mercredi 7 mai 2008

De Morgane - D' Olivia - De Peter - D' Isabelle Raynal

De clint



De Morgane ( qui a voyagé avec Clint en Inde )


J’étais à Mahabalipuram, j’arrivais de Madras. Mahabalipuram est un village dans lequel j’étais allée au cours de mon premier voyage en Inde en 2003. A ce moment-là, j’y étais avec une amie Emilie, nous parcourions l’Inde pour trois mois et avions décidé de voyager surtout dans le sud. Elle avait attrapé une allergie assez impressionnante, elle s’était fait piquer par des puces de sable sur les îles Andaman, et elle avait passé la nuit à se retenir de se gratter. Sa peau sur tout le corps la démangeait beaucoup, et avait l’aspect de piqûres de moustiques géantes.
Elle était désemparée et ne savait pas quoi faire et nous nous sommes adressées à un français installé là-bas depuis environ 20 ans, qui tenait un restaurant. Il l’a aidée en l’accompagnant à une clinique pour qu’elle s’y fasse soigner.

Lorsque je suis retournée à Mahabalipuram donc, j’ai voulu retrouver ce restaurant appelé Nautilus et voir s’il était tenu par le même homme.

C’était le cas, et j’ai alors décidé, comme une sorte de remerciement tacite de retourner y manger chaque soir de ma présence dans ce village.

Les tables se remplissent au fur et à mesure, si bien que l’on se retrouve en face où à côté d’autres voyageurs, avec lesquels on fait connaissance.

J’avais commandé une bouteille de bière, là-bas les bouteilles sont grandes, on ne peut pas commander un verre. J’avais l’intention de boire un verre ou deux de bière et laisser ce qui resterait.

Le serveur a placé Clint à ma table.

Nous avons engagé la conversation, et je lui ai offert de partager cette bouteille avec moi, il m’a remerciée, disant qu’il trouvait ce geste sympa. Nous nous sommes présentés, et je n’ai pas compris son prénom tout de suite, c’est une habitude pour lui, il me disait que certaines personne pensent Klimt… et nous avons passé la soirée à parler, de son voyage, du mien et de mon précédent, de ses études à peine achevées, de la vie professionnelle qui démarre, de son stage qui lui avait donné confiance, de sa famille, je m’appelle Morgane, comme sa sœur.


Nous avons passé une bonne soirée à discuter aussi avec le couple français qui s’était installé à côté de nous, et qui vivait dans ce village depuis quelques mois dans le but d’apprendre la musique kharnatique, à Madras. Un cours par semaine, à Madras, ville polluée et très bruyante, le reste du temps dans ce lieu plus reculé et agréable. J’ai évoqué l’aide qu’avait apporté Jacques, le propriétaire à mon amie, il s’est joint à nous, nous a raconté des anecdotes rigolotes.
Clint m’a parlé des lieux où il était allé, il arrivait de Pondichéry, du sud, il ne savait pas exactement où aller après son passage par ici, et n’avait pas de billet retour, il était libre, et j’ai beaucoup aimé cette idée de ne pas avoir de date.

Je lui ai suggéré des itinéraires en lui recommandant de monter vers le nord. A cette période de l’année la température monte très haut dans le sud avant l’explosion et le soulagement de la mousson.

Apres le repas nous sommes allés nous promener sur la plage, un peu sale et mal éclairée, et avons continué notre conversation, mon histoire, la sienne, nos vies respectives, nos parcours, quelque uns de nos idéaux.

Il est des personnes que l’on reconnaît tout de suite, très tôt dans la rencontre, comme des personnes de valeur, par le choix de leurs mots et leurs propos, par leurs silences, par leurs regards sur les choses et la vie, Clint était une belle âme.
Nous avons passé un bon moment assis sur un tourniquet déglingué, et nous tournions doucement en parlant.

Le temps a passé et nous nous sommes fait chasser par la police municipale, qui faisait respecter un couvre feu en quelque sorte.

Nous rentrions et Clint se rend compte qu’il avait oublié son livre sur le tourniquet, je l’ai attendu devant une maison dont la porte était entrouverte.

Un homme y mangeait assis par terre, en regardant la télévision, que je ne voyais pas mais que j’entendais. Sur le mur, il y avait une photographie de Amma, cette indienne qui prend les gens dans ses bras. Il m’a vue et est venu sur le seuil de la porte, il se déplaçait avec ses bras, ses jambes ne fonctionnaient plus, et m’a demandé si j’avais besoin d’aide - la grande bonté des indiens – merci, j’attends quelqu’un. Nous nous sommes souhaité une bonne soirée.

Sur le chemin qui nous menait à nos guest house, nous avons vu les intouchables allongés sur le sol, dormant profondément. La journée, ils essayent de vendre les breloques qu’ils fabriquent et les tissus transformés en paréo.

Tout le monde au lit.
Le lendemain, nous nous sommes retrouvés au petit déjeuner, café, pas bon, et avons passé plus ou moins la journée ensemble, nous nous sommes séparés un moment dans l’après-midi, et puis en fin de soirée nous nous sommes retrouvés.

Comme le jour suivant, nous passions un peu de temps ensemble et nous donnions rendez-vous pour plus tard.
Nous nous intéressions l’un à l’autre et avions un échange de qualité.

Je lui ai proposé de m’accompagner à Kanchipuram, où je souhaitais retourner pour revoir des temples et aussi aller visiter un centre de promotion pour la production textile.

Nous avons pris un bus après notre petit déjeuner, et deux heures plus tard, sommes arrivés dans cette ville poussiéreuse. Nous avons passé le temps à jouer sur mon iPod.

Sur la route vers un des nombreux temples, nous avions décidé de marcher un peu malgré la chaleur de midi, nous nous sommes arrêtés dans une sorte de café pour boire un jus. Il y avait quelques hommes, dont certains un peu grisés, et cherchaient à se faire comprendre de Clint, ils étaient intrigués aussi par mon éventail, que j’oublierai plus tard dans une voiture Ambassador.

Nous avons poursuivi notre périple dans la ville, des enfants nous ont accompagnés le long de la route qui nous menait à un des temples. Comme tous les enfants, ils nous ont posé des questions sur notre origine, si nous étions mariés, nos noms, nos âges…

Nous avons vu quelques beaux temples disséminés dans la ville et avons réussi à trouver ce fameux centre textile, très bien caché dans un bloc de rues sans nom. Il nous a fallu demander et demander encore aux indiens qui ne veulent jamais dire non, pour localiser cet endroit magique. Merci Papa de m’avoir décrit «Ne rentre pas à Paris en te disant si j’avais su, si j’avais osé, si j’avais pu » ça m’a donné du courage pour le trouver ce lieu.

Avant cela, nous nous sommes retrouvés dans un centre de tissage de soie tenu par une famille, avant de nous rendre compte que ce n’était pas le lieu que je cherchais. Ils tendaient de la soie teinte devant leur atelier, la soie était bleue vif, magnifique.
Dans le centre, nous avons passé une heure à admirer les teintures naturelles utilisée par ces tisserands, mirobolan, indigo, curcuma et autres plantes et épices …

J’écris de la main gauche, je prenais des notes, et un des hommes qui étaient avec nous m’a dit que les gauchers sont chanceux, je lui ai répondu que ma chance, c’était d’être à ce moment-là, à cet endroit-là. Ils nous ont aussi expliqué les différentes méthodes de tissage typique de Kanchipuram, les types de broderie d’or sur les côtés des saris.
Nous avions soif et je voulais offrir à Clint un bon jus de fruit pour sa patience, nous avons trouvé le bon endroit et avons savouré ces vitamines.


