgré le Taj, Red fort, Bazaar et une mosquée au milieu du Bazaar. Cela dit j’ai qd ^m conduit un rickshaw (dire que je l’ai payé !) Un peu le monde à l’envers ; ts les locaux riaient à notre vue et le chauffeur se prenait (je cite) « I ‘m maharadjah ».
24h12 : qlques minutes après ces lignes Christine a fait son appari° …. Je l’avias rencontrée à Anoop alors qu’on surfait sur la toile.
Elle et son ami se st séparés car ne se supportant plus. On a dc diner ensemble et demain nous partons pr Fahepur Sikri, une ville à 1h d’ici par bus… selon elle le bus c’est pas de la tarte.
Que dire sur elle ? 30 ans, grande (1,80), yeux verts, chatian, souriante ….pas male dans l’ensemble. Ca fait déjà + de 2 mois qu’elle est en Inde, (arrivée le 28 oct).
Elle n’a pas de job fix et needed to travel pr se changer les idées.
Au moment où j’écris, la fête musulmane bat toujours son plein. Vive Elis pour les earplugs.
Les jeunes enfants simulent des combats à base de sabre, baton et autres et font du baton enflamé. Pdt ce temps, d’autres tapent sur des tam tam et d’autres crient ds un micro. Christine m’a appris qu’on célèbre la mort d’Hussein…. A base d’Allah Hakbah.
Bon v me laver et dodo ».

Là est collée une belle carte de visite du Shanti Lodge



Tes amis t’aiment, je les ai vus l’autre jour, heureux de se réunir dans leurs souvenirs de toi.
Tu ne voulais pas les quitter, j’avais peiné à le comprendre lorsqu’il avait été question de prendre un appartement pour toi à Paris 15è, où tu ne te voyais pas vivre, « loin » (à ¾ d’heure de RATP) de tes amis justement. Pas du tout loin comme en Inde.

Pendant ton séjour là bas, je ne m’inquiétais pas, car outre le goût du voyage sur le dur, que tu as hérité de moi, j’avais confiance dans ta prudence, et puis mon Dieu, ce n’est pas une jungle dangereuse. Pourtant, quelques fois je me suis dit que j’aurais préféré recevoir plus de signes que tout allait bien. Sans m’inquiéter, une voix devait m’alerter, mais je ne l’ai pas comprise.
Ta mère et ta sœur, avec qui tu étais souvent et jusqu’aux derniers jours en liaison, n’ont pas elles mêmes perçu que tu avais besoin d’une aide que tu n’as pas voulu appeler.

Evidemment, comment aurais-tu pu deviner la fin de ton voyage ? Et puis, élevé dans une certaine rudesse, tu ne voulais pas te plaindre, ce dont ni ta mère ni moi n’étions pleinement conscients. Tu nous as envoyé plusieurs signes de ton départ. A l’heure où tu partais, le noble Moïse guidait les hommes d’entre leurs démons, de leur servage à la dure liberté sur le sol élu. Le lendemain, peu avant le terrible appel, une giboulée me fit rebrousser chemin, puis j’ai traversé des bourrasques dangereuses. J’étais soulagé d’arriver à mon bureau, vers 17h15. Mais à 17h45, la gendarmerie appelait ….

Pourquoi nous as-tu quitté de Varanasi, où les hindous viennent mourir pour interrompre le cycle de la renaissance éternelle et trouver enfin le repos. Toi, tu n’es pas un hindou. Tu n’avais aucune raison de partir. Il y avait tant de choses à faire pour ta vie ici près de nous ou ailleurs. Quel appel as-tu reçu qui soit plus fort que l’amour de ta mère, de tes sœurs, de tes familles et amis ? Tant ont besoin de toi. Tant se sentent moins fort pour vivre maintenant.
Ton départ était incompréhensible, je ne le comprends toujours pas et j’espère toujours ….

J’ai pleuré doucement, puis il m’a fallu appeler ta soeur Morgane, à qui j’ai demandé que ta mère m’appelle d’où qu’elle soit. Ta mère m’a rejoint, nous avons pleuré notre bel enfant. La soirée ne fut qu’une succession de pleurs, de chagrin partagé, dans un cercle sans cesse élargi.

Nous sommes partis le lendemain te rejoindre. Je me rappelle très précisément notre arrivée à l’aéroport de Varanasi, puis le trajet exotique et émouvant vers l’hôtel.
Je me rappelle très précisément le trajet de l’hôtel à l’hôpital où tu reposais. Très précisément aussi qu’il fallut revenir le lendemain matin pour te voir. Notre passage dans ton hôtel, au bord du Gange. Le silence et la sérénité du soir, sur la rive sacrée.
Quelle vie, dans un grouillement d’hommes, d’animaux, de pousses pousses, de camions, moteurs fumants ; mouvement incessant et immense.

Je t’ai vu enfin, beau, serein, les yeux grands ouverts, pour toujours cette fois. C’était notre dernière rencontre. Quelques jours après, tu es rentré ; la famille et de nombreux amis t’ont accompagné où tu reposes depuis. Ce n’est pas loin, nous te visitons souvent. Chaque fois, je pense que c’est toi qui devrait poser les cailloux, allumer les bougies, fleurir, lire la prière ou un texte pour prier. Demain 01 mars, j’irai te voir, à la suite de ta mère et de ta sœur. Après le beau temps d’aujourd’hui, tu frissonneras à nouveau, à la bise humide de mars. Je t’embrasse mon enfant.

Comment vivons nous depuis ton départ ?

Chaque jour tu nous accompagnes. Chaque jour, nous te demandons de veiller sur nous : tes sœurs, ta mère et tous ceux qui t’ont aimé, et que tu aimais. Quand même, tu avais presque achevé le tour de l’Inde, comment et pourquoi t‘es tu arrêté à Varanasi. Tu étais bien trop jeune pour y fermer les yeux, il fallait laisser cela aux plus vieux, comme moi, qui ont déjà assez vu de monde, qui savent bien que la vie est une farce. Toi tu devais faire beaucoup pour nous. Par exemple, nous attendions sans impatience –tu avais bien le temps- un nouveau Clint, pour que ta vie continue, pour que nous continuions de voir notre enfant, ou son enfant, pour nous qui restons, pour moi qui ne te voyais pas assez et qui ne te verra plus avant ? C’est une réflexion très égoïste pour ce petit bonhomme à qui tu aurais manqué, mais que nous serrerions comme nous te serrions, avec douceur et fierté. Que j’aurais sûrement poursuivi pour un bisou, comme je t’ai parfois poursuivi pour tes farces.

Te rappelles tu ton inimitable descente de vélo. Dressé sur la pédale, une jambe passait le cadre et tu atterrissais gracieusement, encore en course. Te rappelles tu nos baignades, tes petits pieds sur mes épaules ? Nos plongeons dans la vague roulante et brutale d’Anglet, nos parties de catamaran, les dessalages. Te rappelles tu quand nous dormions dans la même chambre, toi en Suisse, moi en France, dans cet hôtel juché sur la frontière ? Nos escapades, avec l’une ou l’autre de tes sœurs, rarement les deux, en camping pas sauvage mais presque. Nous avions la chance de vivre ensemble beaucoup de bons moments. Tu n’avais pas peur, tu voulais me montrer ton courage, et moi, fataliste, je te laissais faire. Ainsi lorsque nous nous sommes engagés vers le saut à l’élastique, seule l’organisation du site a pu me dispenser d’une épreuve que je n’aurais pas bien affrontée je crois.

