vendredi 10 avril 2009

Eclaire nous de ta vie

.

Je suis simplement passé dans la pièce à côté.
Ce que j’étais pour vous, je le suis toujours.
Donnez-moi le nom que vous m’avez toujours donné.
Parlez-moi comme vous l’avez toujours fait.
N’employez pas un ton différent.
Ne prenez pas un air solennel ou triste, Continuez à rire de ce qui nous faisait rire ensemble.
Priez, souriez, pensez à moi.
Priez pour moi.
Que mon nom soit prononcé à la maison comme il l’a toujours été.
Sans emphase d’aucune sorte, sans une trace d’ombre.
La vie signifie tout ce qu’elle a toujours été.
Le fil n’est pas coupé.
Pourquoi serais-je hors de vos pensées Simplement parce que je suis hors de votre vue ?
Je ne suis pas loin, juste de l’autre côté du chemin.
Vous voyez : tout va bien !


Nous vous invitons à partager vos mots & pensées liés à Clint : souvenirs, impressions, idées, débats , correspondances, photos et histoires drôles .
Tout ce que nous pouvons collecter ensemble et qui réchauffe le coeur car à présent nous sommes sa mémoire vivante . merci
msezalory@gmail.com

De Papa

Bonjour Clint,

Ton dernier sourire pour moi était le 10 janvier, la veille de ton départ, après une bonne pizza. Tu courais partout, il restait mille choses à faire.

Journal de Clint

« 11/01/08 At last, le voyage commence…. Première étape : Barhein …. Nice airport mais drôlement cher (2200BD pr un menu genre Big Mac -> 7 €).
Il est 21 h, et j’ai déjà fait le tour de tout ce qu’il y a à voir ici. Le vol pour Delhi décolle à 23h15 (long way to go).
En ts cas, Gulf air est à la hauteur de sa réputa° : écrans individuels avec nombreux programmes (j’ai regardé ToX avec Kurt Purssel et l’autre qui joue dans American Psycho). food sympas, hotesses agréables. Par contre, que dire de mon voisin, un pakistanais qui a dormi 3 h et m’a donc empêché d’aller p …. G u des envies de meurtres.
Malheureusement, étant arrivé de nuit, je n’ai pu voir grand-chose de Barhein, à part quelques gratte ciel ;
Une chose est clair, les indiens st curieux et viennent vous parler : déjà 3 acostages avec des gars à l’accent terrible.
J’ai finalement pris un traitement contre le paludisme (malarone : 1 comprimé/jour)…. C maman qui l’a payé (env. 40 € pour 12 compri) : il est 4 h00, heure de Delhi, donc seulement 10h30 à Paris. Petit repas indien avec vin français. Suis à côté d’un Sikh (turban et tt …), il est super cool, mais impossible de se comprendre.
L’Inde approche : y a des signes qui ne trompe pas ! du genre mon voisin qui rote tranquil sans que personne ne soit choqué.
Bon arrivée ds moins d’une heure ».



Depuis ton départ, j’aime l’Inde. Non que ce pays m’était étranger ou indifférent avant que tu n’y voyages, mais il m’était inconnu. Comme chacun, Agra m’émerveillait, Calcutta me rappelait mère Thérésa, ou Lapierre/Collins, Delhi évoquait Gandhi, et puis il y avait les tigres du Bengale, le kornak sur son éléphant, les thés de Ceylan, les pentes de l’Himalaya, les charmeurs de serpents, ton cousin Jérôme la parcourant sur le dur il y a 15 ans, racontant la propreté des Indous, au pied des trains en pleine campagne le matin, les mystères du 3ème œil, la ferveur des ablutions au bord du Gange. Tout cela était loin, mêlé à tant d’autres vues de milliers d’endroits vus à la télé, dans des livres ou parcourus ensemble.

Maintenant, je découvre et visite ces curiosités que tu es allé voir. Je me mets dans tes pas, ou suis la narration d’autres voyageurs, ou bien je lis les histoires d’illustres amis de l’Inde. J’avoue ne pas tout comprendre. Il y a toujours une force mystique. Ils décrivent des hommes et des monuments d’un autre monde, et souvent aussi d’un autre âge. C’est très loin de notre réflexion usuelle, baignée de confort et de certitudes.

L’Inde t’a pris et ne t’a pas rendu. Il me semble que tu y avais rencontré de la sérénité, et beaucoup d’amour. Tu y as été heureux, accomplissant chacun de tes jours sur cette terre d’humanité, de grandeurs, de liens avec l’ancestral et l’imaginaire. Accablé de calamités, un peuple offrant néanmoins son sourire éclatant, miroir d’une âme ouverte et gaie. Un monde tellement éloigné du nôtre, mais plus pour longtemps. Au fond, c’était le moment d’y aller, il sera bientôt trop tard. Tu n’as donc pas rapporté ton témoignage, tes souvenirs de vies aperçues ou rencontrées, tu n’auras pas amusé nos oreilles de ces anecdotes de voyages que quelques photos nous laissent deviner. Nous devons nous-mêmes leur donner une légende. L’Inde laisse à mon esprit l’empreinte forte de ses magies, mais aussi par malheur, ses maléfices. C’est cela qu’elle montre à Bénarès au bord du fleuve sacré, là où tu as choisi, en pleine beauté, dans ta meilleure jeunesse d’aller rejoindre pour toujours l’Elysée.

Si Dieu te renvoyait vers nous, je te dirais Bonjour et Bienvenue Clint, comme il y a 26ans.

Celà fait 11 mois bientôt que ta route est montée au ciel. Chaque jour, cent fois, tu te mêles à mes pensées. Comment aurais-je pu imaginer que tu me manquerais tant. Aussi, je vais t’écrire pour rester très près de toi. Je fais le vœu que tu recevras quelques mots.

Avant, la vie courrait, chacun sur notre chemin, trop rarement partagé. Au fil des années, nous retrouvions le contact entre père et fils qui se comprennent sans nous voir ni parler beaucoup. Après l’âge de pensées vagabondes, probablement parce que tes yeux s’ouvraient grands, tu avais trouvé une filière pour ta vie. Ton stage chez Elis t’a plu, et tu t’en amusais aussi, trop simple pour un jeune homme éveillé et déjà mûr.
Je ne sais pas trop comment tu as passé ces années depuis ton retour des Etats-Unis. Je crois qu’elles furent studieuses, sages, sportives, mais aussi actives entre tes nombreux amis, et la famille, chacun te demandant un peu de l’amitié ou de l’affection que tu donnais à tous.


Journal de Clint

« 13/01/08 Les loups

1h22 : bilan de cette première journée ? Super.
……
Arrivée sur Delhi sans problèmes. Mais par contre, le chauffeur a vite annoncé la couleur niveau conduite : clignotants inutiles, conduite à base de cris et de klaxon. J’en viens donc à une conclusion : on va éviter la moto.
….. Finalement, me retrouve à la mosquée Jama Masjid, plus grande d’Inde…. Very impressive. Là, sur qui je tombe ? Alicia, une américaine rencontrée à l’aéroport.
…. Puis à 10h15, Alicia est parti pr prendre son bus pr Jodpur en me laissant un livre, the Namesake. Une rencontre très plaisante : j’ai now un plan au Caire et à DC….. »

« 14/01/08 Smart loups.

Il a fallu batailler pr que le rickshaw utilise son compteur 38 r depuis la gare, on est loin des 150 annoncés….
Arrivé à Connaught, me fait attrapé par un « mettoyeur d’oreilles »… sacré truc, on aurait pu faire une bougie avec ce qui est sorti de mes oreilles, vraiment incroyable : j’entends beaucoup mieux maintenant….
Voila voilou, ce matin ai achété mon billet pour Agra après avoir déjouer les plans de nombreux indiens voulant m’emener vers des arnaques… train à 10h20 demain. Ah en fait, éléphants (vu 3) et singes st bien au rdv à Delhi…
18h30, je suis maintenant à Khari baloi.
Une ambiance folle reigne ici, des personnes portant des épices courrent dans tous les sens, des charettes chargées à block, des vaches vagabondant, et tout ça au milieu des cris, klaxons et autres bruits.
Khari baloi est les marché aux épices, cacahouettes, fruits secs, …les odeurs sont partout, c un regal de renifler un bon coup net de s’imprégner des odeurs.
Je me suis arrêté dans un café où, pr une fois, on essaie pas de m’ arnaquer, le thé (5 r) et le pain épicé (10r) y st exquis ».

«15/01/08 Uttar Pradesh Premier train ….La vue

11h48 pm : Me voici dans la ville qui fait la fierté de tt un pays : Agra, ville du Taj Mahal.
Me suis réveillé ce matin avec une douleur aux talons ; Douleur que ne sens qu’en marchant. Hopefully, ca partira demain.
J’ai donc pris le train ce matin à 10h20 (120 r). Celui-ci n’est parti qu’à 11h…. 4h plus tard, me voici à Agra Cant. Direc° Shanti Lodge, renommé pour sa vue sur le Taj Mahal.
En effet, la vue est à la hauteur de sa reputa°, le restaurant de l’hotel est donc royal., c’est de là que j’ai pu poser la premiere fois sur ce monument/mosolé du 17è, construit pr l amour d’une femme : magique, feerique, fantastique, quel sentiment !
Vers 17h, suis allé me ballader et suis tombé sur deux ricaines à une ATM qui m’ont invitées à aller dîner avec elles : Heather 27 ans qui travaille dans les Rh et Erine 27 ans pédiatre. On a pas pu résister d’aller dinner à Shanti ….. malheureusemt le Taj n’est pas éclarairé la nuit. Ct une rencontre plutôt cool.

Le train ? Niveau disposition ? ^c le transsibérien à ceci près qu’il y a 3 étages.
- niveau confort ? plutôt vétuste …. Sleeper class. Polula° ? ts les touristes (4 japs et 1 germ) ont été placé ds le ^m coach
- vitesse ? env 200 km = 4h …. Le train doit s’arrêter pr laisser passer les express ….
- fun ? +++ portes ouvertes so I can smoke, vendeurs en ts genres passent ttes les 5 min et vendent pas cher (tchai : 5 r), indiens curieux. Une vieille est passée pr nous mettre un point ouge sur le front (…. Rien n’est gratuit).
Bref, bon présage pr la suite.
Demain Taj Mahal : 750 r pr touristes/20 pr indien ».


« 16/01/08 Uttar Pradesh Taj Mahal

8h05 me suis réveillé à 7h pr pouvoir admirer le lever du soleil sur le Taj depuis la térasse de Shanti …. Suppose to see les couleurs varier du doré au rose, rouge puis bleu …. Je dois avoir un blème avec mes yeux…
Ma douleur a presque disparu mais pas sur le pied gauche qui ne l’oublions pas a souffert après notre trip à Deauville (chutte à vélo alors qu’Antoine me tractait en scooter avec JC, Ronan, Val, Antoine, Rouland, Steph, Camille, Virginie et Christelle (à noter que tout le monde a perdu).
17h13 bian c vraiment le bordel là ; il se trouve que today est une fête musulmane (laquelle ?) et que du coup, les hauts parleurs donnent tout … j’ai du mal à m’entendre penser.
Tjrs est il qu’aujourd’hui, j’ai fait le Taj et le red fort …. Les deux valent le coup (^m si 750 r c un peu abusé ….. à ce prix bouteille d’eau et couvres chaussures sont inclus …. Au Taj des koréennes ont tenu à prendre des photos avec moi … ???
Entre elles et les rickshaws qui me disent que je ressemble à une movie star je vais vraiment finir par me la jouer.
Un loup a aussi joué un rôle aujjourd’hui : 3 boutiques, 2 h perdues mais qd ^m un endroit sympa pr boire une bière.
J’ai pas le sentiment d’avoir fait grand-chose aujourd’hui, malgré le Taj, Red fort, Bazaar et une mosquée au milieu du Bazaar. Cela dit j’ai qd ^m conduit un rickshaw (dire que je l’ai payé !) Un peu le monde à l’envers ; ts les locaux riaient à notre vue et le chauffeur se prenait (je cite) « I ‘m maharadjah ».
24h12 : qlques minutes après ces lignes Christine a fait son appari° …. Je l’avias rencontrée à Anoop alors qu’on surfait sur la toile.
Elle et son ami se st séparés car ne se supportant plus. On a dc diner ensemble et demain nous partons pr Fahepur Sikri, une ville à 1h d’ici par bus… selon elle le bus c’est pas de la tarte.
Que dire sur elle ? 30 ans, grande (1,80), yeux verts, chatian, souriante ….pas male dans l’ensemble. Ca fait déjà + de 2 mois qu’elle est en Inde, (arrivée le 28 oct).
Elle n’a pas de job fix et needed to travel pr se changer les idées.
Au moment où j’écris, la fête musulmane bat toujours son plein. Vive Elis pour les earplugs.
Les jeunes enfants simulent des combats à base de sabre, baton et autres et font du baton enflamé. Pdt ce temps, d’autres tapent sur des tam tam et d’autres crient ds un micro. Christine m’a appris qu’on célèbre la mort d’Hussein…. A base d’Allah Hakbah.
Bon v me laver et dodo ».

Là est collée une belle carte de visite du Shanti Lodge



Tes amis t’aiment, je les ai vus l’autre jour, heureux de se réunir dans leurs souvenirs de toi.
Tu ne voulais pas les quitter, j’avais peiné à le comprendre lorsqu’il avait été question de prendre un appartement pour toi à Paris 15è, où tu ne te voyais pas vivre, « loin » (à ¾ d’heure de RATP) de tes amis justement. Pas du tout loin comme en Inde.

Pendant ton séjour là bas, je ne m’inquiétais pas, car outre le goût du voyage sur le dur, que tu as hérité de moi, j’avais confiance dans ta prudence, et puis mon Dieu, ce n’est pas une jungle dangereuse. Pourtant, quelques fois je me suis dit que j’aurais préféré recevoir plus de signes que tout allait bien. Sans m’inquiéter, une voix devait m’alerter, mais je ne l’ai pas comprise.
Ta mère et ta sœur, avec qui tu étais souvent et jusqu’aux derniers jours en liaison, n’ont pas elles mêmes perçu que tu avais besoin d’une aide que tu n’as pas voulu appeler.

Evidemment, comment aurais-tu pu deviner la fin de ton voyage ? Et puis, élevé dans une certaine rudesse, tu ne voulais pas te plaindre, ce dont ni ta mère ni moi n’étions pleinement conscients. Tu nous as envoyé plusieurs signes de ton départ. A l’heure où tu partais, le noble Moïse guidait les hommes d’entre leurs démons, de leur servage à la dure liberté sur le sol élu. Le lendemain, peu avant le terrible appel, une giboulée me fit rebrousser chemin, puis j’ai traversé des bourrasques dangereuses. J’étais soulagé d’arriver à mon bureau, vers 17h15. Mais à 17h45, la gendarmerie appelait ….

Pourquoi nous as-tu quitté de Varanasi, où les hindous viennent mourir pour interrompre le cycle de la renaissance éternelle et trouver enfin le repos. Toi, tu n’es pas un hindou. Tu n’avais aucune raison de partir. Il y avait tant de choses à faire pour ta vie ici près de nous ou ailleurs. Quel appel as-tu reçu qui soit plus fort que l’amour de ta mère, de tes sœurs, de tes familles et amis ? Tant ont besoin de toi. Tant se sentent moins fort pour vivre maintenant.
Ton départ était incompréhensible, je ne le comprends toujours pas et j’espère toujours ….

J’ai pleuré doucement, puis il m’a fallu appeler ta soeur Morgane, à qui j’ai demandé que ta mère m’appelle d’où qu’elle soit. Ta mère m’a rejoint, nous avons pleuré notre bel enfant. La soirée ne fut qu’une succession de pleurs, de chagrin partagé, dans un cercle sans cesse élargi.

Nous sommes partis le lendemain te rejoindre. Je me rappelle très précisément notre arrivée à l’aéroport de Varanasi, puis le trajet exotique et émouvant vers l’hôtel.
Je me rappelle très précisément le trajet de l’hôtel à l’hôpital où tu reposais. Très précisément aussi qu’il fallut revenir le lendemain matin pour te voir. Notre passage dans ton hôtel, au bord du Gange. Le silence et la sérénité du soir, sur la rive sacrée.
Quelle vie, dans un grouillement d’hommes, d’animaux, de pousses pousses, de camions, moteurs fumants ; mouvement incessant et immense.

Je t’ai vu enfin, beau, serein, les yeux grands ouverts, pour toujours cette fois. C’était notre dernière rencontre. Quelques jours après, tu es rentré ; la famille et de nombreux amis t’ont accompagné où tu reposes depuis. Ce n’est pas loin, nous te visitons souvent. Chaque fois, je pense que c’est toi qui devrait poser les cailloux, allumer les bougies, fleurir, lire la prière ou un texte pour prier. Demain 01 mars, j’irai te voir, à la suite de ta mère et de ta sœur. Après le beau temps d’aujourd’hui, tu frissonneras à nouveau, à la bise humide de mars. Je t’embrasse mon enfant.

Comment vivons nous depuis ton départ ?