Retour à la gare routière, attente assez longue pendant laquelle nous avons joué à résoudre des énigmes, un homme souhaitait nous offrir un café, mais ça ne nous disait rien, et régulièrement il venait nous voir pour nous dire que notre bus direction Mahabalipuram arriverait bientôt. Nous nous sommes assis sur le trottoir, Clint fumait une cigarette, et près de nous il y avait ce groupe de femmes qui nous regardait, ma jupe, mon éventail, Clint et ses cigarettes, l’une d’entre elle ne parlait pas anglais mais essayait de communiquer avec nous. Elle faisait des gestes en regardant la cigarette et faisait mine d’expulser la fumée, pour autant quand Clint lui a proposé une cigarette elle a refusé. Elles n’appartenait pas à une haute caste, car sinon, elles n’auraient pas regardé Clint. Le bus arrive enfin et nous reprenons la route, pour rentrer à Mahabalipuram.
La nuit tombe, le bus circule parmi les petits villages qui nous séparent de notre destination finale.

C’est beau, les foyers sont allumés dans les maisonnettes et abris de fortune, les ampoules à basse tension éclairent tant bien que mal les bordures des routes, la lune est rouge vif et tellement plus grande qu’à Paris !

Je lui fais remarquer la finesse des bras d’un indien assis à côté de lui, ils sont même plus fins que les miens. Les indiens ne sont pas robustes.

Nous arrivons enfin, il est assez tard, et nous avons faim.

Après une douche rapide, nous nous retrouvons dans un petit restaurant qui n’a plus de poisson malheureusement, mais de toute façon, le tenancier, nous fait comprendre que nous ne pouvons pas rester bien longtemps, il a une heure de fermeture à respecter.

J’amuse Clint en demandant un sourire avec mon plat au serveur qui fait la tête.
Retour à nos guest house respectives pour une bonne nuit de sommeil, mais avant cela, il me montre la piscine de sa guest house, nous restons à discuter quelques minutes, les oiseaux de nuit nous accompagnent, il y a plein d’étoiles dans le ciel, nous cherchons à reconnaître quelques constellations.

Nous avons décidé d’aller ensemble le lendemain à Madras, moi j’y retourne car je veux y voir quelques ateliers de production textile et des centres de broderie. Et puis, nous avons fait le tour de Mahabalipuram, où il y a quelques temples dans l’arrière du village et aussi sur la plage, Clint s’est d’ailleurs levé aux aurores pour voir le lever de soleil sur le Temple du Rivage, il est fatigué.

Il me confirme aussi que la plage sert aussi de toilettes publiques, au petit matin… Luxe, calme, volupté, et réalisme cru d’une Inde de plus d’un milliard d’habitants, tous les systèmes n’ont pas suivi l’accroissement de la population, et en grande majorité, les indiens sont très connectés à la nature… Il n’y a pas de snobisme ici, le snobisme est une invention des pays riches.

Le mardi matin, nous nous retrouvons pour prendre le petit déjeuner avant de partir pour Madras.

Au moment où nous nous rejoignons après avoir fait nos check-out, un indien nous demande si nous acceptons d’aller participer au tournage d’une publicité dans les studios de cinéma. Je suis plutôt d’un naturel réservé, alors j’hésite un peu, tout en étant tentée de prendre ma revanche sur une aventure identique mais moins intéressante finalement, à Bombay au cours de mon premier voyage.

Devant l’enthousiasme de Clint, et ne voulant pas vraiment que notre séparation arrive de cette façon, je l’aime bien Clint, je dis oui.

Nous allons donc passer la journée dans les studio, et devrons jouer, quoi ? Ce n’est pas très clair… Nous serons payés 700 roupies, nourris, et nous y allons en taxi ! Bien plus confortable que le bus, bien plus rapide aussi, mais mois propice aux rencontres.

Nous voici dans cette belle voiture Ambassador, blanche, qui nous amène à Madras. Nous avons le temps de voir défiler le paysage.

Il fait enfin beau à Madras, mes précédents passages sous la pluie ont été pénibles.
Nous arrivons aux studios et une personne nous propose de nous installer dans une loge, nous ne savons pas exactement comment la journée va se passer, mais croyons naïvement que nous allons jouer rapidement. Cela n’a as été le cas. Je me rends compte que j’ai oublié mon éventail si pratique ! et mes lunettes de soleil sur le siège arrière de la voiture, elle est déjà partie. Il a fallu attendre toute la journée, et passer le temps, dans le hangar où était réalisée la publicité, des ventilateurs énormes, beaucoup de monde, des caméras, un décor en carton pâtes sur notre droite représentant quelque temple égyptien, mais l’action de la publicité se passait sur une plage. Beaucoup d’enfants jeunes et moins jeunes devaient jouer, la plupart venaient de Singapour. Ils ont été maquillés et habillés. Dans la loge, nous avons mangé de bons plats indiens, c’était curieux de voir des personnes à nos soins, nous parler très gentiment. Il y avait un jeune homme qui était notre contact, c’est à lui que nous pouvions tout demander, de l’eau… nous passions notre temps à faire des allers retours entre la loge, le terre plein, le hangar où ils tournaient les scènes de la publicité. Un groupe de jeunes femmes dans la loge a parlé avec nous, certaines d’entre elles étaient présentes car leurs époux travaillaient dans le studio, elles sont curieuses et nous posent des questions, comme tous les indiens, nos âges, nos professions, si nous aimons l’Inde, ce que nous avons vu, où nous allons…plus tard dans l’après midi l’une d’entre elles nous propose de passer la soirée chez elle, nous sommes flattés et disons oui. Nous ne savons toujours pas quand et ce que nous devons jouer, notre contact est un peu flou, parce qu’il sent que je suis un peu inquiète, ou stressée par ce que je vais devoir faire… je fais un somme, Clint lit son livre.

Autant je suis un peu stressée, autant Clint est décontracté, mais au fur et à mesure que la journée avance, notre impatience grandit, il fait chaud, nous nous sentons sales, et même si c’est intéressant d’être là, je commence à avoir l’impression de perdre mon temps.

Je fais un peu de yoga, ce qui déclenche une conversation avec Clint sur la pratique, la respiration…

Je lui apprends quelques postures, l’arbre de vie ou tout se joue dans la respiration pour garder l’équilibre.

Nous attendons, attendons….

A un moment, il semble que quelqu’un demande si nous avions des maillots de bain, hors de question, je ne veux pas me retrouver dans cette tenue au milieu du hangar…

Ils souhaitent que Clint se rase, hors de question, il n’a pas de rasoir, enfin il en a un, mais il ne veut pas se raser…

Des plateaux de petits feuilletés circulent, c’est très bon, et ça fait passer le temps.
On nous demande de nous asseoir sur un banc pendant qu’ils tournent une scène avec les enfants.

Au centre de la scène des jeunes filles dansent sur un chorégraphie kitch pendant que les enfants jouent à se lancer des ballons, le petit garçon qui est proche de nous n’est pas partageur du tout, et dès que le ballon tombe, il s’empresse de le ramasser et ne laisse personne y toucher. Démarre un petit jeu avec Clint entre les prises, ou on lui dérobe le ballon et on le donner à sa copine, toujours souriante, qui prend manifestement beaucoup de plaisir à passer cette journée ici. Je me souviens avoir fait la réflexion que j’aurais réprimandé ce petit garçon s’il avait été mon fils. Et voyant que Clint de rentre pas dans son jeu, le petit garçon au début plutôt bavard et curieux devient un peu agressif… Un peu plsu tôt dans la journée, il nous avit dit fièrement être ceinture verte de karaté…

La prise est finie et nous sortons de nouveau dehors.

Plus tard nous aurons à jouer dans une autre scène.

En attendant, nous discutons et patientons…

Je me plains d’être fatiguée.
Finalement, il est un peu tard, mais on nous demande de nous recoiffer, ça va être notre tour.

Clint se retrouve avec un sorte de brushing, et moi les cheveux ébouriffés, pas fashion. Ça nous fait sourire ce contexte… Il me dit d’ailleurs qu’il veut couper ses cheveux, mais qu’il hésite franchement parce qu’ici, c’est sûr, les coupes ne sont pas à la dernière mode, et lui ne veut pas ressembler à un indien avec une coupe des années 50. J’essaye de le réconforter en le taquinant, sa coupe lui va trop bien !