Quelle image as-tu emporté de ton père ? Ai-je assez pris soin de toi. Ai-je bien saisi comme tu avais changé, entre le petit garçon rieur, toujours joueur que tu étais, et cet adolescent sérieux et gauche qui me contredisait avec conviction, mais avec ce réalisme hérité de ta mère que je ne comprenais pas. Tu avais trouvé ces dernières années un équilibre riche, multiple, entre de nombreuses activités et de nombreux amis. Tu plaisais aussi beaucoup aux jeunes filles, mais tu le vivais secrètement, avec cette discrétion et cette élégance non revendiquée qui étaient l’essence même de ton être.

Morgane m’écrivait hier que tu voyages en 1ère classe dans son cœur. J’en suis heureux mon enfant, ta sœur a une âme riche. Votre compagnonnage ne faisait que recommencer, après un mystérieux interlude d'1 an de combats inutiles et de silences obstinés –autre héritage de ta lignée maternelle- C’est grand dommage que tu ne sois pas resté près d’elle pour le développement de son affaire. Qui sait quelle réussite vous auriez atteinte.

Une autre Morgane, Morgane-sh, t’a accompagné pendant 10 de tes derniers jours, entre Chennai et Hyderabad. Nous l’avons vue forte, très juste, souriante et jolie. Elle t’a donné beaucoup, elle a vu ta belle âme pendant vos jours ensemble. Elle s’inquiétait de te voir amoindri par la fièvre. Elle n’aurait jamais imaginé, malgré son appréhension, te voir continuer seul et affaibli un voyage devenu inconfortable, dont la station fatale était si proche. Elle ne t’aurait jamais laissé partir. Morgane-sh raconte avec beaucoup de précision et de délicatesse la qualité de votre rencontre, de votre trop brève amitié, en forme de journal, dans ton blog. J’étais très ému. Ton départ a pour jamais mis fin à une belle histoire, dont nous n’aurions sans doute rien su.

Quel intrépide tu étais ! Au ski, ta 1ère expérience fut une magistrale arrivée tête la 1ère dans un bar de bord de piste. Après quelques longueurs réussies au pied de notre immeuble, tu étais prêt à plus grandiose, et c’est ainsi que, ne sachant pas tourner, tu t’élançais vers une super gamelle au milieu des tables. Ce fut le début de notre carrière au ski, à Val Thorens. Suivirent La Plagne, L’Alpes Duez, les Houches-Chamonix, Super Dévoluy, Super Besse, La Moura, Metabief, Les Rousses, finale aux Saisies en 98. J’en ai probablement oublié. Combien de fois ai-je eu peur de t’avoir perdu. Tu descendais sur tes skis, ta souplesse d’enfant te collant à la piste. Entre deux chutes, j’essayais de suivre. Quelques fois, j’étais rudement soulagé de te retrouver au pied des pistes. A La Plagne, la piste traversait une route par une étroite bande de neige. Voulant me dépasser, tu t’en étais imprudemment écarté, plaquant tes skis sur l’asphalte. Ainsi se clôtura le cycle de tes gamelles de débutant.

Jusqu’à tes 13 ans, j’étais de la plupart de tes activités. Beaucoup de souvenirs, mais pas assez de photos. Il faut que je les trie à nouveau pour redonner vie à ces jours heureux. Aux joies des blanches glissades d’hiver succédaient les plaisirs de l’été. Baignades, bateau gonflé, voile, promenades à vélo, jeux, pique niques, canyoning, rafting, départs et retours de la colonie d’Houlgate. Nous partagions naturellement le goût de l’aventure et de la découverte.
Dans quelle régions n’allions nous pas : Bourgogne, Auvergne, Provence, Aquitaine, Bretagne, Vendée. Puis l’Angleterre, l’Irlande. Plus tard, tu irais beaucoup plus loin, et plus longtemps. Quels souvenirs gardais-tu de ces années, à Kinshasa, en France, aux USA, en Asie. Tes yeux se sont grands ouverts dès ta naissance et ne se sont jamais refermés, jusqu’à ce regard sans vie mais curieux à Varanasi.

Dis moi Clint, quand reviendras tu dans mon rêve. Je t’attends depuis 14 mois, depuis ton départ en janvier. Tes soeurs te voient parfois. Elles m’ont dit que tu étais sage et bien dans ta nouvelle vie. Elles t’ont vu à une grande table, au milieu d’autres voyageurs, les appelant et rassurant. Une amie m’a dit que te voir sera un éblouissement, que cela se produit après de nombreux mois, mais se renouvelle ensuite. J’espère le vivre avant de te rejoindre à cette table. J’espère mon enfant pouvoir témoigner que tu es bien, qu’aucune autre injustice ne t’est faite, et que tu peux bien protéger tes sœurs et ta mère.

Ta mère est courageuse. Seule maintenant que vous êtes tous partis, Emmanuelle à Londres depuis 3 ans, Dieu sait où après, et Morgane, dont la route est encore incertaine, mais en dehors du nid.

De mon côté, je m’occupe.


Journal de Clint

« 02/03/08 Goa

11h30 : me suis réveillé ce matin, j’ai terminé l’ile au trésor puis mon pti tej, fumé un joint
(j’ai pécho du hash hier pr 400r) et me voici trankil, avec pour activité plage !
Les plages sont superbes ici, très peu fréquentées ; les shaks se fondent ds la végétation de bord de mer. Hier, je suis allé à Querin Beach, à qlq 4 kms d’ici ….presque personne, plage déserte, qlq chaises longues. Sur le chemin, des palmiers tout le long des sentiers étroits qui parcourent ces collines. Je suis allé aussi dans la jungle : lianes, humidité, filets d’eau aux fonds du lit de la rivière…. Mais aussi ces gars peace and love qui y ont établi leur squat ».



Aujourd’hui, je regardais une photo prise en Inde. Tu manges du riz servi dans une feuille de bananier. Que tu étais beau, heureux et fier sur cette photo, probablement au Kerala, à Goa ?
On voit bien la situation : tu fais ce que tu aimes, tu te sens bien, la vie est devant toi, sans ennui, sans entrave, tu regardes doucement, sans précipitation d’autres vies à venir.
C’est le calme, un bonheur vécu tranquillement, avec Tamar, qui rendent ce sentiment de plénitude qu’exprime ton beau visage. Tant d’autres photos prises pendant ton voyage te montrent détendu et heureux, seul, ou avec des hindous, ou avec de jolies rencontres au hasard de la route. Ton bonheur et ta beauté nous manqueront toujours. C’était les nôtres, nous les éprouvions au travers de toi, c’est terriblement injuste de nous les retirer, mais c’est le choix de « tout puissant masembé » comme disent les africains. Pourquoi en Inde, pourquoi si loin de nous, pourquoi au sommet de ta jeunesse, pourquoi à l’éclosion des promesses de ta vie. Nous ne le comprendrons jamais. Nous devons vivre dans le souvenir de ces superbes vues de ton épanouissement. Nous devons accepter l’idée que ton séjour au milieu de nous a été une grâce de 25 ans. Un cadeau merveilleux, remuant, joyeux, sautant, riant pendant 25 ans. Faisant rire aussi. Nous devons accepter l’idée que nous avons eu le meilleur de ta vie, tes découvertes, tes contestations, ton arrivée vers la maturité, tes aventures avec nous, puis avec copains et copines. Tout cela était ta vie, mais c’était aussi la nôtre que tu égayais.