Chaque jour tu nous accompagnes. Chaque jour, nous te demandons de veiller sur nous : tes sœurs, ta mère et tous ceux qui t’ont aimé, et que tu aimais. Quand même, tu avais presque achevé le tour de l’Inde, comment et pourquoi t‘es tu arrêté à Varanasi. Tu étais bien trop jeune pour y fermer les yeux, il fallait laisser cela aux plus vieux, comme moi, qui ont déjà assez vu de monde, qui savent bien que la vie est une farce. Toi tu devais faire beaucoup pour nous. Par exemple, nous attendions sans impatience –tu avais bien le temps- un nouveau Clint, pour que ta vie continue, pour que nous continuions de voir notre enfant, ou son enfant, pour nous qui restons, pour moi qui ne te voyais pas assez et qui ne te verra plus avant ? C’est une réflexion très égoïste pour ce petit bonhomme à qui tu aurais manqué, mais que nous serrerions comme nous te serrions, avec douceur et fierté. Que j’aurais sûrement poursuivi pour un bisou, comme je t’ai parfois poursuivi pour tes farces.

Te rappelles tu ton inimitable descente de vélo. Dressé sur la pédale, une jambe passait le cadre et tu atterrissais gracieusement, encore en course. Te rappelles tu nos baignades, tes petits pieds sur mes épaules ? Nos plongeons dans la vague roulante et brutale d’Anglet, nos parties de catamaran, les dessalages. Te rappelles tu quand nous dormions dans la même chambre, toi en Suisse, moi en France, dans cet hôtel juché sur la frontière ? Nos escapades, avec l’une ou l’autre de tes sœurs, rarement les deux, en camping pas sauvage mais presque. Nous avions la chance de vivre ensemble beaucoup de bons moments. Tu n’avais pas peur, tu voulais me montrer ton courage, et moi, fataliste, je te laissais faire. Ainsi lorsque nous nous sommes engagés vers le saut à l’élastique, seule l’organisation du site a pu me dispenser d’une épreuve que je n’aurais pas bien affrontée je crois.

Quelle image as-tu emporté de ton père ? Ai-je assez pris soin de toi. Ai-je bien saisi comme tu avais changé, entre le petit garçon rieur, toujours joueur que tu étais, et cet adolescent sérieux et gauche qui me contredisait avec conviction, mais avec ce réalisme hérité de ta mère que je ne comprenais pas. Tu avais trouvé ces dernières années un équilibre riche, multiple, entre de nombreuses activités et de nombreux amis. Tu plaisais aussi beaucoup aux jeunes filles, mais tu le vivais secrètement, avec cette discrétion et cette élégance non revendiquée qui étaient l’essence même de ton être.

Morgane m’écrivait hier que tu voyages en 1ère classe dans son cœur. J’en suis heureux mon enfant, ta sœur a une âme riche. Votre compagnonnage ne faisait que recommencer, après un mystérieux interlude d'1 an de combats inutiles et de silences obstinés –autre héritage de ta lignée maternelle- C’est grand dommage que tu ne sois pas resté près d’elle pour le développement de son affaire. Qui sait quelle réussite vous auriez atteinte.

Une autre Morgane, Morgane-sh, t’a accompagné pendant 10 de tes derniers jours, entre Chennai et Hyderabad. Nous l’avons vue forte, très juste, souriante et jolie. Elle t’a donné beaucoup, elle a vu ta belle âme pendant vos jours ensemble. Elle s’inquiétait de te voir amoindri par la fièvre. Elle n’aurait jamais imaginé, malgré son appréhension, te voir continuer seul et affaibli un voyage devenu inconfortable, dont la station fatale était si proche. Elle ne t’aurait jamais laissé partir. Morgane-sh raconte avec beaucoup de précision et de délicatesse la qualité de votre rencontre, de votre trop brève amitié, en forme de journal, dans ton blog. J’étais très ému. Ton départ a pour jamais mis fin à une belle histoire, dont nous n’aurions sans doute rien su.

Quel intrépide tu étais ! Au ski, ta 1ère expérience fut une magistrale arrivée tête la 1ère dans un bar de bord de piste. Après quelques longueurs réussies au pied de notre immeuble, tu étais prêt à plus grandiose, et c’est ainsi que, ne sachant pas tourner, tu t’élançais vers une super gamelle au milieu des tables. Ce fut le début de notre carrière au ski, à Val Thorens. Suivirent La Plagne, L’Alpes Duez, les Houches-Chamonix, Super Dévoluy, Super Besse, La Moura, Metabief, Les Rousses, finale aux Saisies en 98. J’en ai probablement oublié. Combien de fois ai-je eu peur de t’avoir perdu. Tu descendais sur tes skis, ta souplesse d’enfant te collant à la piste. Entre deux chutes, j’essayais de suivre. Quelques fois, j’étais rudement soulagé de te retrouver au pied des pistes. A La Plagne, la piste traversait une route par une étroite bande de neige. Voulant me dépasser, tu t’en étais imprudemment écarté, plaquant tes skis sur l’asphalte. Ainsi se clôtura le cycle de tes gamelles de débutant.

Jusqu’à tes 13 ans, j’étais de la plupart de tes activités. Beaucoup de souvenirs, mais pas assez de photos. Il faut que je les trie à nouveau pour redonner vie à ces jours heureux. Aux joies des blanches glissades d’hiver succédaient les plaisirs de l’été. Baignades, bateau gonflé, voile, promenades à vélo, jeux, pique niques, canyoning, rafting, départs et retours de la colonie d’Houlgate. Nous partagions naturellement le goût de l’aventure et de la découverte.
Dans quelle régions n’allions nous pas : Bourgogne, Auvergne, Provence, Aquitaine, Bretagne, Vendée. Puis l’Angleterre, l’Irlande. Plus tard, tu irais beaucoup plus loin, et plus longtemps. Quels souvenirs gardais-tu de ces années, à Kinshasa, en France, aux USA, en Asie. Tes yeux se sont grands ouverts dès ta naissance et ne se sont jamais refermés, jusqu’à ce regard sans vie mais curieux à Varanasi.

Dis moi Clint, quand reviendras tu dans mon rêve. Je t’attends depuis 14 mois, depuis ton départ en janvier. Tes soeurs te voient parfois. Elles m’ont dit que tu étais sage et bien dans ta nouvelle vie. Elles t’ont vu à une grande table, au milieu d’autres voyageurs, les appelant et rassurant. Une amie m’a dit que te voir sera un éblouissement, que cela se produit après de nombreux mois, mais se renouvelle ensuite. J’espère le vivre avant de te rejoindre à cette table. J’espère mon enfant pouvoir témoigner que tu es bien, qu’aucune autre injustice ne t’est faite, et que tu peux bien protéger tes sœurs et ta mère.

Ta mère est courageuse. Seule maintenant que vous êtes tous partis, Emmanuelle à Londres depuis 3 ans, Dieu sait où après, et Morgane, dont la route est encore incertaine, mais en dehors du nid.

De mon côté, je m’occupe.


Journal de Clint

« 02/03/08 Goa

11h30 : me suis réveillé ce matin, j’ai terminé l’ile au trésor puis mon pti tej, fumé un joint
(j’ai pécho du hash hier pr 400r) et me voici trankil, avec pour activité plage !
Les plages sont superbes ici, très peu fréquentées ; les shaks se fondent ds la végétation de bord de mer. Hier, je suis allé à Querin Beach, à qlq 4 kms d’ici ….presque personne, plage déserte, qlq chaises longues. Sur le chemin, des palmiers tout le long des sentiers étroits qui parcourent ces collines. Je suis allé aussi dans la jungle : lianes, humidité, filets d’eau aux fonds du lit de la rivière…. Mais aussi ces gars peace and love qui y ont établi leur squat ».



Aujourd’hui, je regardais une photo prise en Inde. Tu manges du riz servi dans une feuille de bananier. Que tu étais beau, heureux et fier sur cette photo, probablement au Kerala, à Goa ?
On voit bien la situation : tu fais ce que tu aimes, tu te sens bien, la vie est devant toi, sans ennui, sans entrave, tu regardes doucement, sans précipitation d’autres vies à venir.
C’est le calme, un bonheur vécu tranquillement, avec Tamar, qui rendent ce sentiment de plénitude qu’exprime ton beau visage. Tant d’autres photos prises pendant ton voyage te montrent détendu et heureux, seul, ou avec des hindous, ou avec de jolies rencontres au hasard de la route. Ton bonheur et ta beauté nous manqueront toujours. C’était les nôtres, nous les éprouvions au travers de toi, c’est terriblement injuste de nous les retirer, mais c’est le choix de « tout puissant masembé » comme disent les africains. Pourquoi en Inde, pourquoi si loin de nous, pourquoi au sommet de ta jeunesse, pourquoi à l’éclosion des promesses de ta vie. Nous ne le comprendrons jamais. Nous devons vivre dans le souvenir de ces superbes vues de ton épanouissement. Nous devons accepter l’idée que ton séjour au milieu de nous a été une grâce de 25 ans. Un cadeau merveilleux, remuant, joyeux, sautant, riant pendant 25 ans. Faisant rire aussi. Nous devons accepter l’idée que nous avons eu le meilleur de ta vie, tes découvertes, tes contestations, ton arrivée vers la maturité, tes aventures avec nous, puis avec copains et copines. Tout cela était ta vie, mais c’était aussi la nôtre que tu égayais.

Et cette autre photo, en train. Il y a 2 mystères. D’abord, ce rayon de soleil n’éclairant que ton front, comme si il était dirigé vers ta pensée, vers ton être essentiel. Qui l’envoie ?
Ensuite, ce sourire bienveillant, léger, énigmatique, exprimant une attention affectueuse. Quelle idée, ou quelle belle compagne, a-t-elle inspiré ce regard merveilleux ? Cette photo m’est très chère. Elle illumine ma vue, près de mon bureau, très près de moi. Elle m’est précieuse. Elle montre le meilleur de mon enfant. Du bonheur.

Et encore, la Révolution. Te voilà dans un superbe costume de sans culotte, blanc rayé, grande ceinture de tissu, chapeau mou noir à large bord. C’était un évènement : en juin 1989, nous passions nos dernières semaines à Kinshasa ; notre vie allait bientôt changer. Tu te dressais dans ton bel habit révolutionnaire au milieu de tes sœurs, elle mêmes déguisées, tous trois prêts à danser la carmagnole. Les yeux droits, grands ouverts, fiers. Un petit homme libre. Dans ces semaines là, ta mère ne manquait pas d’occupation : après le retour d’Afsud, il fallait préparer le déménagement, donner congé à notre personnel, prendre soin de lui pour la dernière fois. Innocent m’emmenait dans sa lointaine cité me montrer sa nouvelle maison, dans un quartier Bandundu. Aidais-tu ta mère ou bien, est ce que tu lui donnais plus de travail encore ?

Partout où je vais ton image m’entoure et me guide.
Depuis un an, je lis des livres évoquant ce pays dont tu ne reviendras jamais. Tu m’y parles dans le silence du cœur. Beaucoup de ces livres sont mystiques, je ne suis pas préparé pour les comprendre. D’autres sont uniquement descriptifs. Quel pays, quelle diversité, que de questions pour tant d’hommes dedans et au-dehors. Nous sommes bien loin d’imaginer les secrets de cet équilibre entre la vie et les mystères d’autres incarnations, entre la pauvreté et le bonheur, sous la pression des puissants et des castes. D’où vient la vitalité de ces peuples démunis de tant de nos objets. D’où vient cette vie irrésistible. Où iront nos sociétés si ridiculement apeurées par leur abondance ? Existera t’il un jour une plus juste répartition des bonheurs et des misères de la planète. Les hommes y trouveront ils durablement la paix ? Toi qui vois ces questions de très haut maintenant, as-tu des réponses. Pourrais tu me les souffler.

J’ai récupéré « L’équilibre du monde », acheté pour toi à la FNAC pour Noël précédant ton départ. Ma dédicace était « une brique pour ta préparation au Grand voyage ». Hélas, comment aurais je pu penser qu’il serait sans retour. Tu avais dévoré ce livre dans tes premiers jours en Inde, puis l’avais empaqueté. Je l’ai retrouvé dans ta chambre à l’Alka hôtel. C’est une merveilleuse histoire d’amitié dans la dureté de la vie des hindous pauvres.
Depuis, j’ai vu quelques films, lu plusieurs livres, et je me demande toujours ce qui est le mieux. Entre ce pays contrasté, vivant, voué à tant de divinités, balloté entre les sadous, la loi pressante mais guidante des castes, la recherche jour après pour du Karma, le sol assèché, appauvri, ce ciel rempli de mystérieux espoirs, ces hindous au sourire éclatant, aux yeux immenses et candides, mus pas l’impérieux mouvement de la vie. Et nos pays, assurés tous risques, repus, mais pleins des peurs de vivre, de mourir, de ne pas plaire, de gagner, de perdre, de grossir, de manquer un examen, un profit.

Tu as quitté notre scène. Ton départ reste un mystère. Je suis malheureux de savoir que ta pudeur, ta discrétion t’ont empêché d’appeler au secours alors que tu pouvais craindre de partir. Mais pourquoi mon Dieu ? Tant d’autres n’ont pas la moitié de tes qualités, n’ont pas ton cœur, mais se font entendre bruyamment. Au fond, tu devais croire que ton heure était arrivée. Que le meilleur nous était déjà donné, que la vie n’apporterait plus cette liberté, cette insouciance, qu’il faudrait se battre. Tu n’en avais pas envie. Comme ton père, tu n’aimais pas revendiquer une place, encore moins voulais tu t’y battre pour la préserver. Quelle malheureuse erreur. Il faut certes s’imposer partout, faire valoir sa personne, montrer parfois les dents, mais on n’est pas moins aimé pour cela. Il faut être fort mon enfant, quoi qu’il en coûte. Avais tu cette force là. En partant, tu t’es privé de beaucoup de joies que peut donner la vie. Tu nous prives de tes valeurs, il nous manque un bout. Etait-ce vraiment l’heure ? L’autre jour, un professeur de médecine disait qu’il y a un programme en chacun de nous. A un moment de notre vie, un évènement l’active, et alors, ce peut être pour nous retirer du monde. Que s’est il passé qui a déclenché le moment fatal ? Je crois que tu n’as pas bien pris soin de toi. Mais tant de voyageurs s’exposent probablement bien davantage : alors, qui a décidé à ta place ?

Une légende est née en Avril l’année dernière. Tu restes pour tous soit l’ami chaleureux, attentif, disponible, vu comme un copain rassurant par leurs parents, soit le frère protecteur, exclusif, accompagnateur, chauffeur certains soirs, ou pour certaines amies discrètes, le gentil compagnon et amant dont elles rêveront toujours, et pour ta mère et moi, le fils aimé, unique et irremplaçable. Le petit garçon vif et drôle, schroumpf, superman, sans culotte, arlequin, skieur audacieux, poisson dans l’eau, adolescentjeunehomme passionné, secret et sage.

Te rends tu comptes du vide que tu laisses dans le coeur et dans la vie de tous ces êtres qui t’aimaient. Pour beaucoup, l’histoire a changé. Sans toi, elle ne s’écrira pas comme prévu. J’aurais tant voulu partager avec toi les satisfactions qu’un père reçoit de son fils. J’aurais tant aimé appuyer tes projets, soutenir tes enthousiasmes. J’aurais tant voulu voir la mère de tes enfants, les voir se dresser pour la 1ère fois, puis trottiner doucement, enfin courir, demander grâce à leur course. J’aurais guidé leurs pas incertains. Les gâter, vivre avec eux, éprouver tant de ces bonheurs qu’on ne goûte pas bien dans l’agitation de la jeune paternité.


Journal de Clint

« 11/03/08, Karanataka, Alone

12h00 : j’ai raté l’ express bus pour Hospet (près de Hampi). J’ai dc dû prendre un bus pour Ankola (25km de Gokarna), puis un bus pour Hubli dans lequel je suis now.
A Hubli, il me faudra prendre un bus pr Hospet, et enfin un autre p Hampi.
Donc un trajet qui aurait pu être simple (8h00 sans changement ^j Hospet), je me galère avec ces changements, tout çà à cause me suis pas réveillé.
Bref, Tamar et moi, nous sommes définitivement séparé. J’ai quitté Gokarna sans lui dire au revoir …. c mieux ainsi. Peut être nous verrons nous plus tard…..
J’ai passé mes 3 derniers jours en compagnie de Leffe, un finlandais de 60 ans très sympa et eager to discover life again. C t assez inattendu de se ballader avec lui, on a dû nous prendre pour un père et son fils. Leffe aime dire Yeah qd il a rien à dire ou qu’il y a un silence.
Pr conclure avec Gokarana, les plus belle plages que j’ai vu s’y trouve (Paradis beach n’était pas si impressionnante que cà, très jolie mais très petite), le choux fleur y était délicieux (choux ds crème fraîche/yahourt avec rouge sel poivre, puis fri, puis revenu à la poele avec sauce soja, sauce tomate, sauce chili, ail, ginger, un délice ….). La vie y est simple, pas cher, authentique. Le genre d’endroit où il est facile de rester pour ne rien faire.
J’ai envoyé 2 colis hier : 1 livres : 2 kg, 78 r é. Boite opium, tableau bidus, coudre machine, bonbons 2 kg 680 r.
Ca fait au moins 30 mn qu’on est bloqué sur cette route à cause d’un check post.. Cette route semble être un axe majeur, il y a tellemt de camions ici … »



Aujourd’hui, je suis allé te rendre visite, dans ta dernière maison. Tu reposes le 1er de notre branche dans la paix de ce coin réservé au milieu d’un urbanisme intense et cosmopolite. Au fond, tu aurais peu être choisi une de ces ambiances, probablement assez semblable à tant d’endroits que tu as visités. Ta maison est simple, mais toujours décorée. Tes visiteurs laissent une bougie montrer ta vie restée dans nos cœurs, mobile et lumineuse, un caillou marquer leur passage, une fleur témoigner de leur amour ou de leur affection, un message ou une page des lecture pour toi. Ta maison est la plus jolie et la plus originale. A chaque fois, j’y éprouve du chagrin, car tu l’as habitée beaucoup trop tôt, mais je sais que tu aurais aimé son décor vivant, coloré, composite. Quand je regarde tes photos, je n’y vois jamais de regard vers soi, je n’y vois que de la vie, de la curiosité, du don. Ce n’est pas de la gaieté, comme celle que tu exprimais naturellement à l’âge d’enfant, c’est la lumière renvoyée par ton âme profonde et généreuse.