La scène : nous sommes un couple au bord d’un bateau sur le sable, et nous devons chanter le refrain de la chanson que nous avons entendue toute la journée, qui sera la musique de fond de la pub. C’est de l’hIndi je crois, pas très facile à prononcer, on a deux minutes pour apprendre par cœur et s’est parti ! Saravanavil …kikudu… Clint gardera la chanson en tête longtemps après.

Moi, je me sens mieux, je joue le jeu et j’essaye de me détendre, je fixe la caméra et prends cet air coquin qu’ils souhaitent, et Clint finalement stresse un peu, on n’est pas très à l’aise devant la caméra que l’on doit fixer du regard.

Mais on ne se débrouille pas si mal, parce qu’il nous aura fallu peut-être une dizaine de prises avant qu’ils nous disent que c’est bon, on est bien plus performants que les groupes précédents !

Ceci dit, nous avons un doute, peut-être que nous avons été si mauvais qu’ils ont laissé tomber l’idée…

Deux minutes plus tard, nous voici dans un rickshaw avec nos gros sacs à dos, nous avons décidé de na pas aller chez cette femme qui nous avait invités, trop fatigués, notre contact nous donne nos 700 roupies, nous avons gagné notre salaire ! Direction une guest-house « le broadland Lodge » dans laquelle je suis passée avant d’aller à Mahabalipuram.

C’est endroit est un havre de paix, bien calme à Madras, des cours se succèdent et des chambres simples, doubles avec ou sans salle de bain sont distribuées tout autour, il y a des escaliers qui partent dans tout les sens, des plantes ici et là, on a l’impression d’entrer dans un vieux bâtiment, c’est d’ailleurs annoncé à l’entrée : Since 1951.
On nous fait visiter des chambres, je veux prendre un chambre avec salle de bain, j’en visite deux ou trois et en choisi une au dessus de la première cours, elle sent moins l’humidité que les autres, Clint en prend une un peu plus loin. Toutes les chambres sont décorées sur le même mode : un tissu rayé de différents bleus sur les lits, pour les oreillers, et pour les rideaux, les embrasures des portes, fenêtres, rideaux, rambardes, escaliers… sont bleus clairs, presque turquoises, ça tranche avec les murs peints en blanc, et les plantes vertes, c’est dans l’ensemble assez joliment entretenu.

Nous attendons pour faire notre check-in, il y a un touriste qui s’enregistre. Nous sommes assis sur une petite banquette et en face de nous se trouve une petite étagère remplie de bouquins en toutes langues. Nous regardons nos passeports, je retiens le nom de Clint et lui dit que je le trouve joli son nom, il sonne bien.

Un petit livre en hébreu retient mon attention, il ressemble au livre des psaumes, j’essaye de lire le nom de l’auteur, Rabbi Naham de Braslav…ça impressionne Clint que je sache lire l’hébreu, même s’il sait que j’ai eu un petit ami israélien pendant quelques années, je prends un autre livre en français : Cent ans de solitude, je décide de le prendre avec moi et de débuter sa lecture.

Clint s’enregistre puis vient mon tour, on se retrouve dans un quart d’heure après une douche bien méritée.

Pas très loin de la guest-house, sur Triplicane, se trouve un très bon restaurant populaire, on y prend un bon dosa, cette galette remplie de pommes de terres épicées et autres petits légumes, et des épinards. De retour au Broadland, on regarde les différentes cartes de l’Inde, fixées sur les murs, Clint envisage d’aller à Hyderhabad et regarde la distance avec Madras.

Je vais me coucher, nous nous disons bonne nuit.

Le lendemain matin, je demande à l’accueil du café au lait et du sucre et je me rend à la chambre de Clint pour lui apporter ce petit déjeuner léger.

J’ai quelques visites à faire à Madras, des ateliers à visiter, et après avoir pris notre café dans sa chambre, nous convenons de nous retrouver au Spencer Plaza vers midi pour manger ensemble. Clint veut s’acheter un lecteur de MP3, le précédent à lâché il y a quelques temps et la musique lui manque un peu, et le Spencer PLaza est un centre commercial plein de boutiques en tout genre, c’est là que j’y ai passé ma première journée en Inde alors qu’il pleuvait sur Madras, et que j’y ai acheté mon billet A/R Madras-Bhubaneswar.

Je le retrouve donc et nous longeons Ana Salai pour manger dans ce bon restaurant Sikh dans lequel j’étais allée, ça prend un peu de temps d’y arriver et à un moment j’ai un doute, Clint me demande si je suis sûre et je lui dit oui et de me faire confiance, il me répond qu’il me fait confiance.

Sur le chemin du retour, nous passons devant un magasin d’état que j’avais sur ma liste, grosse déception, rien n’est intéressant et on s’amuse à imaginer les objets kitsh sous nos yeux comme de potentiels cadeaux…boites en coquillages, trucs en bambou verni, napperons brodés…franche rigolade.

J’ai deux ou trois boutiques d’artisanat à aller visiter, donc on se sépare pour se retrouver en fin d’après-midi. Clint n’est pas tout à fait décidé sur son choix de MP3 il va donc y retourner au mall dans l‘après midi.

Je rentre un peu pus tôt que prévu, déçue par ce que j’ai vu dans les magasins d’artisanat.
Au-dessus des étages de Broadland, il y a un toit terrasse depuis lequel on a une belle vue sur Madras, et notamment une mosquée, des minarets, j’y passe une bonne parte de l’après midi, à lire Garcia Marquez, que j’aime de plus en plus. J’ai pris mon appareil photo et comme j’aime le lieu, je photographie les alentours. Le chant du muezzin démarre et résonne, je vois plein de monde aller à la mosquée, et je prend des photographies.

Finalement, nous nous retrouvons à la tombée de la nuit.

A un moment, je lui dis que j’aimerai me retrouver dans une ville musulmane remplie de mosquées, ce doit être impressionnant, beau et ça doit transporter d’entendre tout autour de soi plusieurs muezzin faire l’appel à la prière en même temps, Clint est d’accord et je pense qu’il va sûrement vivre un peu ça à Hyderhabad avec un brin de jalousie d’ailleurs.
Nous avons envie de boire une bière et marchons sans savoir vraiment vers où aller pour trouver un wine shop où nous pourrions acheter une bouteille et retourner sur le toit terrasse.

En chemin, nous nous arrêtons à un stand pour prendre des cacahuètes délicieuses, en 5 minutes, notre petit cuisinier nous mélange des cacahuètes, un peu de coriandre, du piment, du jus de citron, un peu d’oignon vert, de tomates, le tout chauffé un peu et servi dans une feuille de papier journal pliée en forme de cône, très très bon. On grignote la friandise en cherchant. Nous avons fait une tentative en entrant dans une espèce de bar qui se transforme en boîte le soir, mais la musique est bien trop forte et nous ne sommes pas emballés par les serveurs déguisés en marins. On dirait la chanson WMCA version indienne, et la musique est trop forte, on ne s’entendrait pas.

En fait, un rickshaw nous propose de nous amener dans un endroit sympa pou boire cette bière, et nous nous laissons guider, il nous dépose au pied d’un hôtel haut de gamme, et nous nous retrouvons à la terrasse de celui-ci d’où nous avons une très belle vue sur Madras by night.

Quelques bières plus tard et après avoir mangé une salade libanaise et du houmous assez bon, et tandis que les serveurs oscillaient entre notre table et l’écran de télévision sur lequel jouaient les équipes indiennes et sud-africain de baseball ou polo, nous quittons l’hôtel. Nous avons passé une bonne soirée, nous nous couchons tard.