Et cette autre photo, en train. Il y a 2 mystères. D’abord, ce rayon de soleil n’éclairant que ton front, comme si il était dirigé vers ta pensée, vers ton être essentiel. Qui l’envoie ?
Ensuite, ce sourire bienveillant, léger, énigmatique, exprimant une attention affectueuse. Quelle idée, ou quelle belle compagne, a-t-elle inspiré ce regard merveilleux ? Cette photo m’est très chère. Elle illumine ma vue, près de mon bureau, très près de moi. Elle m’est précieuse. Elle montre le meilleur de mon enfant. Du bonheur.

Et encore, la Révolution. Te voilà dans un superbe costume de sans culotte, blanc rayé, grande ceinture de tissu, chapeau mou noir à large bord. C’était un évènement : en juin 1989, nous passions nos dernières semaines à Kinshasa ; notre vie allait bientôt changer. Tu te dressais dans ton bel habit révolutionnaire au milieu de tes sœurs, elle mêmes déguisées, tous trois prêts à danser la carmagnole. Les yeux droits, grands ouverts, fiers. Un petit homme libre. Dans ces semaines là, ta mère ne manquait pas d’occupation : après le retour d’Afsud, il fallait préparer le déménagement, donner congé à notre personnel, prendre soin de lui pour la dernière fois. Innocent m’emmenait dans sa lointaine cité me montrer sa nouvelle maison, dans un quartier Bandundu. Aidais-tu ta mère ou bien, est ce que tu lui donnais plus de travail encore ?

Partout où je vais ton image m’entoure et me guide.
Depuis un an, je lis des livres évoquant ce pays dont tu ne reviendras jamais. Tu m’y parles dans le silence du cœur. Beaucoup de ces livres sont mystiques, je ne suis pas préparé pour les comprendre. D’autres sont uniquement descriptifs. Quel pays, quelle diversité, que de questions pour tant d’hommes dedans et au-dehors. Nous sommes bien loin d’imaginer les secrets de cet équilibre entre la vie et les mystères d’autres incarnations, entre la pauvreté et le bonheur, sous la pression des puissants et des castes. D’où vient la vitalité de ces peuples démunis de tant de nos objets. D’où vient cette vie irrésistible. Où iront nos sociétés si ridiculement apeurées par leur abondance ? Existera t’il un jour une plus juste répartition des bonheurs et des misères de la planète. Les hommes y trouveront ils durablement la paix ? Toi qui vois ces questions de très haut maintenant, as-tu des réponses. Pourrais tu me les souffler.

J’ai récupéré « L’équilibre du monde », acheté pour toi à la FNAC pour Noël précédant ton départ. Ma dédicace était « une brique pour ta préparation au Grand voyage ». Hélas, comment aurais je pu penser qu’il serait sans retour. Tu avais dévoré ce livre dans tes premiers jours en Inde, puis l’avais empaqueté. Je l’ai retrouvé dans ta chambre à l’Alka hôtel. C’est une merveilleuse histoire d’amitié dans la dureté de la vie des hindous pauvres.
Depuis, j’ai vu quelques films, lu plusieurs livres, et je me demande toujours ce qui est le mieux. Entre ce pays contrasté, vivant, voué à tant de divinités, balloté entre les sadous, la loi pressante mais guidante des castes, la recherche jour après pour du Karma, le sol assèché, appauvri, ce ciel rempli de mystérieux espoirs, ces hindous au sourire éclatant, aux yeux immenses et candides, mus pas l’impérieux mouvement de la vie. Et nos pays, assurés tous risques, repus, mais pleins des peurs de vivre, de mourir, de ne pas plaire, de gagner, de perdre, de grossir, de manquer un examen, un profit.

Tu as quitté notre scène. Ton départ reste un mystère. Je suis malheureux de savoir que ta pudeur, ta discrétion t’ont empêché d’appeler au secours alors que tu pouvais craindre de partir. Mais pourquoi mon Dieu ? Tant d’autres n’ont pas la moitié de tes qualités, n’ont pas ton cœur, mais se font entendre bruyamment. Au fond, tu devais croire que ton heure était arrivée. Que le meilleur nous était déjà donné, que la vie n’apporterait plus cette liberté, cette insouciance, qu’il faudrait se battre. Tu n’en avais pas envie. Comme ton père, tu n’aimais pas revendiquer une place, encore moins voulais tu t’y battre pour la préserver. Quelle malheureuse erreur. Il faut certes s’imposer partout, faire valoir sa personne, montrer parfois les dents, mais on n’est pas moins aimé pour cela. Il faut être fort mon enfant, quoi qu’il en coûte. Avais tu cette force là. En partant, tu t’es privé de beaucoup de joies que peut donner la vie. Tu nous prives de tes valeurs, il nous manque un bout. Etait-ce vraiment l’heure ? L’autre jour, un professeur de médecine disait qu’il y a un programme en chacun de nous. A un moment de notre vie, un évènement l’active, et alors, ce peut être pour nous retirer du monde. Que s’est il passé qui a déclenché le moment fatal ? Je crois que tu n’as pas bien pris soin de toi. Mais tant de voyageurs s’exposent probablement bien davantage : alors, qui a décidé à ta place ?

Une légende est née en Avril l’année dernière. Tu restes pour tous soit l’ami chaleureux, attentif, disponible, vu comme un copain rassurant par leurs parents, soit le frère protecteur, exclusif, accompagnateur, chauffeur certains soirs, ou pour certaines amies discrètes, le gentil compagnon et amant dont elles rêveront toujours, et pour ta mère et moi, le fils aimé, unique et irremplaçable. Le petit garçon vif et drôle, schroumpf, superman, sans culotte, arlequin, skieur audacieux, poisson dans l’eau, adolescentjeunehomme passionné, secret et sage.

Te rends tu comptes du vide que tu laisses dans le coeur et dans la vie de tous ces êtres qui t’aimaient. Pour beaucoup, l’histoire a changé. Sans toi, elle ne s’écrira pas comme prévu. J’aurais tant voulu partager avec toi les satisfactions qu’un père reçoit de son fils. J’aurais tant aimé appuyer tes projets, soutenir tes enthousiasmes. J’aurais tant voulu voir la mère de tes enfants, les voir se dresser pour la 1ère fois, puis trottiner doucement, enfin courir, demander grâce à leur course. J’aurais guidé leurs pas incertains. Les gâter, vivre avec eux, éprouver tant de ces bonheurs qu’on ne goûte pas bien dans l’agitation de la jeune paternité.