Je ne comprends pas pourquoi tu as été choisi. Il me semblait que d’autres étaient mieux préparés. Ceux qui ont vécu assez pour éprouver les bonheurs de chaque âge de la vie, sans avoir subi de grands malheurs. Ceux là ont pour certains parcouru le monde, comme toi, puis ils ont engendré et ont des années après, guidé les premiers pas des petits de leurs petits.
Ceux qui ont brûlé leur vie dans l’aventure. Ceux qui n’ont plus envie de vivre, parce que leur vie est trop dure, et que rien de supérieur ou de suffisant ne peut les retenir. Tu n’étais mon enfant dans aucune de ces classes : pourquoi as-tu été choisi ? Qu’as-tu à faire là haut ? Quelle aide ou quel réconfort pourrais tu apporter et à qui pour que nous acceptions ton départ.

Quand j’ouvre mon portefeuille, je retrouve vis-à-vis l’image de tes 6 ou 7 ans et cette belle photo prise en Inde sous un abri bus. A 7 ans, le cheveux blond, les traits encore poupins, le visage lisse et soyeux, le regard profond, foncé, direct, tu pouvais prendre les habits d’un ange. Que pouvait il arriver à ce beau garçonnet autrement que de la joie à distribuer. A 25 ans, cette même beauté, mais celle d’un jeune homme cette fois, les traits affirmés, tranquille et fort, mais le regard énigmatique, songeur sur l’avenir où il semble se projeter mais sans savoir le lire, et confiant malgré cela dans les voies impénétrables. J’aime te voir ainsi, charmant garçonnet, puis beau jeune homme. Quelle fierté pour moi de te savoir si accompli, dans ta recherche des autres, si loin des contingences de la petite France flanquée à la petite Europe. Ce sont mes deux plus belles photos de toi, je les garde toujours sur mon cœur, elles me suivront jusqu’au bout.

Pourquoi as-tu dû partir ? Quelle force mystérieuse a neutralisé tes défenses dans ce rendez vous que tu n’avais pas pris. Personne ne pouvait se rendre compte de la gravité de la situation, toi-même n’y croyais pas. Il aurait toujours été trop tard. Ton heure devait être arrivée, mais pour aller faire quoi. Que se passe t’il là haut pour qu’on appelle les jeunes gens avant qu’ils n’aient pleinement vécu. Je ne comprends pas. J’en veux à Atlas de m’avoir donné un si bel enfant et de l’avoir repris sans expliquer pourquoi : devait il se consacrer à d’autres missions que sa vie avec nous. Qui me dira ce qu’avait Clint qui justifierait son rappel immédiat ? Et aujourd’hui, peut on savoir si sa force, si ses secrets sont bien nécessaires pour embellir le monde dont il ne sort plus.


Journal de Clint

« 15/03/08 Karnataka
08h00 J’ai perdu mon Bic 4 couleurs, compagnon indispensable du quotidien. Pour couronner le tout, mon mp3 ne fonctionne presque plus. Finalement, le trajet Gokarna-Hampi m’aura pris presque 12h. Il commence vraiment à faire très chaud dans le sud, ce qui fait qu’il est difficile de faire du sightseeing. Je pense que je vais oublier le Kerala et le laisser pour un autre voyage.

La question now est : vais-je à Pondichéry ou à Hyderabad ? à méditer. Je me suis trouvé une guest house de l’autre côté de la rivière, vraiment très sympa. Le restau, qui consiste en des matelas et des tables basses donne sur les rizières, la rivière, puis ces collines/tas de rochers rouges/oranges (tout ê ma chambre du reste, 150 r) est très bon.
C’est vraiment très calme ici. Tout ce qu’on entend, c les oiseaux, les grenouilles, les crickets. La nuit, on penserait ê en pleine jungle, tellement c’est bruillant.
Hampi est ce qu’on appelle un touriste hub, on y rencontre plein de voyageurs. J’ai ainsi rencontré hier des français avec qui j’ai dîné et passé une partie de l’aprem à fumer. Cà faisait depuis Mandu que je n’avais pas parlé français (à part avec Tamar). Cà fait du bien.
J’ai loué une mobilette ici (100 r + essence 65r). »



Combien de châteaux de sable avons-nous bâti ensemble sur les plages de Bretagne, de l’Atlantique, de Méditerranée ? Entre ces moments de bonheur, à quel moment ai-je pu t’être difficile. Je ne me souviens pas de t’avoir fait pleurer. Certainement, je n’en ai pas eu de motif, avec cet enfant rieur et malin. Tu tournais toute situation à ton avantage, mais de cette façon charmante où tout le monde se sent heureux et fier. Comment jouais tu aux cartes. Est-ce que tu trichais, étais tu boudeur dans la défaite. Tu étais compétiteur, et tu aimais l’emporter. D’ailleurs ton goût du sport était le signe de cette énergie positive que nous t’avions donnée. A chaque fois que nous luttions, tu te donnais pleinement à l’envie de gagner, mais sans perdre cette joie de vivre qui embellissait nos jeux.

Comment te serais tu accommodé de cet autre jeu qu’est la vie professionnelle. Je me demande ce que tu aurais fait après quelques mois ou quelques années à l’audit financier, entre de piles de dossiers, des allers retours en province, à l’étranger, des rapports toujours longs et commencés trop tard, sur les stocks de clefs, de moteurs, de poudre ou de vin, sur des créances clients qui ne rentrent pas assez vite, des états d’immobilisations incontrôlables, des valorisations de titres en Fifo, ou Lifo, que sais-je. Combien de temps aurais tu tenu dans cette partie,avant de te dire qu’elle n’est jouable qu’avec des horizons changeants, des gens différents, de la découverte, du risque. Tu avais bien démarré pourtant, dans ce joli costume avec cravate où je t’avais retrouvé à Puteaux. Et ces gens dans les différents jobs d’été ou stages que tu as faits. Au bout de quelques semaines, tu avais tout compris, ils ne pouvaient plus se passer de ton travail, de tes aides, de la joyeuse humeur que tu créais autour de toi. Au fond, tu ne savais pas qu’ils vivaient un peu par procuration à ton contact : ils te voyaient porteur d’ailleurs, de voyages, de vies différentes. Tu sais, c’est l’idée qu’à chaque homme que le pré à côté est toujours plus vert. Imagines tu comment tu aurais vécu dans notre monde étriqué. Est-ce la pré-science de cette vie qui t’a fait choisir les espaces infinis.

Te rappelles tu comment je disais à qui voulait l’entendre que le monde est bien assez grand qu’il fallait aller le découvrir, ne pas s’étriquer dans une vie à Paris seulement. Je disais qu’à ton âge, il faut courir le monde, voir comment font les gens qui ont la tête en bas. Il me semblait qu’avant de revenir cuver une vie tranquille ou pas, c’était précieux d’élargir sa vue dans d’autres places de la planète. Je ne redoutais pas que tu partes, d’autant moins qu’avec toi, je partais aussi un peu. Je ne pensais pas qu’il puisse ne pas y avoir de retour. Tu partais, tu aurais peut être créé des attaches dans un pays lointain, mais tu revenais, ou nous allions t’y retrouver. C’était simple, sans l’impensable.

Où est l’étoile qui s’est allumée pour toi. Je ne la vois pas, c’est beaucoup plus loin que nos vues. Brilles mon enfant un soir du Printemps qui approche, pour me montrer que tu restes bien là, que tu veilles sur tes sœurs, que rien ne peut plus arriver. Tu brillais il y a 25 ans, tes yeux d’un jour ouverts et fixes, interrogeant ce monde qui t’accueillait. Un beau bébé, avec la tâche frontale rouge de Papa. Tu as crié 3 semaines plus tard, quand l’Alliance t’a été donnée. Il y avait du monde, la grande famille de ta mère, heureuse de compter un enfant encore, après tant d’autres déjà venus ou à venir. Ma famille aussi, quelques membres au plus, intriguée
certainement par cette opération entourée de prières, pour l’espérance et pour la joie.

Que les années passent vite, mais il nous en restait autant au moins à vivre ensemble. Chaque jour est une lutte avec soi d’abord. Pour ceux comme moi à qui il n’est pas naturel de ne voir que ce qui est bien, il faut aller contre soi, ses humeurs vives, les petites contrariétés, sans parler des grandes, dont nous sommes heureusement épargnés, pour ne voir que les plaisirs et les joies que peuvent apporter la vie, le travail, les relations de tous les jours.


Journal de Clint

« 20/03/08 Tamil Nadu
Un R de France

8h10 : après un voyage de près de 24h je suis à Pondicherry. J’ai d’abord pris un train d’Hospet à Bangalore (pris tichet « jugle » sur place, puis suis allé en sleeper où j’ai payé la différence de prix …. No nee to book !) puis pris un bus j^ Pondicherry (j’ai jamais voyagé aussi bien en bus, route nickel et bus impec (presque ^c en France))
Mais concluons sur Hampi : paysages extraordinaires, jonchés d’énormes pierres (on croirait qu’un géant les a placées les unes sur les autres pour former des ensembles assez instables ….. magnifique) ruines diciminées all over (du simple temple sans caractère aux joyaux d’une civilasa dt l’architecture est un mix indo musulman), riviére et lac très rafraîchissant, guest house 20/20….
J’aurai passé 2 jours avec Cat from London, journées avec des Israeliens (qui st en force à Hampi) et des soirées avec ttes sortes de personnes de la guest house (Shanti de l’autre côté de la rivière ….les lits suspendus devant chaque chambre est extra ….^c d’ailleurs ce qui m’a fait craquer).
J’ai u ma première pluie à Hampi, …. seulmt qq goutes.
Par contre, ici à Pondicherry, il pleut depuis hier soir. A croire que Pondicherry est une ville française.
Les plans pour les prochains jours : aller à Auroville, cette communauté créée par un français et visiter le ville.
Ensuite, j’irai sûrement à Mallallapuram pour profiter une dernière fois de la plage, puis Chennai et probablemt Hyderabad ».



« 22/03/08 Tamil Nadu
Tourist Zone

10h00 Arrivé hier soir à Mamallapuran. Après 1h30 de bus depuis Pondi, me suis directement rendu à Lakshmie Guest House. Trois minutes ont suffi pr comprendre que cet endroit est touristy …. Peut ê trop d’ailleurs … J’aurai passé 2 bonnes journées à Pondicherry, le pic étant la rencontre d’Héro, ce fils de suedois et indien, 42 ans, parle 5 langues et vit à Auroville.
J’étais donc assis dans un bar/restau indien (dans lequel me suis assis cause pluie) qd Héro qui me semblait déjà un peu alcolisé vient s’asseoir à ma table. On parle et ce faisant, je découvre que j’ai affaire à un Aurovillien.
Auroville ? que dire : une communauté internationale, apparament saine, sans religion ni politique, l’idée est de vivre en Harmonie.
Pondichery ? une ville hybride, architecture coloniale, policier avec képi, restau français, écoles françaises, bookshop, pas très touristique. 2 jours auront suffi pr y voir les principales curiosités.
Je n’aurai pas pris contact avec les 2 fran rencontrées à Agra : envi d’ê seul …. »



Si j’avais tenu un journal comme tu le faisais sur ta route, il témoignerait en ces jours de mars 2008 sur mes réflexions, relevant l’absence de nouvelles. A lire tes lignes, je sais maintenant que tu étais très mobile et actif. Tu avais beaucoup de nécessiteux à satisfaire : les rencontres de voyage, les familles et amis restés au loin. Comment t’occupais tu durant ces longues liaisons en bus, vitesse moyenne 30 par heure, arrêts compris. Comme on sait, les arrêts dans ces pays sont nombreux et d’une durée toujours imprévisible. Les chauffeurs ont mille et une raison de caboter, car leur travail est très vaste : porter du courrier, faire passer des nouvelles, visiter la famille et plus, assurer des livraisons, négocier au hasard de la route des voyageurs en supplément, au besoin, faire un détour, régler les mille et un incidents du voyage, dont pannes fréquentes, passer les barrages de contrôles, etc…. Le voyage sur la route est plein de surprises. Prévoir des marges horaires importantes.


27 mars, éphéméride de YAB, photo et texte de pèlerins en ablution sur les ghâts, Varanasi

« Varanasi, dont l’étymologie signifie « la ville entre les rivières Varuna et Asi » est la ville sainte dédiée à Shiva, le dieu de la destruction et de la reproduction dans le panthéon indien. La chevelure du dieu enferme Ganga, déesse du Gange, fleuve de la vie. Les pèlerins qui meurent à Varanasi auront une meilleure chance d’atteindre la moksha, salut spirituel qui libère du cycle des réincarnations. La ville est un gué entre le monde terrestre et le monde divin. Les pèlerins s’immergent dans le fleuve pour se purifier. Offrandes prières et méditation accompagnent les ablutions ».

Cette photo m’impressionne, m’attire et me glace : il y a un an bientôt, tes derniers regards se tournaient sur le fleuve, sa rive nord immense et vide en cette saison, montant au loin et par plateaux successifs vers l’Himalaya. Sa berge sud est le coeur du pèlerinage, la meilleure place pour séjourner au bord du sacré, pour prier son salut et pour le dernier voyage en cendres mêlées au fleuve. Les marches vers le ciel baignent dans le fleuve. Matins et soirs, les pèlerins s’y pressent, entre sadus, marchands, familles éplorées, accomplissant le rite incantatoire, purifiant les corps et les âmes dans l’eau salvatrice. C’est cette vue ultime que tu avais de la terrasse de l’Alka Hôtel. C’est de cette vue que tu as sombré dans l’inconscience précédant ton départ.

29 mars Tu es à chaque instant du jour présent à mon côté, il y a tant de choses et d’endroits que je vois chaque jour et qui t’étaient familiers. Mais tu es toujours absent dans mes rêves. Dis, quand reviendras tu. Quand viendras tu soulager mon attente et mon inquiétude. Te voir m’indiquerait que tu es bien quelque part, dans un autre état de la vie, peut être en train de préparer ma venue, plus tard, quand ce sera l’heure.

30 mars Cette période m’est très émouvante. Les jours s’allongent vite, le feuillage verdit les arbres, le soleil se fait caressant, la vie revient après les mois lugubres de l’hiver. En d’autres temps, j’aurais pensé aux escapades que nous partagerions, à moto, avec ou sans sac au dos, à des sorties restau pour discuter tes projets, tes espoirs. Tu m’aurais certainement
demandé mon avis sur plein de choses. Que t’aurais je répondu : probablement comme souvent, que je ne sais pas en donnant trente six réponses. Maintenant, je redoute ce printemps sans toi. J’ai beaucoup moins d’avis qu’avant. Je ne sais plus grand-chose. Le monde et la vie me paraissent assez durs, plus que dans le passé. Je ne comprends pas bien. Ton casque reste vide près de la moto, après t’avoir protégé tant de kms. Ton châle près de moi, sous l’écharpe qui ne te quittait pas, me rassure. Il ranime ce sentiment mystérieux que j’éprouvais devant ces rites auxquels tu donnais le sens que j’aime, celui d’agrandir la vue et la pensée, celui d’agrandir l’homme.

Comme tu étais beau ce jour où tu as confirmé l’alliance, pour ta Bar Mitzvah. Comme ces jours étaient beaux. Mais je n’avais pas l’âge ou la sagesse d’en apprécier toute la beauté.


01 Avril Je marche doucement, l’esprit plongé loin en arrière. Malgré la tristesse de cette journée, qui était autrefois une double fête, j’entends et me réjouis des gazouillis et des appels de volatiles grands et petits, peuplant le parc entre la maison et le bureau. Les fleurs éclosent dans la précipitation de ce matin de printemps, colorant arbres, bosquets et pelouses de leur éphémère beauté. La radio diffuse les poissons du jour. Je songe douloureusement que tu ne peux plus en rire.

Nora, l’ amie d’Emmanuelle et pour toujours de toute la famille, nous rappelle sa peine et ravive la mienne. Morgane qui vient d’arriver à Londres, après 2 mois en Australie, tente de me réconforter ; plus tard, Emmanuelle m’incite à soulager le poids que je porte en silence en communiquant plus autour de moi.

La journée est superbe. En moto, je retrouve le parc où tu reposes. Ici aussi, le printemps sème ses magies : les allées d’arbres fleurissent au rythme de chaque essence, alternant les couleurs et la beauté des quartiers, les feuilles aussi s’échappent de leur enveloppe, chacune son jour, les rayons de soleil dissipent lentement le froid installé depuis plusieurs mois ; peu à peu, le parc retrouve vie et douceur. Je me dis que ton repos sera à nouveau égayé par des visiteurs souriants, rassurés par la paix de ton jardin et par la vie qui s’y agite. Sut ta maison, les pots de pensées résistent bien, soutenus par ce climat serein. J’y ajoute un mini rosier, portant des roses rouges déjà épanouies et des boutons que tu verras éclore. Toutes ces couleurs me font du bien.