Le jeudi matin, c’est lui qui vient me réveiller avec du café frais et quelques fruits, nous décidons d’aller dans l’après-midi dans un ensemble de parcs au sud de la ville, ChildrenPark, SnakePark…

Pour y aller, nous devons emprunter un train de banlieue à partir de Egmore station, une fois sur place, il faut trouver le guichet pour les courts trajets, on y arrive et nous voici sur le quai à attendre le train en mangeant des cacahuètes. Il y a un appareil qui permet de prendre son poids et qui délivre un petit carton censé donner des indications sur son horoscope, il faut une roupie tout rond, j’en ai une, il se pèse et trouve surprenant le poids annoncé, 63 Kg je crois, cela signifierait qu’il a perdu du poids, depuis la dernière fois qu’il a joué avec un tel appareil. Ceci dit, rien ne nous assure qu’il est bien réglé, et Clint n’est pas maigre, mais plutôt normal. Sur le petit carton, il est indiqué quelque chose comme ‘ it is difficult to understand you’

Le train arrive, nous montons et nous nous rendons compte que nous sommes dans le compartiment des hommes, je suis la seule femme au début et puis deux ou trois autres femmes montent à un arrêt suivant. Je sens les regards de quelques hommes sur moi, mais pour autant rien de déplacé, on arrive même à me trouver un place au moment où un homme se lève, Clint fait en sorte que je puisse m’y asseoir. Merci Clint, tu es galant et attentionné. Une petite demi-heure plus tard nous descendons à la station, il fait chaud et nous prenons un Sprite à un stand, la bonne humeur de la jeune femme qui nous sert et ne parle pas anglais nous amuse. Il faut encore prendre un rickshaw pour aller dans les parcs.

Après la visite de Snake Park, nous cherchons un endroit pour nous allonger sur l’herbe et Clint veut se reposer un peu, il fait une bonne sieste, moi aussi mais je me réveille avant lui. Mais Clint se sent toujours fatigué, pas très en forme. Enfin d’après midi, nous n’avons pas le courage de faire tout le chemin inverse et nous décidons de prendre un rickshaw pour nous amener directement au BroadLand.

Nous mangeons un peu de poulet - frites indien dans un petit restaurant enfumé, très mal organisé, et j’ai l’appétit coupé parce que je vois en face de moi la pseudo-cuisine et comme ils nettoient les assiettes, je tente un regard sous mon assiette et la couleur que j’y vois me coupe vraiment tout net, les frites de Clint sont plutôt molles, bref, c’est raté …nous restons un peu dans la rue où se trouve le Broadland, pour boire un jus de fruit. Clint n’a pas super bonne mine, je trouve. Il fume une cigarette.

Une jeune indienne vient lui dire bonjour, ils s’étaient rencontrés la veille et elle veut lui vendre du riz, elle ne le lâche pas, elle explique qu’elle a besoin d’argent, le regarde fixement, je suis agacée parce que je vois que ça demande un effort à Clint de l’écouter, de lui répondre, de dire non.

Je lui demande d’arrêter, et de partir poliment mais fermement, elle me regarde durement. Il décide d’accepter et s’absente quelques minutes.

Nous avons décidé de partager la même chambre, et je veille sur lui dans la soirée. Il a de la fièvre, lorsque je mets ma main sur son front, je sens qu’il est chaud mais je ne peux pas savoir à quel point. Je décide de prendre régulièrement son pouls, le seul élément mesurable, et son pouls est assez élevé, je regarde dans ma trousse à médicament ce que j’ai à disposition. J’ai du doliprane et lui aussi, je regarde le traitement recommandé et il peut en prendre deux comprimés trois fois par jour. Il en prend donc deux à ce moment-là. Je n’ai pas d’antibiotique, mais il me fait comprendre qu’il n’en prendrait pas de toute façon. Mes autres médicaments sont des traitements pour problèmes intestinaux.

Je regarde dans son Lonely Planet la section concernant la santé afin d’essayer de rapprocher les descriptions que j’y lis de ce qu’il ressent.

Il n’a pas mal et me dit qu’il se sent juste faible et peut-être un peu mal à la tête. Cela semble correspondre à un état grippal.

J’essaye de comprendre ce qu’il a et comme il est allé dans ce centre commercial avec air conditionné, je me demande s’il n’a pas attrapé froid, tellement le contraste est grand avec la chaleur de la ville.

Je lui propose d’aller voir un médecin, ou d’aller à l’hôpital, mais il refuse net, nous manquons de recul sur son état, lui pense que cela va passer.

J’imagine qu’il ne souhaite peut-être pas se retrouver face à des médecins indiens alors je lui demande s’il n’a pas les coordonnées de son médecin traitant à Paris, que nous pourrions contacter, mais il n’a pas déclaré de médecin traitant et me dit qu’il n’a pas vu un médecin depuis au moins 5 ans.

Nous décidons de laisser passer la nuit et de voir comment il se sentira le lendemain matin.

Nous ne dormons pas très bien et sommes réveillés tôt le matin par la mosquée juste à côté.
Il se sent mieux, sa fièvre est un peu passée semble t–il, et son pouls a baissé. Il doit tout de même prendre du doliprane.

Je vais chercher de quoi prendre un petit déjeuner et nous restons dans la chambre.

Il se dit qu’il ira peut-être voir la plage de Madras dans l’après midi.

Je choisis de changer mon planning et d’annuler certaines visites que j’avais prévu de faire pour rester avec lui, même si Clint me pousse à profiter des mes derniers jours en Inde, il me dit que je dois me faire plaisir. Mais moi, je ne peux pas.

J’ai un rendez-vous que je ne dois pas manquer ce vendredi matin, il est le plus important de tout mon voyage. Je pars donc pour l’atelier que je dois visiter, ce qui me prend deux heures et je poursuis avec une deuxième visite d’un atelier de broderie tout près du Broadland.

De retour dans la chambre ; je retrouve Clint assis dans un fauteuil, et lui propose de manger quelque chose. Bien qu’il n’ait pas très faim, il accepte de manger une salade.

Je l‘incite à boire de l’eau, il fait chaud et il a transpiré, il faut se réhydrater. Je vérifie qu’il a pris du doliprane.

Je retourne donc au restaurant tout proche pour prendre quelques plats, je choisi en plus un bouillon de légumes pour lui, et un plat chaud pour moi.

Nous mangeons et il veut se reposer.

Dans l’après midi, je retourne voir une autre boutique d’artisanat en vain, elle est fermée. Clint lui, est allé sur Internet et a commandé son billet avion retour. J’avais trouvé super intéressant de ne pas avoir de billet retour, pensant que cela oblige à profiter encore plus de l’instant présent.

Nous avons parlé à plusieurs reprise des autres parties de l’Inde qu’il pourrait visiter, il souhaitait garder quelques endroits pour plus tard, pour un autre voyage
Je lui demande quand il a décidé de renter et il me fait croire qu’il rentre rapidement, devant ma surprise il s’amuse de moi et me dit ‘tu crois que je vais rentrer parce que je suis malade ? ‘

Nous mangeons une boite de sardine qu’il avait achetée à Pondichéry avec son couteau suisse et du pain. J’avais laissé un paquet de biscuit sur la table et Clint l’a déplacé sur le bord de la fenêtre, il est envahi de ces insidieuses fourmis qui trouveraient moyen d’aller su la lune s’il y avait quelque chose de digeste là –bas.

Il me dit qu’il aimerait bien manger une bonne pizza, et nous pensons au Spencer Plaza, avec ses boutiques plus ou moins occidentalisées, là-bas, il y a un Domino’s pizza et Pizza hut, donc le choix. Le centre est un peu labyrinthique et nous mettons du temps à retrouver la partie restaurant. Sur le chemin, nous croisons quelques personnes avec lesquelles Clint avait discuté lors de ses précédents passages, ils l’interpellent en l’appelant my friend, we are friends, en lui prenant la main, ils aimeraient qu’il entre dans leur boutique, Clint répond « peut-être demain », pour ne pas avoir à dire non, je lui fais la remarquer qu’il est très populaire, il leur sourit, les indiens savent attirer la sympathie par leurs sourires radieux, et leur regard dénués de toute animosité ou méchanceté…

Nous allons au Domino’s pizza et comme l’espace est partagé entre tous les restaurants, chaque serveurs se précipite à notre table pour proposer pâtes, boissons, coca, et jus de fruits frais, plats indiens… je suis un peu agacée par l’insistance qu’il mettent à nous coller leurs menu sous le nez et je ne veux pas qu’ils fatiguent Clint.