Journal de Clint

« 11/03/08, Karanataka, Alone

12h00 : j’ai raté l’ express bus pour Hospet (près de Hampi). J’ai dc dû prendre un bus pour Ankola (25km de Gokarna), puis un bus pour Hubli dans lequel je suis now.
A Hubli, il me faudra prendre un bus pr Hospet, et enfin un autre p Hampi.
Donc un trajet qui aurait pu être simple (8h00 sans changement ^j Hospet), je me galère avec ces changements, tout çà à cause me suis pas réveillé.
Bref, Tamar et moi, nous sommes définitivement séparé. J’ai quitté Gokarna sans lui dire au revoir …. c mieux ainsi. Peut être nous verrons nous plus tard…..
J’ai passé mes 3 derniers jours en compagnie de Leffe, un finlandais de 60 ans très sympa et eager to discover life again. C t assez inattendu de se ballader avec lui, on a dû nous prendre pour un père et son fils. Leffe aime dire Yeah qd il a rien à dire ou qu’il y a un silence.
Pr conclure avec Gokarana, les plus belle plages que j’ai vu s’y trouve (Paradis beach n’était pas si impressionnante que cà, très jolie mais très petite), le choux fleur y était délicieux (choux ds crème fraîche/yahourt avec rouge sel poivre, puis fri, puis revenu à la poele avec sauce soja, sauce tomate, sauce chili, ail, ginger, un délice ….). La vie y est simple, pas cher, authentique. Le genre d’endroit où il est facile de rester pour ne rien faire.
J’ai envoyé 2 colis hier : 1 livres : 2 kg, 78 r é. Boite opium, tableau bidus, coudre machine, bonbons 2 kg 680 r.
Ca fait au moins 30 mn qu’on est bloqué sur cette route à cause d’un check post.. Cette route semble être un axe majeur, il y a tellemt de camions ici … »



Aujourd’hui, je suis allé te rendre visite, dans ta dernière maison. Tu reposes le 1er de notre branche dans la paix de ce coin réservé au milieu d’un urbanisme intense et cosmopolite. Au fond, tu aurais peu être choisi une de ces ambiances, probablement assez semblable à tant d’endroits que tu as visités. Ta maison est simple, mais toujours décorée. Tes visiteurs laissent une bougie montrer ta vie restée dans nos cœurs, mobile et lumineuse, un caillou marquer leur passage, une fleur témoigner de leur amour ou de leur affection, un message ou une page des lecture pour toi. Ta maison est la plus jolie et la plus originale. A chaque fois, j’y éprouve du chagrin, car tu l’as habitée beaucoup trop tôt, mais je sais que tu aurais aimé son décor vivant, coloré, composite. Quand je regarde tes photos, je n’y vois jamais de regard vers soi, je n’y vois que de la vie, de la curiosité, du don. Ce n’est pas de la gaieté, comme celle que tu exprimais naturellement à l’âge d’enfant, c’est la lumière renvoyée par ton âme profonde et généreuse.

Je ne comprends pas pourquoi tu as été choisi. Il me semblait que d’autres étaient mieux préparés. Ceux qui ont vécu assez pour éprouver les bonheurs de chaque âge de la vie, sans avoir subi de grands malheurs. Ceux là ont pour certains parcouru le monde, comme toi, puis ils ont engendré et ont des années après, guidé les premiers pas des petits de leurs petits.
Ceux qui ont brûlé leur vie dans l’aventure. Ceux qui n’ont plus envie de vivre, parce que leur vie est trop dure, et que rien de supérieur ou de suffisant ne peut les retenir. Tu n’étais mon enfant dans aucune de ces classes : pourquoi as-tu été choisi ? Qu’as-tu à faire là haut ? Quelle aide ou quel réconfort pourrais tu apporter et à qui pour que nous acceptions ton départ.

Quand j’ouvre mon portefeuille, je retrouve vis-à-vis l’image de tes 6 ou 7 ans et cette belle photo prise en Inde sous un abri bus. A 7 ans, le cheveux blond, les traits encore poupins, le visage lisse et soyeux, le regard profond, foncé, direct, tu pouvais prendre les habits d’un ange. Que pouvait il arriver à ce beau garçonnet autrement que de la joie à distribuer. A 25 ans, cette même beauté, mais celle d’un jeune homme cette fois, les traits affirmés, tranquille et fort, mais le regard énigmatique, songeur sur l’avenir où il semble se projeter mais sans savoir le lire, et confiant malgré cela dans les voies impénétrables. J’aime te voir ainsi, charmant garçonnet, puis beau jeune homme. Quelle fierté pour moi de te savoir si accompli, dans ta recherche des autres, si loin des contingences de la petite France flanquée à la petite Europe. Ce sont mes deux plus belles photos de toi, je les garde toujours sur mon cœur, elles me suivront jusqu’au bout.

Pourquoi as-tu dû partir ? Quelle force mystérieuse a neutralisé tes défenses dans ce rendez vous que tu n’avais pas pris. Personne ne pouvait se rendre compte de la gravité de la situation, toi-même n’y croyais pas. Il aurait toujours été trop tard. Ton heure devait être arrivée, mais pour aller faire quoi. Que se passe t’il là haut pour qu’on appelle les jeunes gens avant qu’ils n’aient pleinement vécu. Je ne comprends pas. J’en veux à Atlas de m’avoir donné un si bel enfant et de l’avoir repris sans expliquer pourquoi : devait il se consacrer à d’autres missions que sa vie avec nous. Qui me dira ce qu’avait Clint qui justifierait son rappel immédiat ? Et aujourd’hui, peut on savoir si sa force, si ses secrets sont bien nécessaires pour embellir le monde dont il ne sort plus.


Journal de Clint

« 15/03/08 Karnataka
08h00 J’ai perdu mon Bic 4 couleurs, compagnon indispensable du quotidien. Pour couronner le tout, mon mp3 ne fonctionne presque plus. Finalement, le trajet Gokarna-Hampi m’aura pris presque 12h. Il commence vraiment à faire très chaud dans le sud, ce qui fait qu’il est difficile de faire du sightseeing. Je pense que je vais oublier le Kerala et le laisser pour un autre voyage.

La question now est : vais-je à Pondichéry ou à Hyderabad ? à méditer. Je me suis trouvé une guest house de l’autre côté de la rivière, vraiment très sympa. Le restau, qui consiste en des matelas et des tables basses donne sur les rizières, la rivière, puis ces collines/tas de rochers rouges/oranges (tout ê ma chambre du reste, 150 r) est très bon.
C’est vraiment très calme ici. Tout ce qu’on entend, c les oiseaux, les grenouilles, les crickets. La nuit, on penserait ê en pleine jungle, tellement c’est bruillant.
Hampi est ce qu’on appelle un touriste hub, on y rencontre plein de voyageurs. J’ai ainsi rencontré hier des français avec qui j’ai dîné et passé une partie de l’aprem à fumer. Cà faisait depuis Mandu que je n’avais pas parlé français (à part avec Tamar). Cà fait du bien.
J’ai loué une mobilette ici (100 r + essence 65r). »



Combien de châteaux de sable avons-nous bâti ensemble sur les plages de Bretagne, de l’Atlantique, de Méditerranée ? Entre ces moments de bonheur, à quel moment ai-je pu t’être difficile. Je ne me souviens pas de t’avoir fait pleurer. Certainement, je n’en ai pas eu de motif, avec cet enfant rieur et malin. Tu tournais toute situation à ton avantage, mais de cette façon charmante où tout le monde se sent heureux et fier. Comment jouais tu aux cartes. Est-ce que tu trichais, étais tu boudeur dans la défaite. Tu étais compétiteur, et tu aimais l’emporter. D’ailleurs ton goût du sport était le signe de cette énergie positive que nous t’avions donnée. A chaque fois que nous luttions, tu te donnais pleinement à l’envie de gagner, mais sans perdre cette joie de vivre qui embellissait nos jeux.