Très tard, je veille, c’est l’heure de ta naissance. J’échange en pensée mes souvenirs de toi, avec ta mère, tes sœurs et je parle à Christine qui me voit en souffrance.
Sur un tapis rouge et blanc, poussé par ta mère, tu apparais au monde.
Bienvenue mon enfant. Que ta vie soit prospère et heureuse.

Elle l’a été. Tu as doublé le rire et la joie dans notre maison, ton goût du déguisement ont souvent égayé nos matins. Combien de bougies as-tu soufflées. Je te revois très bien entre Emmanuelle et Morgane dans les jolies tuniques que j’avais apportées du Niger. Je vous revois aussi barbotant ensemble le soir à l’heure du bain. Tu aimais jouer, tu aimais la compétition, en équipe ou seul. Combien de fois me suis-je pris au jeu.

Ta vie fut belle.
Tu avais la gentillesse de ta mère et de ton père. Tous tes amis, tous ceux qui t’ont approché ont pu compter sur toi, être gratifié de ton attention, recevoir ton aide.
Tu avais du courage, tu aimais le grand air, la liberté, l’aventure, le nouveau, la découverte. Il ne t’a manqué qu’un peu de temps pour nous donner tes prolongations naturelles, les rameaux que tu devais ajouter à ta branche.

Je t’aime mon enfant. Viens vers moi, cela fait assez longtemps que j’attends ta visite.


Journal de Clint

« 02/04/08 Andra Pradesh

9h30 : j’ai passé les 10 derniers jours avec Morgane, une française de 32 ans, export manager chez « Comptoir des cotoniers » rencontrée à Malalaparam.
Très sympa, mignone, peut ê un peu trop sur moi, mais bon on peut dire que sans elle j’aurais vraiment été mal qd je suis tombé malade …
Me suis en effet complètement reposé sur elle. Je suis now en train de me remettre de cette maladie (fièvre, jaune ds la gorge, suées, mal de tête) ici à Hyderabad.
Morgane avait un avion le 29 de Chennai pr Paris. J’aurai presque rien vu de Chennai, passant la plupart de mon temps ds notre chambre.
Rien vu à part les studios du ciné où Morgane et moi avons tourné ds une pub. Nous nous somme fait recrute à Malalaparam d’où on nous a conduit en taxi j> studios tte l’aprem pr une intervent° de 5 min de notre part.
Ici me sorties st breves, la ville est très polluée, bruillante, une grande ville indienne quoi.
Le fort Golconda, le Charmenar et Mecca Masjid valent qd ^m bien le détour.
Cà fait 4 jours que je suis là et pourtant je n’ai croisé aucun (1ou 2 ptet) touristes !
Mes soirées, je les ai passé devant la TV avec des MacDo delivery : trop cool cà !
La maladie ces derniers jours m’a vraiment rendu sensible à l’Indian way (beggars, bruit, …) très nerveux koi. J’ai également évité tte bouffe indienne ces derniers tps ( à part des dosas !!). »

Suit une étiquette bière Royal Challenge



How many times does a man exist, before ….
The answer my son, is blowin’ in the wind, the answer is blowin’ in the wind

J’écoute les Cd enregistrés pour moi par tes sœurs. Quelques unes des chansons de ton temps que je ne connais pas, de mon temps que tu connaissais, et du temps de notre chemin ensemble, quant tu étais petit.
Il y a 11 mois, quelques jours après t’avoir accompagné dans ta dernière maison, j’interprétais comme un signe le démarrage spontané du lecteur. Dans mon chagrin, ou dans mon activité, soudain l’une de tes chansons préférées te ramenait à mes pensées. Je n’avais rien touché à l’appareil, cela a duré plusieurs mois ; mais depuis la fin de l’année, tu ne démarres plus l’appareil. Dans cette même période, les disques sautaient beaucoup, coupant les chansons à tout moment. Je me disais qu’ils étaient déjà abîmés, qu’il fallait demander un nouvel enregistrement à tes sœurs, et déjà prévoir d’en conserver des copies, mais là aussi, le phénomène a pris fin, et depuis quelques mois, les chansons ne sont plus coupées.

J’avais demandé l’enregistrement de la Kitvah. Elle est chantée par une jeune femme à la voie grave et profonde. Il y a Emilie Jolie, les Copains d’abord, Salade de fruits, Sacrificed, , Johnny Cash et d’autres. Il y a aussi une autre jeune femme, chantant en français, mais avec une voix aux accents israeliens. Très jolie chanson, voix délicate exprimant l’amour, la fragilité, la crainte. Il y a Bob Dylan enfin.

Ce soir je t’écris de la maison, à la campagne, près de Gisors. Tu n’es pas venu souvent. A chaque passage, tu regardais avec curiosité et un intérêt que j’appréciais beaucoup les changements que Christine et moi apportions. Que de travail en ces années. La maison te plaisait. A l’occasion d’un de tes déménagements, nous avions entreposé tous tes cartons. Quel poids, et pourtant, tu n’avais pas énormément d’affaires, comparé à l’équipement incroyable de choses qu’ont tant de jeunes gens. Comme moi, tu étais économe, tu ne jetais rien facilement. Comme disait Albert Londres, tu étais de cette catégorie d’hommes qui ont des valises plutôt que des meubles. Certaines fois tout de même, je me suis dit que tu n’avais pas assez d’affaires chaudes pour te protéger. Et je gardais des chemises, des pulls, des costumes pour toi, plus tard.

Quand tu es venu m’aider en janvier dernier à monter quelques affaires à Levallois, tu avais assez longuement discuté avec Christine, posant beaucoup de questions sur l’appartement, les travaux que nous y faisions faire. Tu l’avais trouvé bien. J’étais content que tu aies pu m’aider, et conscient de l’effort que cela te demandait, dans un emploi du temps chargé quelques jours avant ton départ. Je profitais un peu de quelques minutes d’intimité, certes laborieuse, mais tellement rare. Je me réjouissais à l’avance des satisfactions que tu allais exprimer après ton retour, en voyant l’appartement transformé.

Tu es maintenant dans mon décor quotidien, plus que jamais auparavant.


Journal de Clint

« 5/04 Maharashtra

Se méfier des cartes ….
…. Don’t worry but you might have Malaria

19h30, Lonar : oui Lonar et son fameux meteorite cratère…. Pa si fameux que çà, je suis le seul touriste ici. D’ailleurs, je n’ai pas vu un seul touriste depuis Morgane à Chennai.
Se méfier des cartes ? ben oui, qd on regarde la carte, on observe qu’il n’y a que 50 km entre Parbani et Lonar, 70 tt au plus, and yet, il m’a fallu plus de 4 heures pr relier ces 2 villes ( et encore, je ne compte pas les ¾ d’heure perdues pour changer de pneu).
Je pense bien avoir passé les pires 24h de mon voyange à faire la liaison Hyderabad-Lonar !
Indeed, pr commencer le train ! ^c je le fais new depuis qlques tps, je ne prends plus soin de rése »rver ma place à l’avance et c’est là que j’ai eu tort …. Me suis retrouvé avec un general class ticket ( en d’autres termes, la classe des pauvres !)…. Le genre de classe où les gens dorment par terre, sur les portes bagages, à croup, assis ou allongés … de la folie quoi.
J’aurais certainement supporté cà si j’avais pas été malade !
Heureusement, un gars très sympa a compris que j’étais malade et a tout fait pour me trouver une place allongée… vers 3-4h du matin (pin pin pin pin pinwinering) … à ce moment j’ai pu dormir un peu.
Vraiment, les indiens can ê super cool… ce gars m’a gentiment proposé de venir me reposer chez lui, ce qu j’ai gentiment décliné parce que ça m’éloignait de ma route.
C’est bête, mais je décline trop souvent ! Combien de fois ai-je décliné des invitations de personnes dignes de confiance.. Je pense à ce père et à son fils que j’ai rencontré dans le train Chennai-Hyderabad, ou à ce commissaire Hampi-Bangalore qui m’invitait pour Holi .. ^c bête.
Bref, je suis arrivé à Lonar le 03/4 complètement épuisé par le voyage et la maladie.
Me suis directemt rendiu ds ce complexe touristi très propre (standard indien of course). Et pouvant accueillir un régiment indien (et pourtant je suis le seul réident !) et me suis directemt allongé pensant que la fièvre et tout et out passeraient, mais non ! une après midi, une nuit et une matinée (le 04) n’y ont rien fait… pire, les chises se sont ^m aggravées. C’est alors que je me suis décidé à faire appel à un docteur…. Très efficace le mec, en 2 sec, il m’a prescrit le nécessaire.
Il m’a aussi bien fait flipper, je cite « Don’t worry Sir, but you might have MALARIA. We are going to test your blood ».
Cà vraiment c’est pas très pro, comment ne pas s’inquiéter avec de tels dires !! J’ai passé 2 heures atroces à la suite de çà, ds ma tête…
Résultat négatif : ouf §
Pdt ce temps, le doc avait fait venir des assistant pr me filer des medic et me donner du glucose en intraveineuse (I litre le 04, ½ ce matin et ½ à venir).
Me sentais déjà bcp mieux ce matin.
J’en ai eu pr 100 r de medic et 1500r de consultat° et blood test, ce qui entre nous cher carnet, me paraît (et cela m’a été confirmer par le très gentil et helpfull staff ici) assez cher …
Même les docteurs, quelle déception !
Aujourd’hui, je suis remonté à la surface et suis allé me ballader à Lonar city, rien de spé, une petite ville indienne avec des marchands de tout, ses habita° en terres/béton/toles… une atmosphère plaisante tt de ^m, car pas bruyante, polluée, pas de hasseling….
J’ai réalisé aujourd’hui, ^m si je l’avais déjà observé avant) en parlant ds un « café » qu’il n’y a aucun animosité entre musulmans et Hindus, très friendly, des frères indiens quoi. En revanche, il est clair que les indiens détestent les pakistanais.

Lonar Crater ? Impressionnant à souhait, c’est vraiment le caractère reculé de l’endroit qui le rend si peu touristique.
2 km de diamètre, 170 m de profondeur, un lac au fond … des temples Hanuman le bordant, une fône et flore très diversifiée (flamants roses, gazelles, singes, oiseaux exotiques).
Vraiment magnifique, un seul hic, les moustiques, le cratère en est infesté.
Demain, je prends un bus pr Buldhana (20 km) puis un autre pour Bhusawal (encore 20 km) => 4h au moins pour attraper un train et joindre Varanassi !

Ah en fait, les « sisters of Mercy » en Indes sont plutôt des brother, les contacts avec les femmes étant raricimes ».


Suit le dessin : la Grande Ourse, Lonar le 06/04 à 4h00

Tracée au crayon sur une page, 6 étoiles en formation dessinée précisément,
comme on la voit dans le ciel.


Clint, tu écriras encore quelques mots, qui ne sont pas datés, mais je pense que c’est encore le 06 avril, un peu plus tard. Tu devais ralier Varanasi. Tu indiques avoir passé une très mauvaise nuit, peuplée de moustiques, et peut être écris tu, incommodée par l’importante injection de glucose.
Depuis le 03 ou 4 avril, tu alternes les crises épuisantes et les rémissions dues à ton traitement. Tu n’es pas conscient de la gravité de ton état. Sans cela, tu te serais confié aux soins dont tu avais besoin, tu serais resté alité sous surveillance spécialisée. Les rémissions t’ont fatalement trompé, le médecin aussi probablement. Lonar n’était pas une ville assez grande pour t’y arrêter. Il n’y avait pas d’équipes médicales équipées pour t’y soigner. Tu as compris que tu ne devais pas y rester. Pourquoi ne nous as-tu pas prévenus. Pourquoi.

Un étrange destin devait te mener à Varanasi. Pourquoi.

Avec Christine, j’ai regardé attentivement les cartes du centre de l’Inde hier soir. Quelque difficulté à repérer ton itinéraire, car ton relevé s’éloigne du point réel. Lonar ne figure pas sur les cartes régionales, c’est en fait une très petite ville, à l’écart des grands axes. J’imagine ta curiosité à voir le météorite cratère pour t’écarter autant, jusqu’à revenir dans le Maharashtra où j’ai finalement pu repérer Jalgao puis Lonai (c’est marqué ainsi). J’imagine le temps qu’il a fallu de jonction en jonction pour que ton voyage reprenne son long cours. J’imagine douloureusement à quel point ces détours ont consommé tes dernières forces, dans un moment où il te fallait lutter et te concentrer pour rester parmi nous. Je ne veux pas croire que tu n’as pas défendu toutes tes chances.


Journal de Clint

« 06/04/08 Cette nuit fut terrible (sens propre)…. Impossible de m’endormir …. En partie à cause des moustiques (surtout à cause) et ptet aussi à cause des 2 litres de glucoses injectés par ce cher pseudo assistant du doc. Résultat : je suis mort de fatigue et j’ai plus de 4 h =>Jalgao.
Et aussi l’autre blaireau du staff qui vient me « réveiller » à 5h45 et non 6h45 comme je lui avais spécifié au 6 3 fois ».


Aujourd’hui, lundi 07 avril 2008, tu arrives à Varanasi, au bout de tes forces. Ton trajet, entre la gare et l’Alka Hotel a dû être long et pénible, après tant d’efforts. J’en ai suivi une partie à pied, mais sans ton lourd sac à dos ni ces mille autres choses que tu gardais à portée de mains dans ton voyage au long cours. Comment as-tu fait dans ces rues complètement encombrées. Un rickshaw. Mais ensuite, pour arriver dans l’hôtel ? Il y a deux itinéraires : les ruelles étroites et tortueuses entre la place où stationnent tous les véhicules à environ 500 mètres, ou le chemin des ghats, plus court, avec la force pour ces hautes marches qui descendent dans le Gange, puis pour remonter un escalier raide et haut arrivant sur la terrasse de l’hôtel. Là je pense que tu t’es couché, n’émergeant mardi 08 avril que pour demander des soins.

Tes derniers jours sont inimaginables. Quelles réflexions, quelles peurs, quelles impatiences aussi de rentrer bientôt, à Pâques.

Un an après, la chaîne stéréo dans mon bureau perd à nouveau le fil de tes chansons. Es tu près de moi pour le dérégler, signalant ainsi ta présence ? Chacun de ces jours d’avril est une marche du Golgotha. J’y progresse doucement. Quelquefois, des sourires ou des pensées m’apaisent, comme l’autre jour ces mots attentionnés de ta sœur. A d’autres moments, je revis les derniers souffles, tes derniers regards, tes peurs, seul, si loin. Comment dire ce sentiment d’impuissance et d’incrédulité ? Comment vivre avec l’idée que tu es si près, et en même temps définitivement perdu ? Qui apportera la relève de ta vie ? Il me semble qu’un nouvel être de mon sang viendrait combler le vide que ton départ laisse.



TES DERNIERS MOTS ECRITS « Enemi public n° 1 »


Mon petit, il nous faut maintenant vivre dans le souvenir de toi. Il nous faut revivre toujours avec ces joies que ta vie a données.

Aimer autour de nous. Balayer les mauvaises pensées. Calmer les angoisses. Donner nos meilleurs sentiments. Encourager ceux qui restent à profiter de chaque jour de paix. Espérer, rêver que d’autres bonheurs viendront de toi, mais comment mon Dieu. Fleurir nos regrets et les autres morosités. Graver partout tes messages d’amitié. Habiter et animer l’histoire de tes 25 années. Irriguer nos coeurs par tes rêves et par tes utopies. Jouer et parier chaque jour sur l’ espérance de te retrouver. Louer le tout puissant de t’avoir fait naître et d’être tes parents. Magnifier chaque geste du quotidien . Nier l’existence d’une volonté supérieure à celle du destin. Ouvrir nos cœurs à tous. Prier pour que tes chers aient toujours sur eux ta lumière montrant le chemin et la vie. Plaisanter des péripéties de tes rencontres à la quête des autres. Questionner ceux qui t’aimaient pour que tu vives d’autres fois. Rire encore de ces plaisanteries que nous partagions, comme « Là, ils ont frappé un grand coup », devines où ?. Saluer le ciel de t’avoir donné cette grâce élégante ou rieuse dont tant de parents, alliés ou amis se sont un jour ou l’autre réjouis. Tarir nos pleurs. User de tes forces de vie pour bousculer nos pauvres routines. Veiller au bonheur.

A bientôt mon enfant. Nous nous retrouverons.
Papa

mercredi 7 mai 2008

De Maman

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Clint, Clintounet, mon petit bandit,


Je t'ai pris par la main pour t'emmener vers demain, pour te donner confiance en ton pas.

Je t'ai pris dans mes bras et pour la première fois, j'ai séché tes larmes en étouffant de joie.

Je t' ai pris par le coeur pour soulager tes malheurs, tout doucement sans parler, sans pudeur.

Je t'ai pris par la main, je t'ai chanté des refrains pour que tu t'endormes à la tombée du jour ...

Et en te regardant tout au bout du chemin je t'ai pris dans mes bras et avec beaucoup d'amour
je t'ai laissé partir en voyage, là où ton bonheur t'attendait

Embrasse bien Mamie Rachelle et Mamie Loulou pour nous

Mamounette qui t'aime

De Morgane


Je suis incapable de vous dire en si peu de temps tout ce qu’il a dans mon coeur .
Comment vous signifier combien les 8395 jours passés à être sa petite soeur m’ont apporté ?