Nous mangeons sans goût, les pizzas ne sont pas très bonnes, un peu fades, un poste de télévision passe des clips indiens dont certains avec ce chanteur et acteur si populaire Kahn. Je lui demande comment il va, j’ai un peu peur de le fatiguer avec mes questions, il me dit avoir un peu mal à la gorge

Retour vers Triplicane. Nous nous énervons aussi des conducteurs de rickshaw qui nous demandent des prix insolents pour rentrer, nous sommes des touristes mais nous commençons à connaître les tarifs. Je dis à l’un d’entre eux : « Why are you trying to cheat us with the price you give ? » il est déconcerté, parce qu’il n’a sans doute pas l’habitude… on demande à plusieurs rickshaw à la suite leur prix, mais ils communiquent entre eux les prix qu’il nous donnent, il faut que nous nous éloignions un peu pour trouver un bon prix.

En route, moi, j’ai le blues de la situation, de mon départ qui approche,

Une fois arrivés à destination, je décide de lui préparer un thé bien chaud avec du jus de citron, nous avons besoin d’un thermos que nous trouvons à l’accueil du Broadland et nous achetons le thé dans la petite échoppe face l’entrée de l’hôtel, parfait, l’homme qui tient cette échoppe est adorable, avec son grand sourire, il est toujours enthousiaste, et nous guide, car il faut trouver un moyen de bouillir l’eau minérale, il nous conseille d’aller au tea shop à côté sur Triplicane, qui vend aussi du citron, parfait... J ‘achète aussi du miel.

Clint avait avec lui quelques ustensiles, une assiette, un mug entre autres.

Je lui prépare son thé dans son mug en métal, il le préfère au verre posé sur la table de la chambre. Il me raconte qu’il a toute une collection de mugs récoltés au gré de ses voyages. J ele pousse à boire tout son thé.

Puis nous passons la soirée à écouter de la musique sur son MP3, Bob Dylan, qu’il adore, les Doors, Lou Reed et Nico, quelques chansons françaises, je lui fait écouter Paco de Lucia, Clint me dit qu’il doit avoir les doigts durs tellement Paco joue vite sur la guitare. Il nous manque David Bowie.
Nous sommes allongés sur le lit, face à face et nous parlons de nous et évoquons de nos souvenirs, il me parle de son voyage en Corse, où moi-même ne suis pas allée, un si bel endroit si proche de la France, il avait fait le GR 20 avec des amis pendant que d’autres vivaient entre la plage et les soirées arrosées ; quelques déplacements en Angleterre à Bath, de souvenirs de pêche avec un ami sur l’île de la jatte, tandis que de véritables pêcheurs réussissaient à attraper de gros poissons, eux rentraient avec des petits de lieux où sortir à Paris.

Clint fume quelques cigarettes.

A un moment, nous entendons du bruit très fort dehors et nous n’arrivons pas à voir d’où ils viennent, ni à identifier de quoi il s’agit, mais c’est impressionnant ! Nous ouvrons les fenêtres les unes après les autres, la chambre est grande et à un angle du bâtiment.

Finalement, nous ouvrons la porte de la chambre et avons une superbe vision d’un grand feu d’artifice juste au-dessus de l’hôtel, digne d’un 14 juillet français. On est même un peu impressionnés parce que des cendres tombent dans la cour et il y a un grand arbre, et un instant j’ai peur qu’il ne prenne feu.

J’interprète ce spectacle comme un bel au revoir de l’Inde, puisque je dois rentrer à Paris le lendemain. C’est ce que j’aime en Inde, il y a toujours une surprise, quelques chose d’inattendu qui vient changer la situation, adoucir la réalité un peu brute parfois.


Nous avons dormi mieux que la veille, et je continuais à prendre son pouls régulièrement, il était toujours un peu élevé, et sa fièvre était toujours plus ou moins présente. Il ne se plaignait pas de douleur mais il se sentait fatigué.
Le samedi matin, nous nous sommes réveillés, j’avais un peu le cafard de devoir préparer mon sac pour mon retour, je ne savais pas trop comment organiser ma journée, j’étais toujours inquiète pour Clint.

J’étais partagée entre rester avec lui et aller voir les deux trois autres lieux qui m’intéressaient, et je laissais le temps s’écouler pour ne pas choisir, ma liste s’est donc réduite avec le temps qui passait, je ne voulais pas non plus peser trop par ma présence et je me demandais s’il voulait être seul ou non. Il en avait marre d’être dans cet état, et se disait que son voyage en train vers Hyderhabad n’allait pas être facile d’autant qu’il n’était pas assuré d’avoir une couchette, il n’avait pas fait la réservation habituelle, pour cela, il aurait dû aller dans le bureau des réservations plusieurs jours avant.
Nous écoutons de la musique.

Je sifflotais cet air de Coltrane My favorite things, et Clint m’indique alors que cet air est emprunté au film préféré de sa grand-mère « La mélodie du bonheur », où l’héroïne, par sa joie de vivre, son enthousiasme réussit à sortir une maisonnée de 7 enfants de sa léthargie, et reçoit l’amour de leur père… la mélodie du bonheur, c’est elle. Depuis, j’ai regardé le film en pensant à lui et à sa grand-mère.

Il m’a dit que je devais profiter de ma dernière journée et me faire plaisir. Il y avait ce musée que je n’avais pas pu visiter lors de mon dernier voyage car les départements qui m’intéressaient étaient fermés pour restauration, j’ai donc décidé d’y aller.

Le train de Clint pour Hydehabad partait à 18h30, il voulait quitter l’hôtel à 17 heures pour avoir le temps de trouver un billet sur place

Il fallait être stratégique, soit j’attendais son départ pour aller au Musée, mais j’aurais eu peu de temps, soit j’y allais en ce début d’après-midi et je le reverrais peut-être avant qu’il ne parte.

Je lui ai dit au revoir, donné quelques conseils, donné mon adresse mail en lui demandant de m’écrire rapidement pour me donner des nouvelles, je lui ai laissé mes tongs parce que ses birkenstocks étaient toutes usées.

Je lui ai dit de continuer à prendre du Doliprane.

Et je suis partie.

Par chance, le musée cette fois-ci aussi avait quelques départements fermés. Pas la section des sculptures de bronze que je voulais voir. Durant mes études d’histoire de l’art, j’avais notamment passé pas mal de temps à étudier l’art indien, et je connaissais quelques belles œuvres conservées dans ce musée.

Je suis rentrée plus tôt, je me suis dépêchée même, et j’ai pu rester près de Clint un peu de temps, je l’ai aidé à se préparer et nous nous sommes assis un peu avant qu’il ne parte, un soigneur de perroquet anglais un peu fou est venu discuter avec nous et puis il était temps que Clint parte pour la gare.

Je lui ai proposé de l’accompagner au rickshaw, il a fallu négocier encore une fois un prix réaliste pour une course vers la gare, et au moment de nous dire au revoir, je lui ai demandé d’aller voir un médecin si son état ne s’améliorait pas car cela faisait presque trois jours qu’il ne se sentait pas bien. Il m’a donné son accord, je lui ai souhaité de faire un bon voyage, je lui ai souhaité un bon anniversaire, nous étions alors le 29 mars, et nous nous sommes quittés au coin de Triplicane.
Je suis rentrée le vague à l’âme dans la guest house, la chambre semblait immense sans Clint et toutes ses affaires de voyage, il n’y avait plus de bruit et il était temps pour moi de partir.

Je suis allée à la recherche d’une poste, j’avais mes cartes postales presque touts identiques à poster, j’ai commencé à pieds, je devais faire passer le temps, mais la poste était loin, j’ai finalement pris l’aide d’un rickshaw et attendu une fois arrivée à la poste un bon quart d’heure, car c’était la pause thé du commis. En France on a la pause café, en Inde, c’est la pause thé.