Comment te serais tu accommodé de cet autre jeu qu’est la vie professionnelle. Je me demande ce que tu aurais fait après quelques mois ou quelques années à l’audit financier, entre de piles de dossiers, des allers retours en province, à l’étranger, des rapports toujours longs et commencés trop tard, sur les stocks de clefs, de moteurs, de poudre ou de vin, sur des créances clients qui ne rentrent pas assez vite, des états d’immobilisations incontrôlables, des valorisations de titres en Fifo, ou Lifo, que sais-je. Combien de temps aurais tu tenu dans cette partie,avant de te dire qu’elle n’est jouable qu’avec des horizons changeants, des gens différents, de la découverte, du risque. Tu avais bien démarré pourtant, dans ce joli costume avec cravate où je t’avais retrouvé à Puteaux. Et ces gens dans les différents jobs d’été ou stages que tu as faits. Au bout de quelques semaines, tu avais tout compris, ils ne pouvaient plus se passer de ton travail, de tes aides, de la joyeuse humeur que tu créais autour de toi. Au fond, tu ne savais pas qu’ils vivaient un peu par procuration à ton contact : ils te voyaient porteur d’ailleurs, de voyages, de vies différentes. Tu sais, c’est l’idée qu’à chaque homme que le pré à côté est toujours plus vert. Imagines tu comment tu aurais vécu dans notre monde étriqué. Est-ce la pré-science de cette vie qui t’a fait choisir les espaces infinis.

Te rappelles tu comment je disais à qui voulait l’entendre que le monde est bien assez grand qu’il fallait aller le découvrir, ne pas s’étriquer dans une vie à Paris seulement. Je disais qu’à ton âge, il faut courir le monde, voir comment font les gens qui ont la tête en bas. Il me semblait qu’avant de revenir cuver une vie tranquille ou pas, c’était précieux d’élargir sa vue dans d’autres places de la planète. Je ne redoutais pas que tu partes, d’autant moins qu’avec toi, je partais aussi un peu. Je ne pensais pas qu’il puisse ne pas y avoir de retour. Tu partais, tu aurais peut être créé des attaches dans un pays lointain, mais tu revenais, ou nous allions t’y retrouver. C’était simple, sans l’impensable.

Où est l’étoile qui s’est allumée pour toi. Je ne la vois pas, c’est beaucoup plus loin que nos vues. Brilles mon enfant un soir du Printemps qui approche, pour me montrer que tu restes bien là, que tu veilles sur tes sœurs, que rien ne peut plus arriver. Tu brillais il y a 25 ans, tes yeux d’un jour ouverts et fixes, interrogeant ce monde qui t’accueillait. Un beau bébé, avec la tâche frontale rouge de Papa. Tu as crié 3 semaines plus tard, quand l’Alliance t’a été donnée. Il y avait du monde, la grande famille de ta mère, heureuse de compter un enfant encore, après tant d’autres déjà venus ou à venir. Ma famille aussi, quelques membres au plus, intriguée
certainement par cette opération entourée de prières, pour l’espérance et pour la joie.

Que les années passent vite, mais il nous en restait autant au moins à vivre ensemble. Chaque jour est une lutte avec soi d’abord. Pour ceux comme moi à qui il n’est pas naturel de ne voir que ce qui est bien, il faut aller contre soi, ses humeurs vives, les petites contrariétés, sans parler des grandes, dont nous sommes heureusement épargnés, pour ne voir que les plaisirs et les joies que peuvent apporter la vie, le travail, les relations de tous les jours.


Journal de Clint

« 20/03/08 Tamil Nadu
Un R de France

8h10 : après un voyage de près de 24h je suis à Pondicherry. J’ai d’abord pris un train d’Hospet à Bangalore (pris tichet « jugle » sur place, puis suis allé en sleeper où j’ai payé la différence de prix …. No nee to book !) puis pris un bus j^ Pondicherry (j’ai jamais voyagé aussi bien en bus, route nickel et bus impec (presque ^c en France))
Mais concluons sur Hampi : paysages extraordinaires, jonchés d’énormes pierres (on croirait qu’un géant les a placées les unes sur les autres pour former des ensembles assez instables ….. magnifique) ruines diciminées all over (du simple temple sans caractère aux joyaux d’une civilasa dt l’architecture est un mix indo musulman), riviére et lac très rafraîchissant, guest house 20/20….
J’aurai passé 2 jours avec Cat from London, journées avec des Israeliens (qui st en force à Hampi) et des soirées avec ttes sortes de personnes de la guest house (Shanti de l’autre côté de la rivière ….les lits suspendus devant chaque chambre est extra ….^c d’ailleurs ce qui m’a fait craquer).
J’ai u ma première pluie à Hampi, …. seulmt qq goutes.
Par contre, ici à Pondicherry, il pleut depuis hier soir. A croire que Pondicherry est une ville française.
Les plans pour les prochains jours : aller à Auroville, cette communauté créée par un français et visiter le ville.
Ensuite, j’irai sûrement à Mallallapuram pour profiter une dernière fois de la plage, puis Chennai et probablemt Hyderabad ».



« 22/03/08 Tamil Nadu
Tourist Zone

10h00 Arrivé hier soir à Mamallapuran. Après 1h30 de bus depuis Pondi, me suis directement rendu à Lakshmie Guest House. Trois minutes ont suffi pr comprendre que cet endroit est touristy …. Peut ê trop d’ailleurs … J’aurai passé 2 bonnes journées à Pondicherry, le pic étant la rencontre d’Héro, ce fils de suedois et indien, 42 ans, parle 5 langues et vit à Auroville.
J’étais donc assis dans un bar/restau indien (dans lequel me suis assis cause pluie) qd Héro qui me semblait déjà un peu alcolisé vient s’asseoir à ma table. On parle et ce faisant, je découvre que j’ai affaire à un Aurovillien.
Auroville ? que dire : une communauté internationale, apparament saine, sans religion ni politique, l’idée est de vivre en Harmonie.
Pondichery ? une ville hybride, architecture coloniale, policier avec képi, restau français, écoles françaises, bookshop, pas très touristique. 2 jours auront suffi pr y voir les principales curiosités.
Je n’aurai pas pris contact avec les 2 fran rencontrées à Agra : envi d’ê seul …. »



Si j’avais tenu un journal comme tu le faisais sur ta route, il témoignerait en ces jours de mars 2008 sur mes réflexions, relevant l’absence de nouvelles. A lire tes lignes, je sais maintenant que tu étais très mobile et actif. Tu avais beaucoup de nécessiteux à satisfaire : les rencontres de voyage, les familles et amis restés au loin. Comment t’occupais tu durant ces longues liaisons en bus, vitesse moyenne 30 par heure, arrêts compris. Comme on sait, les arrêts dans ces pays sont nombreux et d’une durée toujours imprévisible. Les chauffeurs ont mille et une raison de caboter, car leur travail est très vaste : porter du courrier, faire passer des nouvelles, visiter la famille et plus, assurer des livraisons, négocier au hasard de la route des voyageurs en supplément, au besoin, faire un détour, régler les mille et un incidents du voyage, dont pannes fréquentes, passer les barrages de contrôles, etc…. Le voyage sur la route est plein de surprises. Prévoir des marges horaires importantes.