Il est un peu plus de minuit , je suis devant mon ordinateur, perdue dans ma mémoire .
J’essaye de penser au mot juste, au plus grand fou rire, à la dispute la plus douloureuse, à l’un de ses regards
J’ESSAYE mais je n’arrive pas à m’arrêter sur un instant, un sentiment, un souvenir .
Je vais me laisser aller, me laisser penser et je vous dirai

Je réalise depuis quelques jours à quel point il y avait de tout dans Clint, et comme Clint était dans tout .

Je mentirai si je vous disais que ces 3 derniers mois Clint ne me manquait pas ...
Je mentirais aussi en vous disant que son absence me rendait triste .
Je pensais à lui tous les jours et m’imaginer son bonheur me rendait joyeuse et sereine, c’était l’essentiel.


Clint a toujours été libre et sans peur , comme le marin, qui conscient des risques est capable de quitter la terre ferme et tous ceux qu’il aime par goût de l’AVENTURE


Voilà, Les mots se bousculent enfin dans ma tête , je dois tout taper ne rien rater, je vais tout partager pour ne rien oublier

TON FROMAGE POURI ,
ton sens de l’ économie, ton amour protecteur,
Houlgate , papa et maman, Emmanuelle TOI et moi
Explorateur au regard juste
Rencontrer les différences
Rencontrer les ressemblances
des certitudes
VOIR SENTIR TOUCHER GOUTER ET ECOUTER ICI ET LA BAS
Cowboy, prénom de star , DATE D’ANNIVERSAIRE INOUBLIABLE
PEU DE REGRET
submergés d’amour
nous restons vivants
Innocent, bonniface , de la musique et des voyages
Notre signe secret
Des envies, des réponses, de l’organisation, des convictions des accomplissements
Des beaux signes, de la poésie , une destination finale extra ordinaire
Castor, cerise wendy et bob
APPRENDRE A UTILISER UNE PERCEUSE,
Stanley Kubrick, the last waltz , LE PRÉSSENTIMENT ,
JOHNY CASH , POULET KORMA,
LA PAUSE GOURMANDE
Les déménagements
Refaire le monde , LE SHOP , CIRER DES BOTTES
Dylan, Brassens, Bowie et Léonard
LE MARDI C’EST PERMIS, LE MERCREDI CINÉMA
TA CHAMBRE ET TES COPAINS
TA BARBE APRES TON RETOUR DE PÉKIN
TES INSTRUCTIONS , TON AMOUR AVANT DE PARTIR
Traverser tout paris à pied sans but
Le dimanche midi sur mon lit
LE CAMPING SAUVAGE
AMSTERDAM, KINSHASA, CENTRAL PARK , LA MER LES VALLÉES
LE PLUIE POUR TES ETNIES,Le soleil de memphis
PIQUE NIQUER A VERSAILLES
Ton pull vert bouteille
TON ESPRIT DE CONTRADICTION
TON COURAGE TA FORCE
LA MEMOIRE VIVE EN CHACUN DE NOUS



MOURIR JEUNE - MOURIR LIBRE - MOURIR GRAND – MOURIR RICHE DE VÉRITÉ



Tu ne voulais pas de noir, pas trop de larme, pas de faux semblants
Tu voulais de la vie, de l’espoir , de la force, de l’admiration, de l’amour, des couleurs, des révélations, ta famille, tes amis, de la musique, et de la liberté
Tu voulais une fin de star

On essaye de faire au mieux

Je suis si fière de TOI ,
TU me manque déjà, TU me manqueras encore plus
mais j’ai dans moi toute ta force , toute ton histoire , tout ton amour, toute ta confiance,
J’ai des petits signes qui me font croire que le soi disant hazard est curieux
J’ai de bonnes raisons de penser que le plus important maintenant est de m’autoriser à vivre ce que je veux, ce dont j’ai besoin
Rassures toi , rassurez vous j’ai plein de rêves et de projets à moi
Mais j’ai encore du temps pour toi,
Merci Clint merci mille fois

JE T AIME



Octobre 2008

"La brutalité de ton départ m’a amenée, comme chaque fois qu’arrive ce genre de mauvaises surprises, à prendre conscience de ce bien si précieux qu’on appelle liberté, la vie en somme, et dont on ne profite pas toujours suffisamment. Ou à bon escient.
La liberté, ce serait vivre sans peurs du jugement, de l’après, de l’échec. Etre entièrement à ce que l’on ressent, se rendre aux démons, ne plus rien dompter. Pour vivre, exploser, souffrir, continuer, aimer. Plus fort, plus vrai que ne le permet la modération, la tempérance. Ce serait risquer d’être soi sans faux-semblants, ce serait avoir l’audace de s’exposer aux erreurs, ce serait «être» pour de bon.
La mort, au-delà de la douleur qu’elle génère, ne devrait donc être qu’un signe explicite de la vie. Le détonateur de ce qui nous anime intimement et qui doit être réalisé. Pour que ta mort prenne un sens avec la vie que tu nous as laissée."

D' Emmanuelle

Hello Brother,

Je vais garder deux choses de toi, si toi, si là.

C’est ce souffle d’air qui t’accompagnait, qui nous accompagnait.
Dans la voiture surtout, c’était la liberté déjà.
Auguste Buisson - Jouvenet.
Gallieni - Emile Zola.
Bob, Mick, Bowie et Radio Nova.
L’Hippopotamus et le Bistrot du 17e.
Paris, London, Gisors. Kinshasa.
Hogarth qu’on a failli trouver.
Et la place Pereire.

Ce vent qui soufflait.

Dans nos vacances d’enfance. Dans nos trajets parisiens.
Nos célébrations, nos fêtes, nos liens.
Nos disputes, nos rires, nos liens.
C’est notre journée délicieuse à Bath, cette herbe si verte, ce ciel si bleu.

C’est surtout ton voyage en Inde et ton départ de Varanasi.
Le salut, la paix et la délivrance éternelles.

Oui, j’y ai vu ce souffle d’air.

J’ai cherché des synonymes pour « Air ».
Je crois que sur toi, c’est ce que j’ai voulu dire petit frère: allure, atmosphère, attitude, azur, bille, bise, bouffée, bouille, caractère, chanson, ciel, composition, dégaine, dehors, emphase, espace, expression, grâce, gueule, impression, influence, mélodie, milieu, oxygène, prestance, représentation, ressemblance, singerie, souffle, temps, touche, tournure, transport, vent, âme, visage.

Oui la deuxième chose que je vais garder très fort avec moi c’est ton visage.
C’est ce regard, avant, après.
J’ai vu ton regard se transformer, j’ai senti notre relation changer.
La Place Pereire encore.
Tu continuais tes voyages, tu approchais la serenite.

Tu as tourne la tête, et tu as posé ce regard sur nous tous.
Ici, la-bas.
Toujours.
Et ici tu as tout vu.

Grande étoile, grande star, Keep your eyes wide open et prends bien soin de toi.
Grande etoile, grande star, garde tes yeux grands ouverts et prends bien soin de toi.

Mon petit œuf qui a tourné si vite,
Je suis tellement fiere de toi,
Je t’aime tres fort.

Ta grande sœur,
Emmanuelle





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De Morgane - D' Olivia - De Peter - D' Isabelle Raynal

De clint



De Morgane ( qui a voyagé avec Clint en Inde )


J’étais à Mahabalipuram, j’arrivais de Madras. Mahabalipuram est un village dans lequel j’étais allée au cours de mon premier voyage en Inde en 2003. A ce moment-là, j’y étais avec une amie Emilie, nous parcourions l’Inde pour trois mois et avions décidé de voyager surtout dans le sud. Elle avait attrapé une allergie assez impressionnante, elle s’était fait piquer par des puces de sable sur les îles Andaman, et elle avait passé la nuit à se retenir de se gratter. Sa peau sur tout le corps la démangeait beaucoup, et avait l’aspect de piqûres de moustiques géantes.
Elle était désemparée et ne savait pas quoi faire et nous nous sommes adressées à un français installé là-bas depuis environ 20 ans, qui tenait un restaurant. Il l’a aidée en l’accompagnant à une clinique pour qu’elle s’y fasse soigner.

Lorsque je suis retournée à Mahabalipuram donc, j’ai voulu retrouver ce restaurant appelé Nautilus et voir s’il était tenu par le même homme.

C’était le cas, et j’ai alors décidé, comme une sorte de remerciement tacite de retourner y manger chaque soir de ma présence dans ce village.

Les tables se remplissent au fur et à mesure, si bien que l’on se retrouve en face où à côté d’autres voyageurs, avec lesquels on fait connaissance.

J’avais commandé une bouteille de bière, là-bas les bouteilles sont grandes, on ne peut pas commander un verre. J’avais l’intention de boire un verre ou deux de bière et laisser ce qui resterait.

Le serveur a placé Clint à ma table.

Nous avons engagé la conversation, et je lui ai offert de partager cette bouteille avec moi, il m’a remerciée, disant qu’il trouvait ce geste sympa. Nous nous sommes présentés, et je n’ai pas compris son prénom tout de suite, c’est une habitude pour lui, il me disait que certaines personne pensent Klimt… et nous avons passé la soirée à parler, de son voyage, du mien et de mon précédent, de ses études à peine achevées, de la vie professionnelle qui démarre, de son stage qui lui avait donné confiance, de sa famille, je m’appelle Morgane, comme sa sœur.


Nous avons passé une bonne soirée à discuter aussi avec le couple français qui s’était installé à côté de nous, et qui vivait dans ce village depuis quelques mois dans le but d’apprendre la musique kharnatique, à Madras. Un cours par semaine, à Madras, ville polluée et très bruyante, le reste du temps dans ce lieu plus reculé et agréable. J’ai évoqué l’aide qu’avait apporté Jacques, le propriétaire à mon amie, il s’est joint à nous, nous a raconté des anecdotes rigolotes.
Clint m’a parlé des lieux où il était allé, il arrivait de Pondichéry, du sud, il ne savait pas exactement où aller après son passage par ici, et n’avait pas de billet retour, il était libre, et j’ai beaucoup aimé cette idée de ne pas avoir de date.

Je lui ai suggéré des itinéraires en lui recommandant de monter vers le nord. A cette période de l’année la température monte très haut dans le sud avant l’explosion et le soulagement de la mousson.

Apres le repas nous sommes allés nous promener sur la plage, un peu sale et mal éclairée, et avons continué notre conversation, mon histoire, la sienne, nos vies respectives, nos parcours, quelque uns de nos idéaux.

Il est des personnes que l’on reconnaît tout de suite, très tôt dans la rencontre, comme des personnes de valeur, par le choix de leurs mots et leurs propos, par leurs silences, par leurs regards sur les choses et la vie, Clint était une belle âme.
Nous avons passé un bon moment assis sur un tourniquet déglingué, et nous tournions doucement en parlant.

Le temps a passé et nous nous sommes fait chasser par la police municipale, qui faisait respecter un couvre feu en quelque sorte.

Nous rentrions et Clint se rend compte qu’il avait oublié son livre sur le tourniquet, je l’ai attendu devant une maison dont la porte était entrouverte.

Un homme y mangeait assis par terre, en regardant la télévision, que je ne voyais pas mais que j’entendais. Sur le mur, il y avait une photographie de Amma, cette indienne qui prend les gens dans ses bras. Il m’a vue et est venu sur le seuil de la porte, il se déplaçait avec ses bras, ses jambes ne fonctionnaient plus, et m’a demandé si j’avais besoin d’aide - la grande bonté des indiens – merci, j’attends quelqu’un. Nous nous sommes souhaité une bonne soirée.

Sur le chemin qui nous menait à nos guest house, nous avons vu les intouchables allongés sur le sol, dormant profondément. La journée, ils essayent de vendre les breloques qu’ils fabriquent et les tissus transformés en paréo.

Tout le monde au lit.
Le lendemain, nous nous sommes retrouvés au petit déjeuner, café, pas bon, et avons passé plus ou moins la journée ensemble, nous nous sommes séparés un moment dans l’après-midi, et puis en fin de soirée nous nous sommes retrouvés.

Comme le jour suivant, nous passions un peu de temps ensemble et nous donnions rendez-vous pour plus tard.
Nous nous intéressions l’un à l’autre et avions un échange de qualité.

Je lui ai proposé de m’accompagner à Kanchipuram, où je souhaitais retourner pour revoir des temples et aussi aller visiter un centre de promotion pour la production textile.

Nous avons pris un bus après notre petit déjeuner, et deux heures plus tard, sommes arrivés dans cette ville poussiéreuse. Nous avons passé le temps à jouer sur mon iPod.

Sur la route vers un des nombreux temples, nous avions décidé de marcher un peu malgré la chaleur de midi, nous nous sommes arrêtés dans une sorte de café pour boire un jus. Il y avait quelques hommes, dont certains un peu grisés, et cherchaient à se faire comprendre de Clint, ils étaient intrigués aussi par mon éventail, que j’oublierai plus tard dans une voiture Ambassador.

Nous avons poursuivi notre périple dans la ville, des enfants nous ont accompagnés le long de la route qui nous menait à un des temples. Comme tous les enfants, ils nous ont posé des questions sur notre origine, si nous étions mariés, nos noms, nos âges…

Nous avons vu quelques beaux temples disséminés dans la ville et avons réussi à trouver ce fameux centre textile, très bien caché dans un bloc de rues sans nom. Il nous a fallu demander et demander encore aux indiens qui ne veulent jamais dire non, pour localiser cet endroit magique. Merci Papa de m’avoir décrit «Ne rentre pas à Paris en te disant si j’avais su, si j’avais osé, si j’avais pu » ça m’a donné du courage pour le trouver ce lieu.

Avant cela, nous nous sommes retrouvés dans un centre de tissage de soie tenu par une famille, avant de nous rendre compte que ce n’était pas le lieu que je cherchais. Ils tendaient de la soie teinte devant leur atelier, la soie était bleue vif, magnifique.
Dans le centre, nous avons passé une heure à admirer les teintures naturelles utilisée par ces tisserands, mirobolan, indigo, curcuma et autres plantes et épices …

J’écris de la main gauche, je prenais des notes, et un des hommes qui étaient avec nous m’a dit que les gauchers sont chanceux, je lui ai répondu que ma chance, c’était d’être à ce moment-là, à cet endroit-là. Ils nous ont aussi expliqué les différentes méthodes de tissage typique de Kanchipuram, les types de broderie d’or sur les côtés des saris.
Nous avions soif et je voulais offrir à Clint un bon jus de fruit pour sa patience, nous avons trouvé le bon endroit et avons savouré ces vitamines.


Retour à la gare routière, attente assez longue pendant laquelle nous avons joué à résoudre des énigmes, un homme souhaitait nous offrir un café, mais ça ne nous disait rien, et régulièrement il venait nous voir pour nous dire que notre bus direction Mahabalipuram arriverait bientôt. Nous nous sommes assis sur le trottoir, Clint fumait une cigarette, et près de nous il y avait ce groupe de femmes qui nous regardait, ma jupe, mon éventail, Clint et ses cigarettes, l’une d’entre elle ne parlait pas anglais mais essayait de communiquer avec nous. Elle faisait des gestes en regardant la cigarette et faisait mine d’expulser la fumée, pour autant quand Clint lui a proposé une cigarette elle a refusé. Elles n’appartenait pas à une haute caste, car sinon, elles n’auraient pas regardé Clint. Le bus arrive enfin et nous reprenons la route, pour rentrer à Mahabalipuram.
La nuit tombe, le bus circule parmi les petits villages qui nous séparent de notre destination finale.

C’est beau, les foyers sont allumés dans les maisonnettes et abris de fortune, les ampoules à basse tension éclairent tant bien que mal les bordures des routes, la lune est rouge vif et tellement plus grande qu’à Paris !

Je lui fais remarquer la finesse des bras d’un indien assis à côté de lui, ils sont même plus fins que les miens. Les indiens ne sont pas robustes.

Nous arrivons enfin, il est assez tard, et nous avons faim.

Après une douche rapide, nous nous retrouvons dans un petit restaurant qui n’a plus de poisson malheureusement, mais de toute façon, le tenancier, nous fait comprendre que nous ne pouvons pas rester bien longtemps, il a une heure de fermeture à respecter.

J’amuse Clint en demandant un sourire avec mon plat au serveur qui fait la tête.
Retour à nos guest house respectives pour une bonne nuit de sommeil, mais avant cela, il me montre la piscine de sa guest house, nous restons à discuter quelques minutes, les oiseaux de nuit nous accompagnent, il y a plein d’étoiles dans le ciel, nous cherchons à reconnaître quelques constellations.

Nous avons décidé d’aller ensemble le lendemain à Madras, moi j’y retourne car je veux y voir quelques ateliers de production textile et des centres de broderie. Et puis, nous avons fait le tour de Mahabalipuram, où il y a quelques temples dans l’arrière du village et aussi sur la plage, Clint s’est d’ailleurs levé aux aurores pour voir le lever de soleil sur le Temple du Rivage, il est fatigué.

Il me confirme aussi que la plage sert aussi de toilettes publiques, au petit matin… Luxe, calme, volupté, et réalisme cru d’une Inde de plus d’un milliard d’habitants, tous les systèmes n’ont pas suivi l’accroissement de la population, et en grande majorité, les indiens sont très connectés à la nature… Il n’y a pas de snobisme ici, le snobisme est une invention des pays riches.

Le mardi matin, nous nous retrouvons pour prendre le petit déjeuner avant de partir pour Madras.