Je suis rentrée et j’ai pris une douche, et je suis retournée sur Triplicane pour voir si je pouvais trouver quelques petites choses à acheter.

Il y avait quelques pharmacies dans lesquelles j’ai pu me procurer du savon ayurvédique, et quelque crème, on m’a dirigée vers une pharmacie ayurvédique où j’ai pu trouver d’autres plantes médicinales qu’un étudiant en médecine ayurvédique m’avait conseillé à Puri, en Orissa.
J’ai ensuite mangé dans ce restaurant où nous étions allés Clint et moi, pour savourer une dosa, je crois que c’est mon plat préféré, une raita, j’osais enfin manger des légumes crus, et un bon Lemon soda.

A 9h30, le rickshaw walla que j’avais pris le matin devait venir me chercher pour m’amener à l’aéroport.

J’ai terminé mes bagages, et j’ai fait mon check out à 9h. J’ai passé ma dernière demi-heure au bureau du Broadland et nous discutions avec le garçon d’accueil et surtout le viel homme charmant, qui ne comprenait pas toujours ce qu’on lui demandait, mais très très malicieux, avec une belle lumière dans son regard, c’est lui qui nous préparait le café le matin et qui nous avait fait visiter toutes chambres disponibles avant que nous nous décidions.

J e l’aimais bien ce monsieur, et nous avons plaisanté, parce qu’il voulait venir avec moi à Paris, et j‘ai joué le jeu, en lui disant que je lui servirais de guide et que nous marcherions bras dessus bras dessous.

Il était enchanté, et je pense qu’il voulait y croire. Je l’ai questionné sur sa famille, il m’a dit avoir des enfants, don u à New York et un autre en Italie, sa propre femme était là-bas, je lui demandais pourquoi n’allait-il pas à New York, il y était allé un fois et ça ne lui plaisait pas, il voulait rester ici, il devait travailler malgré le fait qu’il était à la retraite pour continuer à vivre correctement.

Il voulait savoir combien je gagnais. Plus tard, je lui ai dit qu’il était quelqu’un de bien, et lui me répondait que tous lui disaient qu’il était un ‘naughty boy’, j’étais la seule à ne pas lui dire, et c’est pour ça qu’il voulait rester avec moi.

Son grand sourire franc et sincère, ses yeux plissés par l’âge…

Ils m’ont offert un tchai, j’ai du payer 25 roupies pour le verre casé dans la chambre à cause d’une bougie que j’y avais placée et puis il a été temps pour moi de partir,

Le rickshaw m’attendait. Une bonne demi-heure plus tard, j’étais à l‘aéroport, mon avion partait à 2h30, l’attente a été longue et finalement nous avons décollé. J’ai pensé à Clint parce que son avion du retour devait décoller à 5h du matin et cela signifiait qu’il aurait à veiller toute une partie de la nuit, dans l’aéroport de Delhi, il y a mieux…

J’aime décoller ou atterrir de nuit, ça me permet de voir la ville éclairée, et de bien voir ses proportions, sa constitution, et ses vibrations, les lumières qui scintillent.

Goodbye Mother India.
Quelques jours plus tard, alors que j’avais repris le travail et m’étais replongée dans ce monde si différent, j’ai eu envie d’avoir des nouvelles de lui. Il ne m’avait toujours pas envoyé ce mail. J’avais écrit mon adresse mail sur la page de garde de son Lonely Planet, j’étais certaine que ce livre là, il ne le perdrait pas, il avait aussi d’ailleurs ma carte de visite, mais nous avions convenu qu’il me contacterait sur mon mail personnel. Je regardais ma messagerie très souvent, un peu de façon compulsive d’ailleurs. J’avais envie d’avoir de ses nouvelles.

Pas de mail.

J’ai regardé s’il avait une page sur Facebook, je me souvenais de son nom de famille que je trouvais beau, et j’ai ainsi pu lui envoyer un message, discret d’ailleurs : je lui demandais comment il allait. Ce message date du 2 avril.

Pas de réponse.

Puis j’ai été assez prise par le travail, plusieurs déplacements en Espagne successifs.
J’ai parlé de lui à mes amis que j’ai retrouvés, j’avais fait un beau voyage pour plusieurs raisons, d’abord parce que je l’avais fait toute seule, et que j’étais fière de moi, d’être allée à la rencontre de l’inconnu, de ne pas avoir peur mais plutôt confiance en ce que l’Inde pouvait m’apporter. Ensuite parce que j’ai pu visiter pas mal de lieux intéressants pour mon projet, j’ai pu voir des textiles magnifiques, des métiers à tisser, des artisans. Et puis parce que j’ai fait de belles rencontres, la première c’est Christopher qui m’a aidée à prendre la décision d’aller à Bhubaneswar plus tôt que prévu et en avion, car ‘j’étais venue pour ça’ et parce qu’il pleuvait beaucoup à Madras au début de mon voyage, la deuxième c’est Bernard, un Monsieur qui enseigne les religions hindoues à l’université Cornell de New York, nous avons passé une très bonne soirée à Puri, et avons gardé contact depuis, et la troisième rencontre a été celle de Clint.
Depuis ma séparation d’avec Roy en juillet dernier, j’avais émis de sérieux doutes quant à ma possibilité d’être à nouveau séduite pas quelqu’un, je n’avais pas de perspective sur ma vie sentimentale et j’avais accepté de traverser cette période d’absence de sentiments en me concentrant plutôt sur mes projets personnels.

Clint a changé cela. Il m’a charmée, et j’ai senti à nouveau mon cœur battre. Et je lui suis tellement reconnaissante.

Je me disais qu’il m’avait peut-être oubliée, quand nous étions à Madras, il m’avait remerciée pour l’aide que je lui avait apportée, ça ne m’a pas coûté grand-chose lui avais-je répondu, en toute sincérité, ce à quoi il avait répondu que ce n’était pas ma vie.

Je ne suis pas d’accord, nous avions passé une semaine ensemble et même s’il était possible que ça s’arrête là, il était entré dans ma vie et j’étais entrée dans la sienne.

Après Hyderhabad, il envisageait d’aller dans la nature, près d’un cratère, loin de la ville.

Peut-être n’y avait il pas de connexion Internet là-bas ?

Je me disais aussi qu’il prendrait contact avec moi de retour à Paris, qu’il vivait son voyage pour le moment.

Je lui avais laissé mes tongs car ses fausses birkenstock étaient vraiment toutes usées. Les vraies, celles avec lesquelles il avait voyagé au début, on les lui avait volé, et il avait retrouvé cette pâle copie. Il m’avait dit qu’il me les rendrait ou m’en achèterait de nouvelles, je n’y tenais pas, elles étaient bien plus utiles à ses pieds que dans mon sac de voyage à attendre de fouler un autre sol plus tard. Mais cela signifiait qu’il prendrait contact avec moi.

Je lui ai envoyé de nouveau un mail sur facebook, où je lui disais mon besoin d’avoir de ses nouvelles. Je ne lui demandais pas seulement comment il allait, mais je lui demandais de me répondre.

Pas de réponse.
Le jeudi 1er mai, alors que je commençais à utiliser mon nouvel ordinateur portable chez moi, j’ai tapé le nom de Clint sur Google. Je croyais à la magie, et j’imaginais naïvement que Clint apparaîtrait et me ferait un signe.

Au lieu de cela, c’est un lien pointant vers le blog de Peter que j’ai lu, avec cette phrase terrible qui reste dans ma mémoire :

Clint Sezalory, Morgane's brother, died in a hospital in Varanasi, a city in northeastern India on Friday. We are all trying to cope with the sudden loss of ...


Défilement d’images, de paroles de souvenirs, entrecoupées par des pensées pour sa famille, sa maman, ses sœurs, ses amis.

J’ai pleuré, j’ai marché dans mon appartement, j’ai appelé des amis, l’un d’entre eux a répondu et nous nous sommes retrouvés.

Que lui est-il arrivé ?

J’ai très vite pensé à sa famille, en imaginant la peine et la douleur. Et l’incertitude.