27 mars, éphéméride de YAB, photo et texte de pèlerins en ablution sur les ghâts, Varanasi

« Varanasi, dont l’étymologie signifie « la ville entre les rivières Varuna et Asi » est la ville sainte dédiée à Shiva, le dieu de la destruction et de la reproduction dans le panthéon indien. La chevelure du dieu enferme Ganga, déesse du Gange, fleuve de la vie. Les pèlerins qui meurent à Varanasi auront une meilleure chance d’atteindre la moksha, salut spirituel qui libère du cycle des réincarnations. La ville est un gué entre le monde terrestre et le monde divin. Les pèlerins s’immergent dans le fleuve pour se purifier. Offrandes prières et méditation accompagnent les ablutions ».

Cette photo m’impressionne, m’attire et me glace : il y a un an bientôt, tes derniers regards se tournaient sur le fleuve, sa rive nord immense et vide en cette saison, montant au loin et par plateaux successifs vers l’Himalaya. Sa berge sud est le coeur du pèlerinage, la meilleure place pour séjourner au bord du sacré, pour prier son salut et pour le dernier voyage en cendres mêlées au fleuve. Les marches vers le ciel baignent dans le fleuve. Matins et soirs, les pèlerins s’y pressent, entre sadus, marchands, familles éplorées, accomplissant le rite incantatoire, purifiant les corps et les âmes dans l’eau salvatrice. C’est cette vue ultime que tu avais de la terrasse de l’Alka Hôtel. C’est de cette vue que tu as sombré dans l’inconscience précédant ton départ.

29 mars Tu es à chaque instant du jour présent à mon côté, il y a tant de choses et d’endroits que je vois chaque jour et qui t’étaient familiers. Mais tu es toujours absent dans mes rêves. Dis, quand reviendras tu. Quand viendras tu soulager mon attente et mon inquiétude. Te voir m’indiquerait que tu es bien quelque part, dans un autre état de la vie, peut être en train de préparer ma venue, plus tard, quand ce sera l’heure.

30 mars Cette période m’est très émouvante. Les jours s’allongent vite, le feuillage verdit les arbres, le soleil se fait caressant, la vie revient après les mois lugubres de l’hiver. En d’autres temps, j’aurais pensé aux escapades que nous partagerions, à moto, avec ou sans sac au dos, à des sorties restau pour discuter tes projets, tes espoirs. Tu m’aurais certainement
demandé mon avis sur plein de choses. Que t’aurais je répondu : probablement comme souvent, que je ne sais pas en donnant trente six réponses. Maintenant, je redoute ce printemps sans toi. J’ai beaucoup moins d’avis qu’avant. Je ne sais plus grand-chose. Le monde et la vie me paraissent assez durs, plus que dans le passé. Je ne comprends pas bien. Ton casque reste vide près de la moto, après t’avoir protégé tant de kms. Ton châle près de moi, sous l’écharpe qui ne te quittait pas, me rassure. Il ranime ce sentiment mystérieux que j’éprouvais devant ces rites auxquels tu donnais le sens que j’aime, celui d’agrandir la vue et la pensée, celui d’agrandir l’homme.

Comme tu étais beau ce jour où tu as confirmé l’alliance, pour ta Bar Mitzvah. Comme ces jours étaient beaux. Mais je n’avais pas l’âge ou la sagesse d’en apprécier toute la beauté.


01 Avril Je marche doucement, l’esprit plongé loin en arrière. Malgré la tristesse de cette journée, qui était autrefois une double fête, j’entends et me réjouis des gazouillis et des appels de volatiles grands et petits, peuplant le parc entre la maison et le bureau. Les fleurs éclosent dans la précipitation de ce matin de printemps, colorant arbres, bosquets et pelouses de leur éphémère beauté. La radio diffuse les poissons du jour. Je songe douloureusement que tu ne peux plus en rire.

Nora, l’ amie d’Emmanuelle et pour toujours de toute la famille, nous rappelle sa peine et ravive la mienne. Morgane qui vient d’arriver à Londres, après 2 mois en Australie, tente de me réconforter ; plus tard, Emmanuelle m’incite à soulager le poids que je porte en silence en communiquant plus autour de moi.

La journée est superbe. En moto, je retrouve le parc où tu reposes. Ici aussi, le printemps sème ses magies : les allées d’arbres fleurissent au rythme de chaque essence, alternant les couleurs et la beauté des quartiers, les feuilles aussi s’échappent de leur enveloppe, chacune son jour, les rayons de soleil dissipent lentement le froid installé depuis plusieurs mois ; peu à peu, le parc retrouve vie et douceur. Je me dis que ton repos sera à nouveau égayé par des visiteurs souriants, rassurés par la paix de ton jardin et par la vie qui s’y agite. Sut ta maison, les pots de pensées résistent bien, soutenus par ce climat serein. J’y ajoute un mini rosier, portant des roses rouges déjà épanouies et des boutons que tu verras éclore. Toutes ces couleurs me font du bien.

Très tard, je veille, c’est l’heure de ta naissance. J’échange en pensée mes souvenirs de toi, avec ta mère, tes sœurs et je parle à Christine qui me voit en souffrance.
Sur un tapis rouge et blanc, poussé par ta mère, tu apparais au monde.
Bienvenue mon enfant. Que ta vie soit prospère et heureuse.

Elle l’a été. Tu as doublé le rire et la joie dans notre maison, ton goût du déguisement ont souvent égayé nos matins. Combien de bougies as-tu soufflées. Je te revois très bien entre Emmanuelle et Morgane dans les jolies tuniques que j’avais apportées du Niger. Je vous revois aussi barbotant ensemble le soir à l’heure du bain. Tu aimais jouer, tu aimais la compétition, en équipe ou seul. Combien de fois me suis-je pris au jeu.

Ta vie fut belle.
Tu avais la gentillesse de ta mère et de ton père. Tous tes amis, tous ceux qui t’ont approché ont pu compter sur toi, être gratifié de ton attention, recevoir ton aide.
Tu avais du courage, tu aimais le grand air, la liberté, l’aventure, le nouveau, la découverte. Il ne t’a manqué qu’un peu de temps pour nous donner tes prolongations naturelles, les rameaux que tu devais ajouter à ta branche.

Je t’aime mon enfant. Viens vers moi, cela fait assez longtemps que j’attends ta visite.