Au moment où nous nous rejoignons après avoir fait nos check-out, un indien nous demande si nous acceptons d’aller participer au tournage d’une publicité dans les studios de cinéma. Je suis plutôt d’un naturel réservé, alors j’hésite un peu, tout en étant tentée de prendre ma revanche sur une aventure identique mais moins intéressante finalement, à Bombay au cours de mon premier voyage.

Devant l’enthousiasme de Clint, et ne voulant pas vraiment que notre séparation arrive de cette façon, je l’aime bien Clint, je dis oui.

Nous allons donc passer la journée dans les studio, et devrons jouer, quoi ? Ce n’est pas très clair… Nous serons payés 700 roupies, nourris, et nous y allons en taxi ! Bien plus confortable que le bus, bien plus rapide aussi, mais mois propice aux rencontres.

Nous voici dans cette belle voiture Ambassador, blanche, qui nous amène à Madras. Nous avons le temps de voir défiler le paysage.

Il fait enfin beau à Madras, mes précédents passages sous la pluie ont été pénibles.
Nous arrivons aux studios et une personne nous propose de nous installer dans une loge, nous ne savons pas exactement comment la journée va se passer, mais croyons naïvement que nous allons jouer rapidement. Cela n’a as été le cas. Je me rends compte que j’ai oublié mon éventail si pratique ! et mes lunettes de soleil sur le siège arrière de la voiture, elle est déjà partie. Il a fallu attendre toute la journée, et passer le temps, dans le hangar où était réalisée la publicité, des ventilateurs énormes, beaucoup de monde, des caméras, un décor en carton pâtes sur notre droite représentant quelque temple égyptien, mais l’action de la publicité se passait sur une plage. Beaucoup d’enfants jeunes et moins jeunes devaient jouer, la plupart venaient de Singapour. Ils ont été maquillés et habillés. Dans la loge, nous avons mangé de bons plats indiens, c’était curieux de voir des personnes à nos soins, nous parler très gentiment. Il y avait un jeune homme qui était notre contact, c’est à lui que nous pouvions tout demander, de l’eau… nous passions notre temps à faire des allers retours entre la loge, le terre plein, le hangar où ils tournaient les scènes de la publicité. Un groupe de jeunes femmes dans la loge a parlé avec nous, certaines d’entre elles étaient présentes car leurs époux travaillaient dans le studio, elles sont curieuses et nous posent des questions, comme tous les indiens, nos âges, nos professions, si nous aimons l’Inde, ce que nous avons vu, où nous allons…plus tard dans l’après midi l’une d’entre elles nous propose de passer la soirée chez elle, nous sommes flattés et disons oui. Nous ne savons toujours pas quand et ce que nous devons jouer, notre contact est un peu flou, parce qu’il sent que je suis un peu inquiète, ou stressée par ce que je vais devoir faire… je fais un somme, Clint lit son livre.

Autant je suis un peu stressée, autant Clint est décontracté, mais au fur et à mesure que la journée avance, notre impatience grandit, il fait chaud, nous nous sentons sales, et même si c’est intéressant d’être là, je commence à avoir l’impression de perdre mon temps.

Je fais un peu de yoga, ce qui déclenche une conversation avec Clint sur la pratique, la respiration…

Je lui apprends quelques postures, l’arbre de vie ou tout se joue dans la respiration pour garder l’équilibre.

Nous attendons, attendons….

A un moment, il semble que quelqu’un demande si nous avions des maillots de bain, hors de question, je ne veux pas me retrouver dans cette tenue au milieu du hangar…

Ils souhaitent que Clint se rase, hors de question, il n’a pas de rasoir, enfin il en a un, mais il ne veut pas se raser…

Des plateaux de petits feuilletés circulent, c’est très bon, et ça fait passer le temps.
On nous demande de nous asseoir sur un banc pendant qu’ils tournent une scène avec les enfants.

Au centre de la scène des jeunes filles dansent sur un chorégraphie kitch pendant que les enfants jouent à se lancer des ballons, le petit garçon qui est proche de nous n’est pas partageur du tout, et dès que le ballon tombe, il s’empresse de le ramasser et ne laisse personne y toucher. Démarre un petit jeu avec Clint entre les prises, ou on lui dérobe le ballon et on le donner à sa copine, toujours souriante, qui prend manifestement beaucoup de plaisir à passer cette journée ici. Je me souviens avoir fait la réflexion que j’aurais réprimandé ce petit garçon s’il avait été mon fils. Et voyant que Clint de rentre pas dans son jeu, le petit garçon au début plutôt bavard et curieux devient un peu agressif… Un peu plsu tôt dans la journée, il nous avit dit fièrement être ceinture verte de karaté…

La prise est finie et nous sortons de nouveau dehors.

Plus tard nous aurons à jouer dans une autre scène.

En attendant, nous discutons et patientons…

Je me plains d’être fatiguée.
Finalement, il est un peu tard, mais on nous demande de nous recoiffer, ça va être notre tour.

Clint se retrouve avec un sorte de brushing, et moi les cheveux ébouriffés, pas fashion. Ça nous fait sourire ce contexte… Il me dit d’ailleurs qu’il veut couper ses cheveux, mais qu’il hésite franchement parce qu’ici, c’est sûr, les coupes ne sont pas à la dernière mode, et lui ne veut pas ressembler à un indien avec une coupe des années 50. J’essaye de le réconforter en le taquinant, sa coupe lui va trop bien !

La scène : nous sommes un couple au bord d’un bateau sur le sable, et nous devons chanter le refrain de la chanson que nous avons entendue toute la journée, qui sera la musique de fond de la pub. C’est de l’hIndi je crois, pas très facile à prononcer, on a deux minutes pour apprendre par cœur et s’est parti ! Saravanavil …kikudu… Clint gardera la chanson en tête longtemps après.

Moi, je me sens mieux, je joue le jeu et j’essaye de me détendre, je fixe la caméra et prends cet air coquin qu’ils souhaitent, et Clint finalement stresse un peu, on n’est pas très à l’aise devant la caméra que l’on doit fixer du regard.

Mais on ne se débrouille pas si mal, parce qu’il nous aura fallu peut-être une dizaine de prises avant qu’ils nous disent que c’est bon, on est bien plus performants que les groupes précédents !

Ceci dit, nous avons un doute, peut-être que nous avons été si mauvais qu’ils ont laissé tomber l’idée…

Deux minutes plus tard, nous voici dans un rickshaw avec nos gros sacs à dos, nous avons décidé de na pas aller chez cette femme qui nous avait invités, trop fatigués, notre contact nous donne nos 700 roupies, nous avons gagné notre salaire ! Direction une guest-house « le broadland Lodge » dans laquelle je suis passée avant d’aller à Mahabalipuram.

C’est endroit est un havre de paix, bien calme à Madras, des cours se succèdent et des chambres simples, doubles avec ou sans salle de bain sont distribuées tout autour, il y a des escaliers qui partent dans tout les sens, des plantes ici et là, on a l’impression d’entrer dans un vieux bâtiment, c’est d’ailleurs annoncé à l’entrée : Since 1951.
On nous fait visiter des chambres, je veux prendre un chambre avec salle de bain, j’en visite deux ou trois et en choisi une au dessus de la première cours, elle sent moins l’humidité que les autres, Clint en prend une un peu plus loin. Toutes les chambres sont décorées sur le même mode : un tissu rayé de différents bleus sur les lits, pour les oreillers, et pour les rideaux, les embrasures des portes, fenêtres, rideaux, rambardes, escaliers… sont bleus clairs, presque turquoises, ça tranche avec les murs peints en blanc, et les plantes vertes, c’est dans l’ensemble assez joliment entretenu.

Nous attendons pour faire notre check-in, il y a un touriste qui s’enregistre. Nous sommes assis sur une petite banquette et en face de nous se trouve une petite étagère remplie de bouquins en toutes langues. Nous regardons nos passeports, je retiens le nom de Clint et lui dit que je le trouve joli son nom, il sonne bien.

Un petit livre en hébreu retient mon attention, il ressemble au livre des psaumes, j’essaye de lire le nom de l’auteur, Rabbi Naham de Braslav…ça impressionne Clint que je sache lire l’hébreu, même s’il sait que j’ai eu un petit ami israélien pendant quelques années, je prends un autre livre en français : Cent ans de solitude, je décide de le prendre avec moi et de débuter sa lecture.

Clint s’enregistre puis vient mon tour, on se retrouve dans un quart d’heure après une douche bien méritée.

Pas très loin de la guest-house, sur Triplicane, se trouve un très bon restaurant populaire, on y prend un bon dosa, cette galette remplie de pommes de terres épicées et autres petits légumes, et des épinards. De retour au Broadland, on regarde les différentes cartes de l’Inde, fixées sur les murs, Clint envisage d’aller à Hyderhabad et regarde la distance avec Madras.

Je vais me coucher, nous nous disons bonne nuit.

Le lendemain matin, je demande à l’accueil du café au lait et du sucre et je me rend à la chambre de Clint pour lui apporter ce petit déjeuner léger.

J’ai quelques visites à faire à Madras, des ateliers à visiter, et après avoir pris notre café dans sa chambre, nous convenons de nous retrouver au Spencer Plaza vers midi pour manger ensemble. Clint veut s’acheter un lecteur de MP3, le précédent à lâché il y a quelques temps et la musique lui manque un peu, et le Spencer PLaza est un centre commercial plein de boutiques en tout genre, c’est là que j’y ai passé ma première journée en Inde alors qu’il pleuvait sur Madras, et que j’y ai acheté mon billet A/R Madras-Bhubaneswar.

Je le retrouve donc et nous longeons Ana Salai pour manger dans ce bon restaurant Sikh dans lequel j’étais allée, ça prend un peu de temps d’y arriver et à un moment j’ai un doute, Clint me demande si je suis sûre et je lui dit oui et de me faire confiance, il me répond qu’il me fait confiance.

Sur le chemin du retour, nous passons devant un magasin d’état que j’avais sur ma liste, grosse déception, rien n’est intéressant et on s’amuse à imaginer les objets kitsh sous nos yeux comme de potentiels cadeaux…boites en coquillages, trucs en bambou verni, napperons brodés…franche rigolade.

J’ai deux ou trois boutiques d’artisanat à aller visiter, donc on se sépare pour se retrouver en fin d’après-midi. Clint n’est pas tout à fait décidé sur son choix de MP3 il va donc y retourner au mall dans l‘après midi.

Je rentre un peu pus tôt que prévu, déçue par ce que j’ai vu dans les magasins d’artisanat.
Au-dessus des étages de Broadland, il y a un toit terrasse depuis lequel on a une belle vue sur Madras, et notamment une mosquée, des minarets, j’y passe une bonne parte de l’après midi, à lire Garcia Marquez, que j’aime de plus en plus. J’ai pris mon appareil photo et comme j’aime le lieu, je photographie les alentours. Le chant du muezzin démarre et résonne, je vois plein de monde aller à la mosquée, et je prend des photographies.

Finalement, nous nous retrouvons à la tombée de la nuit.

A un moment, je lui dis que j’aimerai me retrouver dans une ville musulmane remplie de mosquées, ce doit être impressionnant, beau et ça doit transporter d’entendre tout autour de soi plusieurs muezzin faire l’appel à la prière en même temps, Clint est d’accord et je pense qu’il va sûrement vivre un peu ça à Hyderhabad avec un brin de jalousie d’ailleurs.
Nous avons envie de boire une bière et marchons sans savoir vraiment vers où aller pour trouver un wine shop où nous pourrions acheter une bouteille et retourner sur le toit terrasse.

En chemin, nous nous arrêtons à un stand pour prendre des cacahuètes délicieuses, en 5 minutes, notre petit cuisinier nous mélange des cacahuètes, un peu de coriandre, du piment, du jus de citron, un peu d’oignon vert, de tomates, le tout chauffé un peu et servi dans une feuille de papier journal pliée en forme de cône, très très bon. On grignote la friandise en cherchant. Nous avons fait une tentative en entrant dans une espèce de bar qui se transforme en boîte le soir, mais la musique est bien trop forte et nous ne sommes pas emballés par les serveurs déguisés en marins. On dirait la chanson WMCA version indienne, et la musique est trop forte, on ne s’entendrait pas.

En fait, un rickshaw nous propose de nous amener dans un endroit sympa pou boire cette bière, et nous nous laissons guider, il nous dépose au pied d’un hôtel haut de gamme, et nous nous retrouvons à la terrasse de celui-ci d’où nous avons une très belle vue sur Madras by night.

Quelques bières plus tard et après avoir mangé une salade libanaise et du houmous assez bon, et tandis que les serveurs oscillaient entre notre table et l’écran de télévision sur lequel jouaient les équipes indiennes et sud-africain de baseball ou polo, nous quittons l’hôtel. Nous avons passé une bonne soirée, nous nous couchons tard.

Le jeudi matin, c’est lui qui vient me réveiller avec du café frais et quelques fruits, nous décidons d’aller dans l’après-midi dans un ensemble de parcs au sud de la ville, ChildrenPark, SnakePark…

Pour y aller, nous devons emprunter un train de banlieue à partir de Egmore station, une fois sur place, il faut trouver le guichet pour les courts trajets, on y arrive et nous voici sur le quai à attendre le train en mangeant des cacahuètes. Il y a un appareil qui permet de prendre son poids et qui délivre un petit carton censé donner des indications sur son horoscope, il faut une roupie tout rond, j’en ai une, il se pèse et trouve surprenant le poids annoncé, 63 Kg je crois, cela signifierait qu’il a perdu du poids, depuis la dernière fois qu’il a joué avec un tel appareil. Ceci dit, rien ne nous assure qu’il est bien réglé, et Clint n’est pas maigre, mais plutôt normal. Sur le petit carton, il est indiqué quelque chose comme ‘ it is difficult to understand you’

Le train arrive, nous montons et nous nous rendons compte que nous sommes dans le compartiment des hommes, je suis la seule femme au début et puis deux ou trois autres femmes montent à un arrêt suivant. Je sens les regards de quelques hommes sur moi, mais pour autant rien de déplacé, on arrive même à me trouver un place au moment où un homme se lève, Clint fait en sorte que je puisse m’y asseoir. Merci Clint, tu es galant et attentionné. Une petite demi-heure plus tard nous descendons à la station, il fait chaud et nous prenons un Sprite à un stand, la bonne humeur de la jeune femme qui nous sert et ne parle pas anglais nous amuse. Il faut encore prendre un rickshaw pour aller dans les parcs.

Après la visite de Snake Park, nous cherchons un endroit pour nous allonger sur l’herbe et Clint veut se reposer un peu, il fait une bonne sieste, moi aussi mais je me réveille avant lui. Mais Clint se sent toujours fatigué, pas très en forme. Enfin d’après midi, nous n’avons pas le courage de faire tout le chemin inverse et nous décidons de prendre un rickshaw pour nous amener directement au BroadLand.

Nous mangeons un peu de poulet - frites indien dans un petit restaurant enfumé, très mal organisé, et j’ai l’appétit coupé parce que je vois en face de moi la pseudo-cuisine et comme ils nettoient les assiettes, je tente un regard sous mon assiette et la couleur que j’y vois me coupe vraiment tout net, les frites de Clint sont plutôt molles, bref, c’est raté …nous restons un peu dans la rue où se trouve le Broadland, pour boire un jus de fruit. Clint n’a pas super bonne mine, je trouve. Il fume une cigarette.

Une jeune indienne vient lui dire bonjour, ils s’étaient rencontrés la veille et elle veut lui vendre du riz, elle ne le lâche pas, elle explique qu’elle a besoin d’argent, le regarde fixement, je suis agacée parce que je vois que ça demande un effort à Clint de l’écouter, de lui répondre, de dire non.

Je lui demande d’arrêter, et de partir poliment mais fermement, elle me regarde durement. Il décide d’accepter et s’absente quelques minutes.

Nous avons décidé de partager la même chambre, et je veille sur lui dans la soirée. Il a de la fièvre, lorsque je mets ma main sur son front, je sens qu’il est chaud mais je ne peux pas savoir à quel point. Je décide de prendre régulièrement son pouls, le seul élément mesurable, et son pouls est assez élevé, je regarde dans ma trousse à médicament ce que j’ai à disposition. J’ai du doliprane et lui aussi, je regarde le traitement recommandé et il peut en prendre deux comprimés trois fois par jour. Il en prend donc deux à ce moment-là. Je n’ai pas d’antibiotique, mais il me fait comprendre qu’il n’en prendrait pas de toute façon. Mes autres médicaments sont des traitements pour problèmes intestinaux.

Je regarde dans son Lonely Planet la section concernant la santé afin d’essayer de rapprocher les descriptions que j’y lis de ce qu’il ressent.

Il n’a pas mal et me dit qu’il se sent juste faible et peut-être un peu mal à la tête. Cela semble correspondre à un état grippal.

J’essaye de comprendre ce qu’il a et comme il est allé dans ce centre commercial avec air conditionné, je me demande s’il n’a pas attrapé froid, tellement le contraste est grand avec la chaleur de la ville.

Je lui propose d’aller voir un médecin, ou d’aller à l’hôpital, mais il refuse net, nous manquons de recul sur son état, lui pense que cela va passer.

J’imagine qu’il ne souhaite peut-être pas se retrouver face à des médecins indiens alors je lui demande s’il n’a pas les coordonnées de son médecin traitant à Paris, que nous pourrions contacter, mais il n’a pas déclaré de médecin traitant et me dit qu’il n’a pas vu un médecin depuis au moins 5 ans.

Nous décidons de laisser passer la nuit et de voir comment il se sentira le lendemain matin.