Je me disais que le fait de ne pas savoir ce qu’il a vécu devait être une torture.

Moi même j’ai conçu des scenarii imaginaires, essayant de deviner, déduire ce qu’il a fait après son départ. Comment est-il arrivé à Varanasi, Pourquoi y est-il mort ? Et ne pas savoir est le pire.

J’ai rapidement pris la décision d’entrer en contact avec sa famille, par quel moyen, je ne savais pas exactement, mais j’avais l’intuition que je pourrai apporter peut-être un peu de soulagement en restituant les quelques jours que nous avons passés ensemble, comme un baume sur la blessure béante de sa disparition.

Mes amis m’ont appuyée.

J’ai appelé ma maman, et lui ai demandé « si ça m’étais arrivé, à moi, aurais-tu souhaité être contactée par des personnes qui m’aurait rencontrée ? Qui auraient pu donner des informations, aider ? »

J’ai commencé à écrire, pour parler de Clint, lui redonner vie un peu avec ses mots, le plus fidèlement possible, le plus sincèrement possible, avec la plus grande application, me rappeler de chaque instant que nous avons passé ensemble, nos paroles, nos décisions, et plus j’écrivais plus cela me semblait juste et bon. Cela me fait du bien, et j’espère que ce sera aussi le cas pour sa famille.

J’ai eu quelques échanges avec Peter, qui m’a mise en contact avec Morgane. Je vais l’appeler.


Durant toutes ces journées où j’ai pu passer du temps avec Clint, nous avons beaucoup parlé de nous mêmes et j’ai découvert un jeune homme sensible, confiant en la vie, curieux de lectures et de rencontres, heureux de voyager et d’être dans un espace où l’on apprend aussi beaucoup sur la nature humaine et la différence. J’ai vu un bel esprit, éduqué, intelligent, une personne qui a été aimée, et il trouvait un équilibre entre sa formation universitaire et ses goûts plus personnels pour la littérature, l’écriture, les témoignages d’expériences personnelles, la musique. Beaucoup de calme, de sérénité et de gentillesse émanaient de lui, je pense qu’il traitait les personnes à son égal, je n’ai pas vu de méprise dans ses yeux à aucun moment et plutôt de la patience et de la considération. J’aimais être en sa présence, même pendant nos silences.














SOUVENIRS DE CLINT DANS LE DESORDRE DE NOS CONVERSATIONS

Il regarde les infos le matin sur son ordinateur portable en buvant un café.

Il a vécu à Kinshasa.

Il n’écrit pas toutes ses pensées sur son carnet Moleskin car ne souhaite pas que ses pensées les plus personnelles soient lues, donc il les garde pour lui.

Il aime les jeunes femmes aux cheveux roux.

Je lui ai demandé s’il avait été un bad boy, et il m’a répondu avoir un petit casier judiciaire car il s’était fait piquer devant la Mairie, pas malin, à récupérer les menues monnaies des horodateurs.

Il a fait du skate, et d’autres sport mais rien de très régulier, ça lui a valu quelques bobos.
Il a voyagé avec une allemande mais ils ont fini par ne plus faire route ensemble, elle l’énervait, tout ce qu’elle disait à la fin l’énervait, quand je lui ai demandé de me donner des exemples, il a choisi celui des repas où elle demandait toujours de modifier les menus, les compositions des plats…
J’écrivais des cartes postales pour ma famille, je n’ai pas trop l’habitude de le faire, mais si l’on est dans un pays exotique comme l’Inde, c’est toujours agréable de recevoir une carte. J’avais pris toutes les mêmes, et ça nous amusait de penser à ça, mais de toute façon personne n’était censé s’en rendre compte, il a lu une de mes cartes pour se donner un peu d’inspiration dans cet exercice un peu monotone.
J’ai complété le dessin de la carte de l’Inde qu’il avait fait dans son Moleskin, pour chaque étape de son voyage, il indiquait par un trait continu les voyages réalisés en bus, par un trait continu mais régulièrement coupé de petites lignes, un trajet en train. Chaque ville, chaque lieu dans lequel il s’est arrêté est indiqué par un point qui ne doit pas être trop petit. J’ai aidé Clint à remplir la partie Mahabalipuram, Kanchipuram et Madras, et j’ai découvert un côté méticuleux chez lui, que je n’avais pas perçu avant.

Qu’est ce que tu fais le soir quand tu rentres ? Me demande t-il ? Je me prépare de bons petits plats, j’aime cuisiner pour moi et pour les autres et j’aime surtout le vendredi soir après un bonne semaine de travail, préparer un bon plat et boire un verre de bon vin rouge. Lui me dit qu’il n’a pas cuisiné depuis des mois, qu’il mange plutôt des plats préparés, un evie bien remplie, moi je trouve ça dingue.

A un autre moment, nous avons parlé de la pomme de terre, Clint aime la pomme de terre cuisinée sous toutes ses forme, je lui avais parlé d’une recette de pommes de terres au four mélangées avec des oignons grelots, du topinambour, des carottes, patates douces, sel et poivre, et verser au-dessous un mélange de miel et de thym, c’est très bon, et je voyais que ça le faisait saliver…j’aurais aimé pouvoir l’inviter chez moi et lui cuisiner ce plat à son retour.

Comment s’appelle ta mère ? Sylviane.

Je vis dans un grand studio dans le 11e arrondissement et il a fait le choix de vivre dans un deux pièces, c’est plus sympa d’avoir une chambre à part. et ça n’est pas délibéré mais il vit à côté de l’appartement de sa maman.

Il aime beaucoup Bob Dylan et le connaît très bien, il s’était fait une sélection spéciale avant de partir.

Il avait un vieux portefeuille tout craqué qui datait de l’époque où il faisait du skate.
Nous avons écouté et chanté ensemble Happy Christmas de J. Lennon, et pour la première fois, j’ai entendu à quel point Lennon souhaite aux gens d’être heureux dans cette chanson, peut-être parce que moi, j’étais heureuse de la chanter avec Clint.

Sa maman portait des jeans très serrés quand elle était plus jeune au point de devoir s’allonger pour pouvoir le fermer, c’était la mode des jeans près du corps.
Il a fini des études de finance et a fait un stage qui l’a intéressé, à la fin, on lui a proposé de rester mais il souhaitait faire ce voyage, alors il a bien vendu la boîte à un ami, et il a bien vendu l’ami à la boîte. Il n’avait pas de doute ou d’inquiétude sur le fait qu’il trouverait un emploi en rentrant, il était serein à ce sujet.

Il a passé une année aux USA en première ou terminale et a connu plusieurs familles dont une particulièrement accueillante. La première n’était pas recommandable, il y avait un panneau à l’entrée du village avec une citation de Hitler, il a changé, et celle où il est resté, il y a passé de bons moments. Il aidait la mère aux taches ménagères, et c’est son éducation qui le poussait à aider. Je lui ai demandé s’il était toujours en contact avec cette famille, et il m’a avoué qu’il n’est pas très fort pour donner des nouvelles même s’il pense aux gens.
Ce jour où nous étions dans les studios de cinéma, un jeune homme dont nous avions du mal à deviner l’âge voulait être ami avec Clint, il le regardait, et ne voyait que lui, c’était amusant, parce que nous imaginions qu’il était gay, et puis à un moment il nous a parlé de sa femme et de son enfant, on était surpris, et on avait presque du mal à le croire, c’est naïf, mais c’est vraiment indien, combien d’hommes en Inde se tiennent pas la main, et restent assis ensemble l’un ayant le t^te sur les épaules de l’autre…. Il s’intéressait aussi beaucoup à mon iPod et voulais me l’acheter, je lui ai dit le prix qu’il m’avait coûté et il volait me l’acheter, mais nous n’arrivions pas à lui faire comprendre qu’il pouvait l’acheter directement en Inde.
Il a deus sœurs, Morgane et Emmanuelle.
Il a offert une lampe frontale à l’ami d’une de ses sœurs, mais avant de me raconter la petite histoire, il m’a demandé d’estimer le prix de cette lampe frontale qu’il avait, et de deviner où elle avait été produite. Elle valait donc bien plus que les 2 euros que j’avais misés.
Il avait prêté des CD de David Bowie à un ami de d’une de ses sœurs et ne les a jamais récuperés.
Il aime lire, il est discret et écoute plutôt qu il ne parle.