Journal de Clint

« 02/04/08 Andra Pradesh

9h30 : j’ai passé les 10 derniers jours avec Morgane, une française de 32 ans, export manager chez « Comptoir des cotoniers » rencontrée à Malalaparam.
Très sympa, mignone, peut ê un peu trop sur moi, mais bon on peut dire que sans elle j’aurais vraiment été mal qd je suis tombé malade …
Me suis en effet complètement reposé sur elle. Je suis now en train de me remettre de cette maladie (fièvre, jaune ds la gorge, suées, mal de tête) ici à Hyderabad.
Morgane avait un avion le 29 de Chennai pr Paris. J’aurai presque rien vu de Chennai, passant la plupart de mon temps ds notre chambre.
Rien vu à part les studios du ciné où Morgane et moi avons tourné ds une pub. Nous nous somme fait recrute à Malalaparam d’où on nous a conduit en taxi j> studios tte l’aprem pr une intervent° de 5 min de notre part.
Ici me sorties st breves, la ville est très polluée, bruillante, une grande ville indienne quoi.
Le fort Golconda, le Charmenar et Mecca Masjid valent qd ^m bien le détour.
Cà fait 4 jours que je suis là et pourtant je n’ai croisé aucun (1ou 2 ptet) touristes !
Mes soirées, je les ai passé devant la TV avec des MacDo delivery : trop cool cà !
La maladie ces derniers jours m’a vraiment rendu sensible à l’Indian way (beggars, bruit, …) très nerveux koi. J’ai également évité tte bouffe indienne ces derniers tps ( à part des dosas !!). »

Suit une étiquette bière Royal Challenge



How many times does a man exist, before ….
The answer my son, is blowin’ in the wind, the answer is blowin’ in the wind

J’écoute les Cd enregistrés pour moi par tes sœurs. Quelques unes des chansons de ton temps que je ne connais pas, de mon temps que tu connaissais, et du temps de notre chemin ensemble, quant tu étais petit.
Il y a 11 mois, quelques jours après t’avoir accompagné dans ta dernière maison, j’interprétais comme un signe le démarrage spontané du lecteur. Dans mon chagrin, ou dans mon activité, soudain l’une de tes chansons préférées te ramenait à mes pensées. Je n’avais rien touché à l’appareil, cela a duré plusieurs mois ; mais depuis la fin de l’année, tu ne démarres plus l’appareil. Dans cette même période, les disques sautaient beaucoup, coupant les chansons à tout moment. Je me disais qu’ils étaient déjà abîmés, qu’il fallait demander un nouvel enregistrement à tes sœurs, et déjà prévoir d’en conserver des copies, mais là aussi, le phénomène a pris fin, et depuis quelques mois, les chansons ne sont plus coupées.

J’avais demandé l’enregistrement de la Kitvah. Elle est chantée par une jeune femme à la voie grave et profonde. Il y a Emilie Jolie, les Copains d’abord, Salade de fruits, Sacrificed, , Johnny Cash et d’autres. Il y a aussi une autre jeune femme, chantant en français, mais avec une voix aux accents israeliens. Très jolie chanson, voix délicate exprimant l’amour, la fragilité, la crainte. Il y a Bob Dylan enfin.

Ce soir je t’écris de la maison, à la campagne, près de Gisors. Tu n’es pas venu souvent. A chaque passage, tu regardais avec curiosité et un intérêt que j’appréciais beaucoup les changements que Christine et moi apportions. Que de travail en ces années. La maison te plaisait. A l’occasion d’un de tes déménagements, nous avions entreposé tous tes cartons. Quel poids, et pourtant, tu n’avais pas énormément d’affaires, comparé à l’équipement incroyable de choses qu’ont tant de jeunes gens. Comme moi, tu étais économe, tu ne jetais rien facilement. Comme disait Albert Londres, tu étais de cette catégorie d’hommes qui ont des valises plutôt que des meubles. Certaines fois tout de même, je me suis dit que tu n’avais pas assez d’affaires chaudes pour te protéger. Et je gardais des chemises, des pulls, des costumes pour toi, plus tard.

Quand tu es venu m’aider en janvier dernier à monter quelques affaires à Levallois, tu avais assez longuement discuté avec Christine, posant beaucoup de questions sur l’appartement, les travaux que nous y faisions faire. Tu l’avais trouvé bien. J’étais content que tu aies pu m’aider, et conscient de l’effort que cela te demandait, dans un emploi du temps chargé quelques jours avant ton départ. Je profitais un peu de quelques minutes d’intimité, certes laborieuse, mais tellement rare. Je me réjouissais à l’avance des satisfactions que tu allais exprimer après ton retour, en voyant l’appartement transformé.

Tu es maintenant dans mon décor quotidien, plus que jamais auparavant.


Journal de Clint

« 5/04 Maharashtra

Se méfier des cartes ….
…. Don’t worry but you might have Malaria

19h30, Lonar : oui Lonar et son fameux meteorite cratère…. Pa si fameux que çà, je suis le seul touriste ici. D’ailleurs, je n’ai pas vu un seul touriste depuis Morgane à Chennai.
Se méfier des cartes ? ben oui, qd on regarde la carte, on observe qu’il n’y a que 50 km entre Parbani et Lonar, 70 tt au plus, and yet, il m’a fallu plus de 4 heures pr relier ces 2 villes ( et encore, je ne compte pas les ¾ d’heure perdues pour changer de pneu).
Je pense bien avoir passé les pires 24h de mon voyange à faire la liaison Hyderabad-Lonar !
Indeed, pr commencer le train ! ^c je le fais new depuis qlques tps, je ne prends plus soin de rése »rver ma place à l’avance et c’est là que j’ai eu tort …. Me suis retrouvé avec un general class ticket ( en d’autres termes, la classe des pauvres !)…. Le genre de classe où les gens dorment par terre, sur les portes bagages, à croup, assis ou allongés … de la folie quoi.
J’aurais certainement supporté cà si j’avais pas été malade !
Heureusement, un gars très sympa a compris que j’étais malade et a tout fait pour me trouver une place allongée… vers 3-4h du matin (pin pin pin pin pinwinering) … à ce moment j’ai pu dormir un peu.
Vraiment, les indiens can ê super cool… ce gars m’a gentiment proposé de venir me reposer chez lui, ce qu j’ai gentiment décliné parce que ça m’éloignait de ma route.
C’est bête, mais je décline trop souvent ! Combien de fois ai-je décliné des invitations de personnes dignes de confiance.. Je pense à ce père et à son fils que j’ai rencontré dans le train Chennai-Hyderabad, ou à ce commissaire Hampi-Bangalore qui m’invitait pour Holi .. ^c bête.
Bref, je suis arrivé à Lonar le 03/4 complètement épuisé par le voyage et la maladie.
Me suis directemt rendiu ds ce complexe touristi très propre (standard indien of course). Et pouvant accueillir un régiment indien (et pourtant je suis le seul réident !) et me suis directemt allongé pensant que la fièvre et tout et out passeraient, mais non ! une après midi, une nuit et une matinée (le 04) n’y ont rien fait… pire, les chises se sont ^m aggravées. C’est alors que je me suis décidé à faire appel à un docteur…. Très efficace le mec, en 2 sec, il m’a prescrit le nécessaire.
Il m’a aussi bien fait flipper, je cite « Don’t worry Sir, but you might have MALARIA. We are going to test your blood ».
Cà vraiment c’est pas très pro, comment ne pas s’inquiéter avec de tels dires !! J’ai passé 2 heures atroces à la suite de çà, ds ma tête…
Résultat négatif : ouf §
Pdt ce temps, le doc avait fait venir des assistant pr me filer des medic et me donner du glucose en intraveineuse (I litre le 04, ½ ce matin et ½ à venir).
Me sentais déjà bcp mieux ce matin.
J’en ai eu pr 100 r de medic et 1500r de consultat° et blood test, ce qui entre nous cher carnet, me paraît (et cela m’a été confirmer par le très gentil et helpfull staff ici) assez cher …
Même les docteurs, quelle déception !
Aujourd’hui, je suis remonté à la surface et suis allé me ballader à Lonar city, rien de spé, une petite ville indienne avec des marchands de tout, ses habita° en terres/béton/toles… une atmosphère plaisante tt de ^m, car pas bruyante, polluée, pas de hasseling….
J’ai réalisé aujourd’hui, ^m si je l’avais déjà observé avant) en parlant ds un « café » qu’il n’y a aucun animosité entre musulmans et Hindus, très friendly, des frères indiens quoi. En revanche, il est clair que les indiens détestent les pakistanais.