Nous ne dormons pas très bien et sommes réveillés tôt le matin par la mosquée juste à côté.
Il se sent mieux, sa fièvre est un peu passée semble t–il, et son pouls a baissé. Il doit tout de même prendre du doliprane.

Je vais chercher de quoi prendre un petit déjeuner et nous restons dans la chambre.

Il se dit qu’il ira peut-être voir la plage de Madras dans l’après midi.

Je choisis de changer mon planning et d’annuler certaines visites que j’avais prévu de faire pour rester avec lui, même si Clint me pousse à profiter des mes derniers jours en Inde, il me dit que je dois me faire plaisir. Mais moi, je ne peux pas.

J’ai un rendez-vous que je ne dois pas manquer ce vendredi matin, il est le plus important de tout mon voyage. Je pars donc pour l’atelier que je dois visiter, ce qui me prend deux heures et je poursuis avec une deuxième visite d’un atelier de broderie tout près du Broadland.

De retour dans la chambre ; je retrouve Clint assis dans un fauteuil, et lui propose de manger quelque chose. Bien qu’il n’ait pas très faim, il accepte de manger une salade.

Je l‘incite à boire de l’eau, il fait chaud et il a transpiré, il faut se réhydrater. Je vérifie qu’il a pris du doliprane.

Je retourne donc au restaurant tout proche pour prendre quelques plats, je choisi en plus un bouillon de légumes pour lui, et un plat chaud pour moi.

Nous mangeons et il veut se reposer.

Dans l’après midi, je retourne voir une autre boutique d’artisanat en vain, elle est fermée. Clint lui, est allé sur Internet et a commandé son billet avion retour. J’avais trouvé super intéressant de ne pas avoir de billet retour, pensant que cela oblige à profiter encore plus de l’instant présent.

Nous avons parlé à plusieurs reprise des autres parties de l’Inde qu’il pourrait visiter, il souhaitait garder quelques endroits pour plus tard, pour un autre voyage
Je lui demande quand il a décidé de renter et il me fait croire qu’il rentre rapidement, devant ma surprise il s’amuse de moi et me dit ‘tu crois que je vais rentrer parce que je suis malade ? ‘

Nous mangeons une boite de sardine qu’il avait achetée à Pondichéry avec son couteau suisse et du pain. J’avais laissé un paquet de biscuit sur la table et Clint l’a déplacé sur le bord de la fenêtre, il est envahi de ces insidieuses fourmis qui trouveraient moyen d’aller su la lune s’il y avait quelque chose de digeste là –bas.

Il me dit qu’il aimerait bien manger une bonne pizza, et nous pensons au Spencer Plaza, avec ses boutiques plus ou moins occidentalisées, là-bas, il y a un Domino’s pizza et Pizza hut, donc le choix. Le centre est un peu labyrinthique et nous mettons du temps à retrouver la partie restaurant. Sur le chemin, nous croisons quelques personnes avec lesquelles Clint avait discuté lors de ses précédents passages, ils l’interpellent en l’appelant my friend, we are friends, en lui prenant la main, ils aimeraient qu’il entre dans leur boutique, Clint répond « peut-être demain », pour ne pas avoir à dire non, je lui fais la remarquer qu’il est très populaire, il leur sourit, les indiens savent attirer la sympathie par leurs sourires radieux, et leur regard dénués de toute animosité ou méchanceté…

Nous allons au Domino’s pizza et comme l’espace est partagé entre tous les restaurants, chaque serveurs se précipite à notre table pour proposer pâtes, boissons, coca, et jus de fruits frais, plats indiens… je suis un peu agacée par l’insistance qu’il mettent à nous coller leurs menu sous le nez et je ne veux pas qu’ils fatiguent Clint.

Nous mangeons sans goût, les pizzas ne sont pas très bonnes, un peu fades, un poste de télévision passe des clips indiens dont certains avec ce chanteur et acteur si populaire Kahn. Je lui demande comment il va, j’ai un peu peur de le fatiguer avec mes questions, il me dit avoir un peu mal à la gorge

Retour vers Triplicane. Nous nous énervons aussi des conducteurs de rickshaw qui nous demandent des prix insolents pour rentrer, nous sommes des touristes mais nous commençons à connaître les tarifs. Je dis à l’un d’entre eux : « Why are you trying to cheat us with the price you give ? » il est déconcerté, parce qu’il n’a sans doute pas l’habitude… on demande à plusieurs rickshaw à la suite leur prix, mais ils communiquent entre eux les prix qu’il nous donnent, il faut que nous nous éloignions un peu pour trouver un bon prix.

En route, moi, j’ai le blues de la situation, de mon départ qui approche,

Une fois arrivés à destination, je décide de lui préparer un thé bien chaud avec du jus de citron, nous avons besoin d’un thermos que nous trouvons à l’accueil du Broadland et nous achetons le thé dans la petite échoppe face l’entrée de l’hôtel, parfait, l’homme qui tient cette échoppe est adorable, avec son grand sourire, il est toujours enthousiaste, et nous guide, car il faut trouver un moyen de bouillir l’eau minérale, il nous conseille d’aller au tea shop à côté sur Triplicane, qui vend aussi du citron, parfait... J ‘achète aussi du miel.

Clint avait avec lui quelques ustensiles, une assiette, un mug entre autres.

Je lui prépare son thé dans son mug en métal, il le préfère au verre posé sur la table de la chambre. Il me raconte qu’il a toute une collection de mugs récoltés au gré de ses voyages. J ele pousse à boire tout son thé.

Puis nous passons la soirée à écouter de la musique sur son MP3, Bob Dylan, qu’il adore, les Doors, Lou Reed et Nico, quelques chansons françaises, je lui fait écouter Paco de Lucia, Clint me dit qu’il doit avoir les doigts durs tellement Paco joue vite sur la guitare. Il nous manque David Bowie.
Nous sommes allongés sur le lit, face à face et nous parlons de nous et évoquons de nos souvenirs, il me parle de son voyage en Corse, où moi-même ne suis pas allée, un si bel endroit si proche de la France, il avait fait le GR 20 avec des amis pendant que d’autres vivaient entre la plage et les soirées arrosées ; quelques déplacements en Angleterre à Bath, de souvenirs de pêche avec un ami sur l’île de la jatte, tandis que de véritables pêcheurs réussissaient à attraper de gros poissons, eux rentraient avec des petits de lieux où sortir à Paris.

Clint fume quelques cigarettes.

A un moment, nous entendons du bruit très fort dehors et nous n’arrivons pas à voir d’où ils viennent, ni à identifier de quoi il s’agit, mais c’est impressionnant ! Nous ouvrons les fenêtres les unes après les autres, la chambre est grande et à un angle du bâtiment.

Finalement, nous ouvrons la porte de la chambre et avons une superbe vision d’un grand feu d’artifice juste au-dessus de l’hôtel, digne d’un 14 juillet français. On est même un peu impressionnés parce que des cendres tombent dans la cour et il y a un grand arbre, et un instant j’ai peur qu’il ne prenne feu.

J’interprète ce spectacle comme un bel au revoir de l’Inde, puisque je dois rentrer à Paris le lendemain. C’est ce que j’aime en Inde, il y a toujours une surprise, quelques chose d’inattendu qui vient changer la situation, adoucir la réalité un peu brute parfois.


Nous avons dormi mieux que la veille, et je continuais à prendre son pouls régulièrement, il était toujours un peu élevé, et sa fièvre était toujours plus ou moins présente. Il ne se plaignait pas de douleur mais il se sentait fatigué.
Le samedi matin, nous nous sommes réveillés, j’avais un peu le cafard de devoir préparer mon sac pour mon retour, je ne savais pas trop comment organiser ma journée, j’étais toujours inquiète pour Clint.

J’étais partagée entre rester avec lui et aller voir les deux trois autres lieux qui m’intéressaient, et je laissais le temps s’écouler pour ne pas choisir, ma liste s’est donc réduite avec le temps qui passait, je ne voulais pas non plus peser trop par ma présence et je me demandais s’il voulait être seul ou non. Il en avait marre d’être dans cet état, et se disait que son voyage en train vers Hyderhabad n’allait pas être facile d’autant qu’il n’était pas assuré d’avoir une couchette, il n’avait pas fait la réservation habituelle, pour cela, il aurait dû aller dans le bureau des réservations plusieurs jours avant.
Nous écoutons de la musique.

Je sifflotais cet air de Coltrane My favorite things, et Clint m’indique alors que cet air est emprunté au film préféré de sa grand-mère « La mélodie du bonheur », où l’héroïne, par sa joie de vivre, son enthousiasme réussit à sortir une maisonnée de 7 enfants de sa léthargie, et reçoit l’amour de leur père… la mélodie du bonheur, c’est elle. Depuis, j’ai regardé le film en pensant à lui et à sa grand-mère.

Il m’a dit que je devais profiter de ma dernière journée et me faire plaisir. Il y avait ce musée que je n’avais pas pu visiter lors de mon dernier voyage car les départements qui m’intéressaient étaient fermés pour restauration, j’ai donc décidé d’y aller.

Le train de Clint pour Hydehabad partait à 18h30, il voulait quitter l’hôtel à 17 heures pour avoir le temps de trouver un billet sur place

Il fallait être stratégique, soit j’attendais son départ pour aller au Musée, mais j’aurais eu peu de temps, soit j’y allais en ce début d’après-midi et je le reverrais peut-être avant qu’il ne parte.

Je lui ai dit au revoir, donné quelques conseils, donné mon adresse mail en lui demandant de m’écrire rapidement pour me donner des nouvelles, je lui ai laissé mes tongs parce que ses birkenstocks étaient toutes usées.

Je lui ai dit de continuer à prendre du Doliprane.

Et je suis partie.

Par chance, le musée cette fois-ci aussi avait quelques départements fermés. Pas la section des sculptures de bronze que je voulais voir. Durant mes études d’histoire de l’art, j’avais notamment passé pas mal de temps à étudier l’art indien, et je connaissais quelques belles œuvres conservées dans ce musée.

Je suis rentrée plus tôt, je me suis dépêchée même, et j’ai pu rester près de Clint un peu de temps, je l’ai aidé à se préparer et nous nous sommes assis un peu avant qu’il ne parte, un soigneur de perroquet anglais un peu fou est venu discuter avec nous et puis il était temps que Clint parte pour la gare.

Je lui ai proposé de l’accompagner au rickshaw, il a fallu négocier encore une fois un prix réaliste pour une course vers la gare, et au moment de nous dire au revoir, je lui ai demandé d’aller voir un médecin si son état ne s’améliorait pas car cela faisait presque trois jours qu’il ne se sentait pas bien. Il m’a donné son accord, je lui ai souhaité de faire un bon voyage, je lui ai souhaité un bon anniversaire, nous étions alors le 29 mars, et nous nous sommes quittés au coin de Triplicane.
Je suis rentrée le vague à l’âme dans la guest house, la chambre semblait immense sans Clint et toutes ses affaires de voyage, il n’y avait plus de bruit et il était temps pour moi de partir.

Je suis allée à la recherche d’une poste, j’avais mes cartes postales presque touts identiques à poster, j’ai commencé à pieds, je devais faire passer le temps, mais la poste était loin, j’ai finalement pris l’aide d’un rickshaw et attendu une fois arrivée à la poste un bon quart d’heure, car c’était la pause thé du commis. En France on a la pause café, en Inde, c’est la pause thé.


Je suis rentrée et j’ai pris une douche, et je suis retournée sur Triplicane pour voir si je pouvais trouver quelques petites choses à acheter.

Il y avait quelques pharmacies dans lesquelles j’ai pu me procurer du savon ayurvédique, et quelque crème, on m’a dirigée vers une pharmacie ayurvédique où j’ai pu trouver d’autres plantes médicinales qu’un étudiant en médecine ayurvédique m’avait conseillé à Puri, en Orissa.
J’ai ensuite mangé dans ce restaurant où nous étions allés Clint et moi, pour savourer une dosa, je crois que c’est mon plat préféré, une raita, j’osais enfin manger des légumes crus, et un bon Lemon soda.

A 9h30, le rickshaw walla que j’avais pris le matin devait venir me chercher pour m’amener à l’aéroport.

J’ai terminé mes bagages, et j’ai fait mon check out à 9h. J’ai passé ma dernière demi-heure au bureau du Broadland et nous discutions avec le garçon d’accueil et surtout le viel homme charmant, qui ne comprenait pas toujours ce qu’on lui demandait, mais très très malicieux, avec une belle lumière dans son regard, c’est lui qui nous préparait le café le matin et qui nous avait fait visiter toutes chambres disponibles avant que nous nous décidions.

J e l’aimais bien ce monsieur, et nous avons plaisanté, parce qu’il voulait venir avec moi à Paris, et j‘ai joué le jeu, en lui disant que je lui servirais de guide et que nous marcherions bras dessus bras dessous.

Il était enchanté, et je pense qu’il voulait y croire. Je l’ai questionné sur sa famille, il m’a dit avoir des enfants, don u à New York et un autre en Italie, sa propre femme était là-bas, je lui demandais pourquoi n’allait-il pas à New York, il y était allé un fois et ça ne lui plaisait pas, il voulait rester ici, il devait travailler malgré le fait qu’il était à la retraite pour continuer à vivre correctement.

Il voulait savoir combien je gagnais. Plus tard, je lui ai dit qu’il était quelqu’un de bien, et lui me répondait que tous lui disaient qu’il était un ‘naughty boy’, j’étais la seule à ne pas lui dire, et c’est pour ça qu’il voulait rester avec moi.

Son grand sourire franc et sincère, ses yeux plissés par l’âge…

Ils m’ont offert un tchai, j’ai du payer 25 roupies pour le verre casé dans la chambre à cause d’une bougie que j’y avais placée et puis il a été temps pour moi de partir,

Le rickshaw m’attendait. Une bonne demi-heure plus tard, j’étais à l‘aéroport, mon avion partait à 2h30, l’attente a été longue et finalement nous avons décollé. J’ai pensé à Clint parce que son avion du retour devait décoller à 5h du matin et cela signifiait qu’il aurait à veiller toute une partie de la nuit, dans l’aéroport de Delhi, il y a mieux…

J’aime décoller ou atterrir de nuit, ça me permet de voir la ville éclairée, et de bien voir ses proportions, sa constitution, et ses vibrations, les lumières qui scintillent.

Goodbye Mother India.
Quelques jours plus tard, alors que j’avais repris le travail et m’étais replongée dans ce monde si différent, j’ai eu envie d’avoir des nouvelles de lui. Il ne m’avait toujours pas envoyé ce mail. J’avais écrit mon adresse mail sur la page de garde de son Lonely Planet, j’étais certaine que ce livre là, il ne le perdrait pas, il avait aussi d’ailleurs ma carte de visite, mais nous avions convenu qu’il me contacterait sur mon mail personnel. Je regardais ma messagerie très souvent, un peu de façon compulsive d’ailleurs. J’avais envie d’avoir de ses nouvelles.

Pas de mail.

J’ai regardé s’il avait une page sur Facebook, je me souvenais de son nom de famille que je trouvais beau, et j’ai ainsi pu lui envoyer un message, discret d’ailleurs : je lui demandais comment il allait. Ce message date du 2 avril.

Pas de réponse.

Puis j’ai été assez prise par le travail, plusieurs déplacements en Espagne successifs.
J’ai parlé de lui à mes amis que j’ai retrouvés, j’avais fait un beau voyage pour plusieurs raisons, d’abord parce que je l’avais fait toute seule, et que j’étais fière de moi, d’être allée à la rencontre de l’inconnu, de ne pas avoir peur mais plutôt confiance en ce que l’Inde pouvait m’apporter. Ensuite parce que j’ai pu visiter pas mal de lieux intéressants pour mon projet, j’ai pu voir des textiles magnifiques, des métiers à tisser, des artisans. Et puis parce que j’ai fait de belles rencontres, la première c’est Christopher qui m’a aidée à prendre la décision d’aller à Bhubaneswar plus tôt que prévu et en avion, car ‘j’étais venue pour ça’ et parce qu’il pleuvait beaucoup à Madras au début de mon voyage, la deuxième c’est Bernard, un Monsieur qui enseigne les religions hindoues à l’université Cornell de New York, nous avons passé une très bonne soirée à Puri, et avons gardé contact depuis, et la troisième rencontre a été celle de Clint.
Depuis ma séparation d’avec Roy en juillet dernier, j’avais émis de sérieux doutes quant à ma possibilité d’être à nouveau séduite pas quelqu’un, je n’avais pas de perspective sur ma vie sentimentale et j’avais accepté de traverser cette période d’absence de sentiments en me concentrant plutôt sur mes projets personnels.

Clint a changé cela. Il m’a charmée, et j’ai senti à nouveau mon cœur battre. Et je lui suis tellement reconnaissante.

Je me disais qu’il m’avait peut-être oubliée, quand nous étions à Madras, il m’avait remerciée pour l’aide que je lui avait apportée, ça ne m’a pas coûté grand-chose lui avais-je répondu, en toute sincérité, ce à quoi il avait répondu que ce n’était pas ma vie.

Je ne suis pas d’accord, nous avions passé une semaine ensemble et même s’il était possible que ça s’arrête là, il était entré dans ma vie et j’étais entrée dans la sienne.

Après Hyderhabad, il envisageait d’aller dans la nature, près d’un cratère, loin de la ville.

Peut-être n’y avait il pas de connexion Internet là-bas ?

Je me disais aussi qu’il prendrait contact avec moi de retour à Paris, qu’il vivait son voyage pour le moment.