Il bronze très facilement et vite, un été il ait le pari avec un ami de bronzer autant que possible, ils se mettaient de la graisse à traire pour accélérer le bronzage et il est rentré noir.

Il est allé à New York et moi je vais y aller.

Il a pris le transsibérien pour aller jusqu’en Chine et avait eu quelques galères pour rentrer en France je crois, ou bien il n’avait pas non plus pris de billet retour, pensant pouvoir en prendre un sur place mais finalement ça lui avait coûté bien plus cher que prévu.

On a parlé de tatouages, moi, je n’aime pas ça

Il est venu en Inde sans prendre de billet retour, et il se demandait s’il préviendrait sa famille de son retour ou s’il ferait la surprise de rentrer un soir.
Il avait l’habitude de jouer au poker le jeudi soir avec ses amis.

Nous avons parlé de cinéma, et je lui ai raconté ce film éprouvant que j’ai vu cet hiver, Le choix de Sophie, je lui ai donné envie de le regarder et il avait aussi l’intention de voir Les ailes du désir, je crois que c’est mon film préféré.

On écoutait de la musique avec mon Ipod et son lecteur mp3, Bob Dylan, Pink Floyd, Lou Reed, je lui ai fait écouter Paco de Lucia, une chanson de S Wonder que j’aime beaucoup, nous avons écouté la Callas, il nous aurait fallu aussi avoir D Bowie, on voulait écouter Ziggy Stardust, life on Mars.

On s’est aussi bien marré à jouer au quiz test, music test et video test sur mon Ipod, on ratait presque tous les coups.

Il me disait que quand il rentrerait, il mangerait une bonne salade de tomate mozzarella, avec une bonne vinaigrette au vinaigre balsamique.

Il avait de la corne sous les pieds au niveau des talons, et devant mon étonnement, il m’a dit souhaiter en avoir sur la totalité des pieds, il aurait pu marcher pieds nus, j’ai compris, parce que j’ai aussi l’habitude de quitter mes chaussures dès que possible.

Je lui ai raconté comment et pourquoi j’ai cette cicatrice sur le ventre, et la liste des autres cicatrice et petites blessures d’enfance.

Une fois, il a eu une copine qui avait une verrue sur le pied et n’avait pas particulièrement l’intention de l’enlever, et ça l’a dégoûté.

Il voyageait en chemise, je trouvais ça très classe… Clint était élégant.

Il a fait sa Bar mitsva, sans vraiment croire en D. et était surpris que je sache lire l’hébreu.
Il avait acheté de jolis petits sacs pour ses sœurs et cherchait quelque chose pour sa maman, mais il voulait être sur de son choix, il pensait que quelque breloque indienne ne lui aurait pas vraiment plu et pas convenu à sa féminité.
Il trouvait que la traduction en français du refrain ‘The partisan’ de L Cohen n’est pas très bonne.

J’aimais bien ses lunettes de soleil, qu’il avait adaptées à sa vue.

On regardait les intouchables et je lui faisait la remarque que nous nous avons la grande chance de pouvoir faire des projets pour l’avenir en occident, que nous avons le luxe de regarder notre futur, alors que certains se lèvent le matin et ne savent pas comment ils vont finir la journée, leur vie est une succession de journées sans espoir, la fatalité est un élément prépondérant dans la vie des hindous, et l’acceptation du sort leur permet sûrement justement de trouver la force de combattre jour après jour.

Au delà de ça, je ne vois pas de différence entre eux et nous, nous sommes des êtres sensibles, heureux ou malheureux, nous aimons et dans ce sens, nous sommes égaux.
Je suis heureuse d’avoir rencontré Clint.

Morgane





Bénares, sacré, mythique où tu as purifié ton âme. Je pense à toi petit homme, aventurier au fabuleux destin, Ulysse des temps modernes, il faut qu'à ton insu, notre esprit se souvienne, des passions de toutes tes vies antérieures, des kaléidoscopes de bonheur que tu as su donner à chacun de nous.
Gardons en mémoire ton sourire, ton regard, ton éternelle jeunesse et ton coeur.
Shiva t'a volé aux tiens l'espace d'un instant. Nous te garderons pour l'éternité dans nos âmes, dans le secret de nos jardins.
tu seras là où on ne t'attend pas.

flux et reflux de la vie, oublier l'ineffable pour renaître, ouvrir et faire rentrer un souffle nouveau, saisir l'inconnaissable, éclaire nous de ta vie.





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De Peter 



A tragedy has struck. Clint Sezalory, Morgane's brother, died in a hospital in Varanasi, a city in northeastern India on Friday. We are all trying to cope with the sudden loss of such a unique person. There are countless emotions that accompany the passing of a loved one, emotions I could never dream of being able to properly convey. What has made this particular passing evermore difficult is the thought that it has occurred so far from home and so far from family. Though it is not something I can accomplish with mere words, what follows below is an attempt to assuage not only my own grief but to offer a bit of relief to those who loved him dearest.

Varanasi is one of the oldest continuously inhabited cities in the world and famous the world over for it's religious significance for Hindus. It is on the banks of the Ganges that the believers go to wash away their sins. As one of the most important pilgrimages a Hindu can make, it is believed to be auspicious to die in Varanasi. Your soul is granted a release from its transmigrations.

Clint was a born adventurer. Though he passed just over a week after his 25th birthday, he had already seen more of the world than the billions who out of fear, poverty, or ignorance are too unfortunate to have that chance. He lived in Africa as a child, he had traversed two continents by rail (Paris to Peking), he had explored the wonders of Big Bend in Texas, and was almost finished with his three month exploration of the sub-continent when he fell ill. He was never afraid of the unknown; he knew no personal limits.

Clint's favorite comic book character was the infamous Tintin, a boy who embarks on journeys throughout the world. He keeps a figurine of Tintin on his desk, one that I have seen every day I have been here in Paris without a second thought. At some point soon after his passing I realized that that statue represents Clint to me and it will always be how I remember him—confidently stepping forward with his eyes on the horizon, ready to greet what's around the bend.


"Somewhere out across the Great Divide
Where the sky is wide and the clouds are few
A man can see his way clear to the light
Just hold on tight, that's all you got to do"


D' Isabelle Raynal ( la maman de Jean-Charles)

Que dire à des parents à des soeurs amputés de leur amour ... que dire à tous ces enfants , ces chers enfants qui pleuraient comme des veaux leur ami; celui de tous , celui de chacun?
La nouvelle m'a troué la cervelle et j'ai senti si perceptiblement dans les larmes de Jean Charles l'indicible perte d'un bout de sa vie , le lien de l' enfance , l'innocence de croire que çà ne s'arrêtera jamais. J'ai pensé à la soeur de Valentin, à ses parents, aux enfants de mes écoles partis trop tôt.
Ce jour là, un bout de son âme s'est enfuie suspendue par un fil à la pensée de Clint.... Clint, le frère des premières fois, le complice des dernières aussi , le pote qui manque, le témoin, le partenaire, l'adversaire , le leader mystérieux, le charmeur, le beau fayot si nécessaire faut bien le dire , celui auquel on succombe toujours parce - que derrière ce sourire malicieux brille une intelligence remarquable et une gentillesse sans égale.
Un beau mec somme toute, chicos qui plus est ... j'en garde évidemment un souvenir attendri et charmé... mais je vois encore dans les yeux de tous ses potes , entretenu bien au chaud , confié à tous ces mômes devenus des hommes , son esprit qui jaillit souvent dans les rires dans les blagues dans les chagrins qu'on ne montre pas aux mères.

Avec toute ma tendresse mon amitié et ma compassion

Isabelle Raynal la Mama, de Jean Charles

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