Lonar Crater ? Impressionnant à souhait, c’est vraiment le caractère reculé de l’endroit qui le rend si peu touristique.
2 km de diamètre, 170 m de profondeur, un lac au fond … des temples Hanuman le bordant, une fône et flore très diversifiée (flamants roses, gazelles, singes, oiseaux exotiques).
Vraiment magnifique, un seul hic, les moustiques, le cratère en est infesté.
Demain, je prends un bus pr Buldhana (20 km) puis un autre pour Bhusawal (encore 20 km) => 4h au moins pour attraper un train et joindre Varanassi !

Ah en fait, les « sisters of Mercy » en Indes sont plutôt des brother, les contacts avec les femmes étant raricimes ».


Suit le dessin : la Grande Ourse, Lonar le 06/04 à 4h00

Tracée au crayon sur une page, 6 étoiles en formation dessinée précisément,
comme on la voit dans le ciel.


Clint, tu écriras encore quelques mots, qui ne sont pas datés, mais je pense que c’est encore le 06 avril, un peu plus tard. Tu devais ralier Varanasi. Tu indiques avoir passé une très mauvaise nuit, peuplée de moustiques, et peut être écris tu, incommodée par l’importante injection de glucose.
Depuis le 03 ou 4 avril, tu alternes les crises épuisantes et les rémissions dues à ton traitement. Tu n’es pas conscient de la gravité de ton état. Sans cela, tu te serais confié aux soins dont tu avais besoin, tu serais resté alité sous surveillance spécialisée. Les rémissions t’ont fatalement trompé, le médecin aussi probablement. Lonar n’était pas une ville assez grande pour t’y arrêter. Il n’y avait pas d’équipes médicales équipées pour t’y soigner. Tu as compris que tu ne devais pas y rester. Pourquoi ne nous as-tu pas prévenus. Pourquoi.

Un étrange destin devait te mener à Varanasi. Pourquoi.

Avec Christine, j’ai regardé attentivement les cartes du centre de l’Inde hier soir. Quelque difficulté à repérer ton itinéraire, car ton relevé s’éloigne du point réel. Lonar ne figure pas sur les cartes régionales, c’est en fait une très petite ville, à l’écart des grands axes. J’imagine ta curiosité à voir le météorite cratère pour t’écarter autant, jusqu’à revenir dans le Maharashtra où j’ai finalement pu repérer Jalgao puis Lonai (c’est marqué ainsi). J’imagine le temps qu’il a fallu de jonction en jonction pour que ton voyage reprenne son long cours. J’imagine douloureusement à quel point ces détours ont consommé tes dernières forces, dans un moment où il te fallait lutter et te concentrer pour rester parmi nous. Je ne veux pas croire que tu n’as pas défendu toutes tes chances.


Journal de Clint

« 06/04/08 Cette nuit fut terrible (sens propre)…. Impossible de m’endormir …. En partie à cause des moustiques (surtout à cause) et ptet aussi à cause des 2 litres de glucoses injectés par ce cher pseudo assistant du doc. Résultat : je suis mort de fatigue et j’ai plus de 4 h =>Jalgao.
Et aussi l’autre blaireau du staff qui vient me « réveiller » à 5h45 et non 6h45 comme je lui avais spécifié au 6 3 fois ».


Aujourd’hui, lundi 07 avril 2008, tu arrives à Varanasi, au bout de tes forces. Ton trajet, entre la gare et l’Alka Hotel a dû être long et pénible, après tant d’efforts. J’en ai suivi une partie à pied, mais sans ton lourd sac à dos ni ces mille autres choses que tu gardais à portée de mains dans ton voyage au long cours. Comment as-tu fait dans ces rues complètement encombrées. Un rickshaw. Mais ensuite, pour arriver dans l’hôtel ? Il y a deux itinéraires : les ruelles étroites et tortueuses entre la place où stationnent tous les véhicules à environ 500 mètres, ou le chemin des ghats, plus court, avec la force pour ces hautes marches qui descendent dans le Gange, puis pour remonter un escalier raide et haut arrivant sur la terrasse de l’hôtel. Là je pense que tu t’es couché, n’émergeant mardi 08 avril que pour demander des soins.

Tes derniers jours sont inimaginables. Quelles réflexions, quelles peurs, quelles impatiences aussi de rentrer bientôt, à Pâques.

Un an après, la chaîne stéréo dans mon bureau perd à nouveau le fil de tes chansons. Es tu près de moi pour le dérégler, signalant ainsi ta présence ? Chacun de ces jours d’avril est une marche du Golgotha. J’y progresse doucement. Quelquefois, des sourires ou des pensées m’apaisent, comme l’autre jour ces mots attentionnés de ta sœur. A d’autres moments, je revis les derniers souffles, tes derniers regards, tes peurs, seul, si loin. Comment dire ce sentiment d’impuissance et d’incrédulité ? Comment vivre avec l’idée que tu es si près, et en même temps définitivement perdu ? Qui apportera la relève de ta vie ? Il me semble qu’un nouvel être de mon sang viendrait combler le vide que ton départ laisse.



TES DERNIERS MOTS ECRITS « Enemi public n° 1 »


Mon petit, il nous faut maintenant vivre dans le souvenir de toi. Il nous faut revivre toujours avec ces joies que ta vie a données.

Aimer autour de nous. Balayer les mauvaises pensées. Calmer les angoisses. Donner nos meilleurs sentiments. Encourager ceux qui restent à profiter de chaque jour de paix. Espérer, rêver que d’autres bonheurs viendront de toi, mais comment mon Dieu. Fleurir nos regrets et les autres morosités. Graver partout tes messages d’amitié. Habiter et animer l’histoire de tes 25 années. Irriguer nos coeurs par tes rêves et par tes utopies. Jouer et parier chaque jour sur l’ espérance de te retrouver. Louer le tout puissant de t’avoir fait naître et d’être tes parents. Magnifier chaque geste du quotidien . Nier l’existence d’une volonté supérieure à celle du destin. Ouvrir nos cœurs à tous. Prier pour que tes chers aient toujours sur eux ta lumière montrant le chemin et la vie. Plaisanter des péripéties de tes rencontres à la quête des autres. Questionner ceux qui t’aimaient pour que tu vives d’autres fois. Rire encore de ces plaisanteries que nous partagions, comme « Là, ils ont frappé un grand coup », devines où ?. Saluer le ciel de t’avoir donné cette grâce élégante ou rieuse dont tant de parents, alliés ou amis se sont un jour ou l’autre réjouis. Tarir nos pleurs. User de tes forces de vie pour bousculer nos pauvres routines. Veiller au bonheur.

A bientôt mon enfant. Nous nous retrouverons.
Papa