Je lui avais laissé mes tongs car ses fausses birkenstock étaient vraiment toutes usées. Les vraies, celles avec lesquelles il avait voyagé au début, on les lui avait volé, et il avait retrouvé cette pâle copie. Il m’avait dit qu’il me les rendrait ou m’en achèterait de nouvelles, je n’y tenais pas, elles étaient bien plus utiles à ses pieds que dans mon sac de voyage à attendre de fouler un autre sol plus tard. Mais cela signifiait qu’il prendrait contact avec moi.

Je lui ai envoyé de nouveau un mail sur facebook, où je lui disais mon besoin d’avoir de ses nouvelles. Je ne lui demandais pas seulement comment il allait, mais je lui demandais de me répondre.

Pas de réponse.
Le jeudi 1er mai, alors que je commençais à utiliser mon nouvel ordinateur portable chez moi, j’ai tapé le nom de Clint sur Google. Je croyais à la magie, et j’imaginais naïvement que Clint apparaîtrait et me ferait un signe.

Au lieu de cela, c’est un lien pointant vers le blog de Peter que j’ai lu, avec cette phrase terrible qui reste dans ma mémoire :

Clint Sezalory, Morgane's brother, died in a hospital in Varanasi, a city in northeastern India on Friday. We are all trying to cope with the sudden loss of ...


Défilement d’images, de paroles de souvenirs, entrecoupées par des pensées pour sa famille, sa maman, ses sœurs, ses amis.

J’ai pleuré, j’ai marché dans mon appartement, j’ai appelé des amis, l’un d’entre eux a répondu et nous nous sommes retrouvés.

Que lui est-il arrivé ?

J’ai très vite pensé à sa famille, en imaginant la peine et la douleur. Et l’incertitude.

Je me disais que le fait de ne pas savoir ce qu’il a vécu devait être une torture.

Moi même j’ai conçu des scenarii imaginaires, essayant de deviner, déduire ce qu’il a fait après son départ. Comment est-il arrivé à Varanasi, Pourquoi y est-il mort ? Et ne pas savoir est le pire.

J’ai rapidement pris la décision d’entrer en contact avec sa famille, par quel moyen, je ne savais pas exactement, mais j’avais l’intuition que je pourrai apporter peut-être un peu de soulagement en restituant les quelques jours que nous avons passés ensemble, comme un baume sur la blessure béante de sa disparition.

Mes amis m’ont appuyée.

J’ai appelé ma maman, et lui ai demandé « si ça m’étais arrivé, à moi, aurais-tu souhaité être contactée par des personnes qui m’aurait rencontrée ? Qui auraient pu donner des informations, aider ? »

J’ai commencé à écrire, pour parler de Clint, lui redonner vie un peu avec ses mots, le plus fidèlement possible, le plus sincèrement possible, avec la plus grande application, me rappeler de chaque instant que nous avons passé ensemble, nos paroles, nos décisions, et plus j’écrivais plus cela me semblait juste et bon. Cela me fait du bien, et j’espère que ce sera aussi le cas pour sa famille.

J’ai eu quelques échanges avec Peter, qui m’a mise en contact avec Morgane. Je vais l’appeler.


Durant toutes ces journées où j’ai pu passer du temps avec Clint, nous avons beaucoup parlé de nous mêmes et j’ai découvert un jeune homme sensible, confiant en la vie, curieux de lectures et de rencontres, heureux de voyager et d’être dans un espace où l’on apprend aussi beaucoup sur la nature humaine et la différence. J’ai vu un bel esprit, éduqué, intelligent, une personne qui a été aimée, et il trouvait un équilibre entre sa formation universitaire et ses goûts plus personnels pour la littérature, l’écriture, les témoignages d’expériences personnelles, la musique. Beaucoup de calme, de sérénité et de gentillesse émanaient de lui, je pense qu’il traitait les personnes à son égal, je n’ai pas vu de méprise dans ses yeux à aucun moment et plutôt de la patience et de la considération. J’aimais être en sa présence, même pendant nos silences.














SOUVENIRS DE CLINT DANS LE DESORDRE DE NOS CONVERSATIONS

Il regarde les infos le matin sur son ordinateur portable en buvant un café.

Il a vécu à Kinshasa.

Il n’écrit pas toutes ses pensées sur son carnet Moleskin car ne souhaite pas que ses pensées les plus personnelles soient lues, donc il les garde pour lui.

Il aime les jeunes femmes aux cheveux roux.

Je lui ai demandé s’il avait été un bad boy, et il m’a répondu avoir un petit casier judiciaire car il s’était fait piquer devant la Mairie, pas malin, à récupérer les menues monnaies des horodateurs.

Il a fait du skate, et d’autres sport mais rien de très régulier, ça lui a valu quelques bobos.
Il a voyagé avec une allemande mais ils ont fini par ne plus faire route ensemble, elle l’énervait, tout ce qu’elle disait à la fin l’énervait, quand je lui ai demandé de me donner des exemples, il a choisi celui des repas où elle demandait toujours de modifier les menus, les compositions des plats…
J’écrivais des cartes postales pour ma famille, je n’ai pas trop l’habitude de le faire, mais si l’on est dans un pays exotique comme l’Inde, c’est toujours agréable de recevoir une carte. J’avais pris toutes les mêmes, et ça nous amusait de penser à ça, mais de toute façon personne n’était censé s’en rendre compte, il a lu une de mes cartes pour se donner un peu d’inspiration dans cet exercice un peu monotone.
J’ai complété le dessin de la carte de l’Inde qu’il avait fait dans son Moleskin, pour chaque étape de son voyage, il indiquait par un trait continu les voyages réalisés en bus, par un trait continu mais régulièrement coupé de petites lignes, un trajet en train. Chaque ville, chaque lieu dans lequel il s’est arrêté est indiqué par un point qui ne doit pas être trop petit. J’ai aidé Clint à remplir la partie Mahabalipuram, Kanchipuram et Madras, et j’ai découvert un côté méticuleux chez lui, que je n’avais pas perçu avant.

Qu’est ce que tu fais le soir quand tu rentres ? Me demande t-il ? Je me prépare de bons petits plats, j’aime cuisiner pour moi et pour les autres et j’aime surtout le vendredi soir après un bonne semaine de travail, préparer un bon plat et boire un verre de bon vin rouge. Lui me dit qu’il n’a pas cuisiné depuis des mois, qu’il mange plutôt des plats préparés, un evie bien remplie, moi je trouve ça dingue.

A un autre moment, nous avons parlé de la pomme de terre, Clint aime la pomme de terre cuisinée sous toutes ses forme, je lui avais parlé d’une recette de pommes de terres au four mélangées avec des oignons grelots, du topinambour, des carottes, patates douces, sel et poivre, et verser au-dessous un mélange de miel et de thym, c’est très bon, et je voyais que ça le faisait saliver…j’aurais aimé pouvoir l’inviter chez moi et lui cuisiner ce plat à son retour.

Comment s’appelle ta mère ? Sylviane.

Je vis dans un grand studio dans le 11e arrondissement et il a fait le choix de vivre dans un deux pièces, c’est plus sympa d’avoir une chambre à part. et ça n’est pas délibéré mais il vit à côté de l’appartement de sa maman.

Il aime beaucoup Bob Dylan et le connaît très bien, il s’était fait une sélection spéciale avant de partir.

Il avait un vieux portefeuille tout craqué qui datait de l’époque où il faisait du skate.
Nous avons écouté et chanté ensemble Happy Christmas de J. Lennon, et pour la première fois, j’ai entendu à quel point Lennon souhaite aux gens d’être heureux dans cette chanson, peut-être parce que moi, j’étais heureuse de la chanter avec Clint.

Sa maman portait des jeans très serrés quand elle était plus jeune au point de devoir s’allonger pour pouvoir le fermer, c’était la mode des jeans près du corps.
Il a fini des études de finance et a fait un stage qui l’a intéressé, à la fin, on lui a proposé de rester mais il souhaitait faire ce voyage, alors il a bien vendu la boîte à un ami, et il a bien vendu l’ami à la boîte. Il n’avait pas de doute ou d’inquiétude sur le fait qu’il trouverait un emploi en rentrant, il était serein à ce sujet.

Il a passé une année aux USA en première ou terminale et a connu plusieurs familles dont une particulièrement accueillante. La première n’était pas recommandable, il y avait un panneau à l’entrée du village avec une citation de Hitler, il a changé, et celle où il est resté, il y a passé de bons moments. Il aidait la mère aux taches ménagères, et c’est son éducation qui le poussait à aider. Je lui ai demandé s’il était toujours en contact avec cette famille, et il m’a avoué qu’il n’est pas très fort pour donner des nouvelles même s’il pense aux gens.
Ce jour où nous étions dans les studios de cinéma, un jeune homme dont nous avions du mal à deviner l’âge voulait être ami avec Clint, il le regardait, et ne voyait que lui, c’était amusant, parce que nous imaginions qu’il était gay, et puis à un moment il nous a parlé de sa femme et de son enfant, on était surpris, et on avait presque du mal à le croire, c’est naïf, mais c’est vraiment indien, combien d’hommes en Inde se tiennent pas la main, et restent assis ensemble l’un ayant le t^te sur les épaules de l’autre…. Il s’intéressait aussi beaucoup à mon iPod et voulais me l’acheter, je lui ai dit le prix qu’il m’avait coûté et il volait me l’acheter, mais nous n’arrivions pas à lui faire comprendre qu’il pouvait l’acheter directement en Inde.
Il a deus sœurs, Morgane et Emmanuelle.
Il a offert une lampe frontale à l’ami d’une de ses sœurs, mais avant de me raconter la petite histoire, il m’a demandé d’estimer le prix de cette lampe frontale qu’il avait, et de deviner où elle avait été produite. Elle valait donc bien plus que les 2 euros que j’avais misés.
Il avait prêté des CD de David Bowie à un ami de d’une de ses sœurs et ne les a jamais récuperés.
Il aime lire, il est discret et écoute plutôt qu il ne parle.

Il bronze très facilement et vite, un été il ait le pari avec un ami de bronzer autant que possible, ils se mettaient de la graisse à traire pour accélérer le bronzage et il est rentré noir.

Il est allé à New York et moi je vais y aller.

Il a pris le transsibérien pour aller jusqu’en Chine et avait eu quelques galères pour rentrer en France je crois, ou bien il n’avait pas non plus pris de billet retour, pensant pouvoir en prendre un sur place mais finalement ça lui avait coûté bien plus cher que prévu.

On a parlé de tatouages, moi, je n’aime pas ça

Il est venu en Inde sans prendre de billet retour, et il se demandait s’il préviendrait sa famille de son retour ou s’il ferait la surprise de rentrer un soir.
Il avait l’habitude de jouer au poker le jeudi soir avec ses amis.

Nous avons parlé de cinéma, et je lui ai raconté ce film éprouvant que j’ai vu cet hiver, Le choix de Sophie, je lui ai donné envie de le regarder et il avait aussi l’intention de voir Les ailes du désir, je crois que c’est mon film préféré.

On écoutait de la musique avec mon Ipod et son lecteur mp3, Bob Dylan, Pink Floyd, Lou Reed, je lui ai fait écouter Paco de Lucia, une chanson de S Wonder que j’aime beaucoup, nous avons écouté la Callas, il nous aurait fallu aussi avoir D Bowie, on voulait écouter Ziggy Stardust, life on Mars.

On s’est aussi bien marré à jouer au quiz test, music test et video test sur mon Ipod, on ratait presque tous les coups.

Il me disait que quand il rentrerait, il mangerait une bonne salade de tomate mozzarella, avec une bonne vinaigrette au vinaigre balsamique.

Il avait de la corne sous les pieds au niveau des talons, et devant mon étonnement, il m’a dit souhaiter en avoir sur la totalité des pieds, il aurait pu marcher pieds nus, j’ai compris, parce que j’ai aussi l’habitude de quitter mes chaussures dès que possible.

Je lui ai raconté comment et pourquoi j’ai cette cicatrice sur le ventre, et la liste des autres cicatrice et petites blessures d’enfance.

Une fois, il a eu une copine qui avait une verrue sur le pied et n’avait pas particulièrement l’intention de l’enlever, et ça l’a dégoûté.

Il voyageait en chemise, je trouvais ça très classe… Clint était élégant.

Il a fait sa Bar mitsva, sans vraiment croire en D. et était surpris que je sache lire l’hébreu.
Il avait acheté de jolis petits sacs pour ses sœurs et cherchait quelque chose pour sa maman, mais il voulait être sur de son choix, il pensait que quelque breloque indienne ne lui aurait pas vraiment plu et pas convenu à sa féminité.
Il trouvait que la traduction en français du refrain ‘The partisan’ de L Cohen n’est pas très bonne.

J’aimais bien ses lunettes de soleil, qu’il avait adaptées à sa vue.

On regardait les intouchables et je lui faisait la remarque que nous nous avons la grande chance de pouvoir faire des projets pour l’avenir en occident, que nous avons le luxe de regarder notre futur, alors que certains se lèvent le matin et ne savent pas comment ils vont finir la journée, leur vie est une succession de journées sans espoir, la fatalité est un élément prépondérant dans la vie des hindous, et l’acceptation du sort leur permet sûrement justement de trouver la force de combattre jour après jour.

Au delà de ça, je ne vois pas de différence entre eux et nous, nous sommes des êtres sensibles, heureux ou malheureux, nous aimons et dans ce sens, nous sommes égaux.
Je suis heureuse d’avoir rencontré Clint.

Morgane





Bénares, sacré, mythique où tu as purifié ton âme. Je pense à toi petit homme, aventurier au fabuleux destin, Ulysse des temps modernes, il faut qu'à ton insu, notre esprit se souvienne, des passions de toutes tes vies antérieures, des kaléidoscopes de bonheur que tu as su donner à chacun de nous.
Gardons en mémoire ton sourire, ton regard, ton éternelle jeunesse et ton coeur.
Shiva t'a volé aux tiens l'espace d'un instant. Nous te garderons pour l'éternité dans nos âmes, dans le secret de nos jardins.
tu seras là où on ne t'attend pas.

flux et reflux de la vie, oublier l'ineffable pour renaître, ouvrir et faire rentrer un souffle nouveau, saisir l'inconnaissable, éclaire nous de ta vie.





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De Peter 



A tragedy has struck. Clint Sezalory, Morgane's brother, died in a hospital in Varanasi, a city in northeastern India on Friday. We are all trying to cope with the sudden loss of such a unique person. There are countless emotions that accompany the passing of a loved one, emotions I could never dream of being able to properly convey. What has made this particular passing evermore difficult is the thought that it has occurred so far from home and so far from family. Though it is not something I can accomplish with mere words, what follows below is an attempt to assuage not only my own grief but to offer a bit of relief to those who loved him dearest.

Varanasi is one of the oldest continuously inhabited cities in the world and famous the world over for it's religious significance for Hindus. It is on the banks of the Ganges that the believers go to wash away their sins. As one of the most important pilgrimages a Hindu can make, it is believed to be auspicious to die in Varanasi. Your soul is granted a release from its transmigrations.

Clint was a born adventurer. Though he passed just over a week after his 25th birthday, he had already seen more of the world than the billions who out of fear, poverty, or ignorance are too unfortunate to have that chance. He lived in Africa as a child, he had traversed two continents by rail (Paris to Peking), he had explored the wonders of Big Bend in Texas, and was almost finished with his three month exploration of the sub-continent when he fell ill. He was never afraid of the unknown; he knew no personal limits.

Clint's favorite comic book character was the infamous Tintin, a boy who embarks on journeys throughout the world. He keeps a figurine of Tintin on his desk, one that I have seen every day I have been here in Paris without a second thought. At some point soon after his passing I realized that that statue represents Clint to me and it will always be how I remember him—confidently stepping forward with his eyes on the horizon, ready to greet what's around the bend.


"Somewhere out across the Great Divide
Where the sky is wide and the clouds are few
A man can see his way clear to the light
Just hold on tight, that's all you got to do"


D' Isabelle Raynal ( la maman de Jean-Charles)

Que dire à des parents à des soeurs amputés de leur amour ... que dire à tous ces enfants , ces chers enfants qui pleuraient comme des veaux leur ami; celui de tous , celui de chacun?
La nouvelle m'a troué la cervelle et j'ai senti si perceptiblement dans les larmes de Jean Charles l'indicible perte d'un bout de sa vie , le lien de l' enfance , l'innocence de croire que çà ne s'arrêtera jamais. J'ai pensé à la soeur de Valentin, à ses parents, aux enfants de mes écoles partis trop tôt.
Ce jour là, un bout de son âme s'est enfuie suspendue par un fil à la pensée de Clint.... Clint, le frère des premières fois, le complice des dernières aussi , le pote qui manque, le témoin, le partenaire, l'adversaire , le leader mystérieux, le charmeur, le beau fayot si nécessaire faut bien le dire , celui auquel on succombe toujours parce - que derrière ce sourire malicieux brille une intelligence remarquable et une gentillesse sans égale.
Un beau mec somme toute, chicos qui plus est ... j'en garde évidemment un souvenir attendri et charmé... mais je vois encore dans les yeux de tous ses potes , entretenu bien au chaud , confié à tous ces mômes devenus des hommes , son esprit qui jaillit souvent dans les rires dans les blagues dans les chagrins qu'on ne montre pas aux mères.

Avec toute ma tendresse mon amitié et ma compassion

Isabelle Raynal la Mama, de Jean Charles